C'est en raison du risque majeur de cancer de l'estomac chez les patients porteurs d'Hp que les préconisations de dépistage de la bactérie et de prise en charge thérapeutique sont en train de changer. Dans certains pays d'Asie, l'incidence des cancers de l'estomac est supérieure à 20 pour 100 000 habitants. Elle est bien plus faible dans les pays européens. C'est en 2001 que plusieurs études ont dévoilé la responsabilité majeure d'Hp dans la pathologie gastrique cancéreuse. Une sérologie positive à Hp est retrouvée dans 75 à 80 % des cancers de l'estomac (1). Le risque relatif de survenue d'un cancer gastrique en présence d'Hp serait multiplié par 5,9 (2).
Suite à une réunion asiatique de consensus sur la prévention du cancer gastrique en 2008 (3), il est désormais recommandé dans les pays de l'Est asiatique à fort risque de cancer gastrique de réaliser un dépistage systématique de l'infection à Hp chez tous les adultes, dès l'adolescence, et d'éradiquer la bactérie par un traitement adapté. En France, pays à faible incidence de cancer, il n'est pas question de proposer un dépistage généralisé de l'infection mais seulement d'en élargir les indications. Les recommandations françaises officielles étant déjà anciennes, il est admis d'adopter l'attitude européenne définie par le consensus de Maastricht en 2005 (4). Il convient donc de rechercher et d'éradiquer Hp comme auparavant en présence d'une maladie ulcéreuse active, inactive ou compliquée, d'un lymphome gastrique du Malt et après gastrectomie partielle pour ulcère. Toutefois, le dépistage et le traitement sont étendus aux patients ayant un antécédent de cancer de l'estomac réséqués par mucosectomie ou gastrectomie partielle et aux apparentés du premier degré de patients ayant eu un cancer de l'estomac. Ce dépistage est également recommandé avant la mise en route d'un traitement par IPP au long cours et chez les patients ayant des lésions prénéoplasiques étendues, c'est-à-dire une atrophie sévère ou une métaplasie intestinale étendues car, si on ne peut pas faire régresser ces lésions, il est possible de les stabiliser.
Une prise en charge qui doit évoluer.
Le taux de réussite actuelle du traitement d'éradication de première ligne n'excède pas 70 %. Identique depuis les recommandations de 1999, ce traitement associe, pour une durée de 7 jours, un IPP à double dose, de l'amoxicilline 1 g x 2/j et de la clarithromycine 500 mg x 2/j. La résistance d'Hp à l'amoxicilline est exceptionnelle ; en revanche la résistance à la clarithromycine augmente de façon significative et atteint actuellement 20 % en France. Avec le schéma thérapeutique actuel, le taux d'échec d'éradication atteint 80 % en cas de résistance à la clarithromycine. Les patients doivent être prévenus d'emblée du risque d'avoir un traitement de 2e ligne.
Les pistes de réflexion destinées à éviter cet échec thérapeutique portent actuellement sur :
– l'adoption d'un autre schéma thérapeutique de première ligne ;
– la systématisation du contrôle de l'éradication d'Hp au minimum 10 jours après la fin du traitement. Le test respiratoire à l'urée marquée, qui est remboursé, est le test de choix ;
– le développement d'un moyen rapide et peu coûteux pour tester la résistance d'Hp à la clarithromycine avant le traitement. Dans le cadre des développements technologiques, le dépistage de la résistance à la clarithromycine par une PCR sur biopsie gastrique est en cours d'étude.
Après échec du traitement de première ligne, soit environ dans 30 % des cas, il est recommandé, en 2e ligne, d'allonger le traitement à une durée totale de 14 jours en associant à l'IPP double dose et à l'amoxicilline du métronidazole : 500 mg x 2/j.
Le traitement de 3e ligne n'est plus anecdotique mais concerne environ 10 % des patients. La mise en culture d'un fragment biopsique et l'obtention d'un antibiogramme sont alors recommandées. Le recours thérapeutique est habituellement de garder l'amoxicilline à 2 g par jour et l'IPP double dose, et d'ajouter soit une fluoroquinolone (lévofloxacine ou ciprofloxacine) – ce qui permet d'obtenir des taux d'éradication qui vont de 70 à 80 % –, soit de la rifabutine 150 mg x 2/j avec laquelle les taux d'éradication vont de 72 à 86 %. La rifabutine, utilisée contre les myco-
bactérioses aviaires chez les sujets immunodéprimés, doit toutefois être prescrite avec précaution compte tenu notamment des risques de neutropénie et d'uvéite, aggravés en cas d'association à des macrolides.
Vers un traitement séquentiel ?
L'Italie et l'Espagne, confrontés à la même problématique de taux d'échec de 70 % au traitement de première ligne, utilisent un traitement d'éradication d'une durée de 10 jours selon un schéma séquentiel de 5 jours associant un IPP à double dose et de l'amoxicilline 2 g/j suivi de 5 autres jours où l'IPP, toujours à double dose, est associé à de la clarithromycine 500 mg x 2/j et du métronidazole 500 mg x 2/j. Les Italiens ont montré que ce schéma permettait d'obtenir un taux de réussite de 90 %, y compris chez les patients porteurs d'Hp résistants à la clarithromycine. Ce traitement séquentiel n'a pas été validé en France et n'est donc pas actuellement recommandé. Les essais de traitement classique de première ligne sur 10 jours ne sont pas non plus recommandés car ce qui est gagné en efficacité est perdu en observance.
En conclusion, les données sur le rôle carcinogène d'Hp s'accumulent, le risque de cancer gastrique lié à Hp apparaît désormais comparable au risque de cancer du poumon lié au tabac ou à celui de l'hépatocarcinome lié au VHC. Il n'y a pas de « bon Helicobacter pylori » et désormais la question n'est pas de savoir qui traiter mais chez qui il faut chercher le germe et, quand il existe, savoir le traiter jusqu'à l'obtention de son éradication.
* D'après un entretien avec le Dr Anne Courillon-Mallet CHI de Villeneuve-Saint-Georges.
(1) Ekström AM et coll. Gastroenterology 2001;121(4):784-91.
(2) Helicobacter and Cancer Cancer Collaborative Group. Gut 2001 ;49:347-53 (3) Fock KM. J Gastroenterol Hepatol 2008;23 :351-65.
(4) Malfertheiner P et Coll. European Gastroenterology Review 2005;59-60.
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