P RESENT à Paris à l'occasion de la remise de sa Légion d'honneur, par Valéry Giscard d'Estaing, notamment pour son action en faveur de la francophonie, le président américain d'Eli Lilly, Sidney Taurel, dans un français impeccable, a tenu à faire taire certains bruits faisant état de difficultés pour son groupe qui pourrait être affecté par l'expiration prochaine du brevet du Prozac.
Il est vrai que, dès l'été 2001 aux Etats-Unis et en janvier 2002 en France, des génériques de cet antidépresseur (qui a été prescrit à 40 millions de patients dans le monde depuis son lancement en 1986) devraient arriver sur le marché.
« Mais nous avons préparé avec soin cette échéance », commente Sidney Taurel. Ainsi, depuis cinq ans, cette année charnière, « appelée année X » chez Lilly, est l'objet de toutes les attentions et « nous nous sommes donnépour objectif de sortir de l'année X encore plus forts et comme l'entreprise pharmaceutique dont la croissance sera la plus rapide ». Pari tenu ? Sidney Taurel le croit fermement. « Nous investissons chaque année, dit-il, dans la recherche et le développement, 19 % de notre chiffre d'affaires. » Soit, pour la seule année 2000, 2 milliards de dollars (15,5 milliards de francs environ). « Ce qui correspond, poursuit-il, au cinquième budget de R & D de toute l'industrie pharmaceutique, et au premier si l'on compare les moyens consacrés à la recherche par rapport au chiffre d'affaires. »
Préserver l'indépendance
Cet effort particulier semble avoir porté ses fruits, puisque, depuis 1995, la firme américaine a mis sur le marché cinq produits innovants qui représentent aujourd'hui, à eux seuls, 41 % des ventes du groupe : Gemzar (gemcitabine) en oncologie ; Zyprexa (olanzapine) dans le domaine de la schizophrénie ; Evista (raloxifène) dans l'ostéoporose ; Humalong (insuline lispro) et Actos (pioglitazone) pour le diabète. Le succès de ces spécialités permettra d'amortir le choc qui pourrait être causé par l'expiration du brevet du Prozac, sans que la firme américaine soit obligée d'aliéner son indépendance. Car il n'est pas dans l'intention de Sydney Taurel de modifier la structure de l'entreprise en procédant à une quelconque fusion ou à des acquisitions. « Les produits les plus innovants, dit-il, sortent des laboratoires indépendants dans lesquels le potentiel humain est le plus performant, car les fusions et acquisitions ont souvent pour conséquence de diviser les équipes et les restructurations affaiblissent les efforts de recherche et de développement. »
Preuve encore de la volonté d'innovation d'Eli Lilly : dix nouvelles molécules seront lancées d'ici à 2004. Dès 2001, le groupe va commercialiser aux Etats-Unis et en Europe le Zovant, un traitement essentiel dans le sepsis sévère et qui pourrait devenir un des produits leaders du groupe, bien qu'il ne s'adresse qu'à une population restreinte. Mais les ravages de la maladie (de 30 à 40 % de décès parmi les patients concernés, selon M. Taurel) rendent urgente sa mise sur le marché. Cette même année, le groupe américain va commercialiser un nouveau médicament contre l'ostéoporose. En 2002, une nouvelle spécialité contre les troubles de l'érection devrait être mise à la disposition des médecins.
Pour Sidney Taurel, si la France reste toujours un marché prioritaire du groupe, la politique du gouvernement en matière de médicament « n'encourage guère les innovations, ce qui fait que les patients n'ont pas accès à ces nouveaux médicaments aussi rapidement qu'ailleurs ». Des propos que l'on peut rapprocher de ceux d'un autre grand patron américain, Hank McKinnel, P-DG de Pfizer, qui, il y a encore quelques jours, qualifiait la politique française en la matière d' « erreur magistrale ». A l'évidence, les grands patrons des multinationales, quelques jours après la présentation du « plan médicament » par Elisabeth Guigou et Bernard Kouchner, sont décidés à monter au créneau.
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