Chronique électorale
A Barcelone, où s'est tenu un sommet européen vendredi et samedi, la pomme de discorde, c'était l'EDF. Sur ce dossier, la France était isolée : ses partenaires lui demandaient la libéralisation, (c'est-à-dire la privatisation) de notre grande entreprise nationale, mais ni Jacques Chirac ni Lionel Jospin ne voulaient en entendre parler.
Ils l'ont fait savoir avant même de quitter Paris, le président de la République affirmant même qu'il n'était « évidemment » pas question de libéraliser EDF. Voilà bien une évidence qui échappe complètement aux autres Etats européens. Elle participe de toutes ces choses qui vont de soi en France, mais pas ailleurs. Au moins M. Jospin, socialiste, reste-t-il dans sa logique. Mais M. Chirac, qui présente un programme économiquement libéral, propre à ôter les chaînes qui entravent le dynamisme économique de la France, se retrouve très dirigiste chaque fois que cela lui convient.
Soudés comme jamais
En tout cas, bien que les observateurs aient noté que les deux candidats à la présidence avaient du mal, à Barcelone, à cacher le ressentiment réciproque qu'ils s'inspirent depuis qu'ils se sont lancés dans la campagne électorale, se sont montrés, dans l'affaire d'EDF, soudés comme jamais. Pour l'image de la France en général, c'était préférable. Pour son image européenne, c'était déplorable.
Ce n'est pas la première fois que nous prenons dans la construction européenne ce qu'elle nous apporte d'utile et de fructueux, tout en rejetant ce qui ne nous convient pas ; et nous ne sommes pas les seuls à militer pour l'union tout en protégeant nos intérêts nationaux. Pour ce qui concerne EDF, cette société nationale va bien, semble prospère, quoiqu'endettée, assure de très nombreux emplois, correctement rémunérés et assortis d'avantages sociaux contre lesquels aucune autre société, publique ou privée, ne peut rivaliser. Dans ces conditions, une privatisation risque d'apporter aux salariés d'EDF plus d'inconvénients que d'avantages. Et il n'y a donc pas de raison de changer ce qui fonctionne à la perfection ou presque.
Un double statut
Le problème ne vient pas de ce qu'EDF soit une société nationale ; il vient de ce qu'étant nationale elle joue en même temps le jeu bien connu des conglomérats privés. Elle achète des sociétés productrices d'énergie en Europe, elle grossit et devient un géant parmi les nains. Ce qui fait dire à nos quatorze partenaires que, s'ils veulent bien accepter les fusions entre groupes privés, ils ne souhaitent pas tomber aux mains d'un mammouth industriel qui appartient à l'Etat français et qui semble disposer de la sorte d'un double statut. Les compagnies d'électricité européennes ne voient pas d'inconvénient à être absorbées par un groupe privé, elles en voient un, et de taille, à être phagocytées par la France.
Bien entendu, les arrière-pensées électorales ne sont pas absentes de l'attitude conjointe adoptée par le chef de l'Etat et par le Premier ministre. Le sommet de Barcelone aurait mieux fait de ne pas inscrire le dossier d'EDF à son ordre du jour. Nos amis européens auraient dû comprendre que ce qu'on peut demander à des hommes disposant d'un mandat électoral, on ne saurait l'exiger de candidats.
Une injustice
Mais si le sujet n'a pas été ajourné, c'est parce que l'irritation des Quatorze est grande, notamment celle des Italiens dont 20 % de la production électrique est passée aux mains de l'Etat français. Ils ne peuvent pas, eux, contre-attaquer en achetant des parts d'EDF, puisque, par définition, EDF n'est pas à vendre. Ils sont donc victimes d'une injustice produite par notre attachement à un système national, en totale contradiction avec nos engagements européens.
Cela démontre, si c'était nécessaire, que lorsqu'on en arrive à des élections générales dans un pays membre, les valeurs européennes n'ont aucune importance. Ce n'est jamais sur l'Europe que se jouent de telles élections. Le danger du fédéralisme, qui effraie tant de monde, de Chevènement à Pasqua en passant par Le Pen, est très lointain. Ce ne sont pas les Européens qui élisent le président de la République française et ce ne sont pas eux qui désignent son Premier ministre.
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