De notre correspondante
Lors du précédent scrutin municipal à Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône, le Dr Dominique Tichadou était déjà tête de liste, investi par le Parti socialiste. Les Verts, les Radicaux de gauche et le Mouvement des citoyens s'y étaient ralliés. Pour les élections qui vont se dérouler les 29 septembre et 6 octobre, après l'annulation de l'élection de Catherine Mégret, le PS lui a préféré un autre médecin, le Dr Guy Obino (deuxième de la liste socialiste lors des élections de mars 2001), qui a l'avantage d'unifier la gauche, en ralliant le Parti communiste. Le Dr Tichadou, par ailleurs conseiller général socialiste et délégué régional santé de ce parti, du moins jusqu'à ces derniers jours, se sent d'autant plus meurtri du « lâchage », comme il l'appelle, que c'est lui qui avait déposé un recours en Conseil d'Etat pour faire annuler ces élections.
Quelques jours avant le scrutin, la liste MNR de Catherine Mégret avait en effet distribué un tract jugé diffamatoire pour Christian Rossi, tête de liste RPR. A la suite de quoi les élections ont été effectivement annulées et le chef de cabinet de Catherine Mégret mis en examen.
Combat entre socialistes
Partant du principe qu'il représente « la meilleure chance de battre les Mégret » et qu'il considère le candidat officiel du PS comme « un homme de droite », le Dr Tichadou a décidé de se maintenir en présentant une liste indépendante intitulée « Vitrolles libre ».
« S'ils veulent m'exclure, qu'ils m'excluent », dit-il. Fidèle aux idées qu'il a exprimées au cours de la précédente campagne, il part à la reconquête de Vitrolles : « Il est temps de renvoyer le couple Mégret sur ses terres de Saint-Cloud et de rendre son éclat à cette ville que tout le monde montre du doigt », dit-il. Outre l'idéologie qui sous-tend les actions municipales, il dénonce le taux de surmortalité locale lié au bas niveau économique de la population mis en évidence par l'observatoire régional de la santé. Pour lutter contre la pauvreté et le désuvrement, son programme comporte un important volet formation, assorti d'une relance de la politique culturelle et associative « laminée pendant le mandat Mégret ». Il insiste sur la nécessité de développer une politique de proximité et d'accorder des crédits à chaque quartier.
Il tente de concilier la poursuite de son exercice de médecin gérontologue avec ses activités politiques ; et plaide par ailleurs pour un statut de l'élu. « Il ne faut pas que la politique soit seulement faite par des retraités et des fonctionnaires, mais tant qu'il n'y aura pas de statut de l'élu, il sera très difficile pour les professions libérales de briguer un mandat électoral. Car on n'est jamais sûr de retrouver sa place ou sa clientèle le jour où l'on n'est plus élu », explique-t-il.
Sur ce plan, la situation semble plus facile pour le candidat officiel du Parti socialiste, le Dr Guy Obino. Après trente-cinq ans de médecine générale à Vitrolles, il bénéficie depuis quelques années du MICA (mécanisme d'incitation à la cessation d'activités) et peut donc partager son temps entre ses activités municipales et la santé des RMIstes de la zone de l'étang de Berre, dans le cadre de la mission réinsertion du conseil général. Médecin, mais également fils, père et beau-père de médecins, il est particulièrement bien placé pour connaître les difficultés d'une grande partie de la population.
« A l'époque, le généraliste était aussi obstétricien et j'ai mis au monde la plupart des enfants ; je suis entré pratiquement dans toutes les maisons. Par sa fonction, le médecin est immergé dans les réalités et j'ai donc une conscience aiguë des problèmes de cette ville que j'ai vu passer de quatre mille à trente-sept mille habitants. »
Sa participation au conseil municipal depuis 1983 sous les différentes municipalités de gauche, puis d'extrême droite, ont été, dit-il, une excellente école:
« J'ai vu comment pouvaient fonctionner les institutions au service de la population et comment elles pouvaient dysfonctionner quand elles tombaient dans d'autres mains. »Pour aborder chaque point de son programme et écouter les propositions des intéressés, il organise des réunions publiques thématiques : sur la santé avec les médecins et les partenaires sociaux, sur l'école avec les enseignants et les parents d'élèves, sur l'urbanisme et l'environnement de plus en plus dégradés, sur le sport, car les clubs vitrollais qui faisaient parler d'eux dans toutes les compétitions n'existent plus, sur le tissu économique à reconstruire, sur le tissu social et culturel : privées de subventions et de locaux, les associations ont fermé les unes après les autres, de même que le cinéma et le théâtre.
« Les gens sont laissés à la dérive. S'ils ne peuvent prendre leur voiture pour aller ailleurs, ils restent chez eux ou traînent dans les rues, car on ne leur propose absolument rien. »La difficulté de se réunir à Vitrolles apparaît de façon symptomatique dans la campagne municipale elle-même : l'entourage du Dr Obino explique les énormes difficultés qu'il a rencontrées pour louer un local, à cause des pressions exercées sur les propriétaires et des menaces de plasticage.
Un retour aux valeurs républicaines
L'ambiance délétère qui avait déjà régné sur la précédente campagne des municipales a découragé Christian Rossi, tête de liste RPR-UDF-DL, de se présenter à nouveau. Le candidat, là aussi naturel, semblait être le Dr Henri Michel Porte, représentant de Démocratie libérale à Vitrolles, qui avait été deuxième de cette liste : « Depuis un an et demi que je suis dans ce conseil municipal, je me suis battu contre Catherine Mégret, ce qui m'autorisait à briguer l'investiture de l'UMP », croyait-il. Mais cette fois encore, seule la deuxième place lui a été proposée, derrière le RPR Christian Borelli. Après avoir accepté, le Dr Porte vient de se retirer avec fracas. « J'ai appris entre-temps le passé judiciaire de ce candidat, explique-t-il. Et même s'il y a eu amnistie et prescription, même si d'autres l'absolvent au titre d'une erreur de jeunesse, je ne peux admettre de joindre mon nom au sien. » Entre-temps également, explique le Dr Porte, « ce candidat avait rédigé seul son programme et il en ressortait du "MNR light" ; or, pour le tout-sécuritaire, nous avons déjà Mégret, on n'a pas besoin d'un autre ».
D'où sa décision de créer une autre liste appelée « Droite rassemblée pour Vitrolles », autour « des principes de morale, d'éthique et de probité qui doivent fonder tout engagement municipal ». Son programme a séduit François Bayrou, qui vient de lui donner l'investiture UDF.
Un retour aux valeurs républicaines
Bien qu'il soit entré en dissidence, le Dr Henri Michel Porte pourrait rassembler une bonne partie de la droite, gênée par la personnalité du candidat RPR (lequel candidat est d'ailleurs qualifié de « pain bénit » par la gauche).
« Je me sens tout drôle », dit ce médecin peu habitué à la politique politicienne dont il vient brutalement de découvrir les dessous. Connu dans la profession pour ses actions en faveur de la médecine de famille, notamment au sein de l'union régionale de formation continue UNAFORMEC, qu'il préside, il s'était surtout engagé dans la bataille municipale pour rendre à Vitrolles un visage plus humain.
Au-delà de l'urgence de « bouter les Mégret hors de la ville », il prône un retour aux valeurs républicaines fondées sur les droits et les devoirs du citoyen. « Il faut recréer le tissu social, introduire la culture pour tous », plaide-t-il. Il avait d'ailleurs créé dans les années quatre-vingt une association, « Vivre ensemble à Vitrolles », pour éviter, dit-il, que « tout le monde se regarde en chiens de faïence » comme c'est le cas aujourd'hui : c'est cela, plutôt que la sécurité à outrance, « qui pourramodifier la qualité de vie de chacun, qu'il soit plus ou moins bronzé ». C'est le discours qu'il tient en distribuant son programme sur les marchés et qu'il défendra au cours d'un meeting présidé par François Bayrou. « Mais la campagne va être courte », regrette-t-il. D'autant plus courte qu'il n'a pas interrompu son exercice professionnel ( « tout de même un peu perturbé ces jours-ci », reconnaît-il), ni ses activités au sein de L'union régionale de formation continue.
Deux médecins d'une gauche modérée contre un médecin d'une droite également modérée : on peut penser que les désistements du second tour et les reports de voix se feront naturellement et permettront d'amener à Vitrolles un changement d'équipe municipale.
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