ENVIRON 2 % de la population française souffre de psoriasis, une maladie de longue durée qui ne provoque pas seulement des troubles physiques. Parmi les affections dermatologiques (acné, alopécie, eczéma), c'est celle qui a le score de dépression le plus élevé, lorsqu'elle touche 52 % du corps du malade. Plus troublant encore : le taux de prévalence de l'idéation suicidaire chez les psoriasiques se situe entre 5,6 et 7,2 %, presque deux fois plus élevé que chez les patients souffrant de maladies chroniques réputées plus graves, telles que le diabète ou l'hypertension. C'est pour cela «qu'il ne faut pas seulement regarder le psoriasis, il faut l'écouter, prévient la dermatologue et psychanalyste Sylvie Consoli (hôpital de la Salpêtrière, Paris). Le médecin qui le prend en charge doit tenir deux fils: l'un de la réalité externe objective, l'autre de la réalité interne subjective».
Le retentissement psychosocial du psoriasis sur le malade et son entourage (thème d'une récente conférence de presse organisée par Leo Pharma France) s'explique par la particularité de la peau. C'est un organe exceptionnel, vital et visible. «Il limite le corps entier et définit la limite de l'espace psychique individuel. C'est l'organe privilégié de la vie de relation à travers les échanges tactiles, explique le Dr Consoli. Il est lié à la beauté, à la séduction, il est le lieu de l'inscription du temps qui passe, mais aussi celui de la tendresse, de la sensualité, du plaisir, de la sexualité.» Or le psoriasis altère l'image et l'estime qu'on a de soi. Il use le capital narcissique du malade et retentit sur la vie affective et sexuelle parce qu'il limite les échanges tactiles.
Agressivité.
La gravité objective de la maladie est souvent moindre que celle vécue par le malade. Il faut qu'il puisse en parler, mais il ne se sent pas toujours entendu, ce qui explique le nomadisme médical de ces patients et l'abandon fréquent des traitements. De leur côté, les proches peuvent aggraver cette perception négative de la maladie en laissant entendre qu'elle est sale, provoquée par le malade lui-même : «C'est psychosomatique, tu te fabriques ton psoriasis.»
Une agressivité qui est peut-être un moyen de défense, car si le psoriasis obère la qualité de la vie du malade, il affecte aussi celle de tout son environnement. Ce groupe patient-entourage constitue une entité que le Pr Andrew Finlay (université de Cardiff, pays de Galles) a baptisée «le patient élargi». «Le psoriasis, mal connu des membres de la famille, augmente l'anxiété du patient et celle du groupe social le plus proche», précise-t-il.
À l'appui de son analyse, une étude conduite auprès de patients vus en ambulatoire, dont le psoriasis avait été diagnostiqué depuis plus d'un an, et de 61 personnes de leur entourage, dont 35 étaient des épouses ou des partenaires. Des interviews de ceux-ci, réalisées en face à face, révèlent que 57 % se disent inquiets sur son futur, sur son état de santé, et ressentent de la frustration à l'idée que l'on ne puisse pas le guérir… ; 55 % des membres de l'entourage reconnaissent que la maladie a aussi un impact sur leur vie sociale, 44 % d'entre eux disent encore qu'elle réduit leur activité sportive (gêne pour aller à la piscine ou au bord de la mer, arrêt du golf, du tennis ou de la gym). Et 37 % des parents avouent que le psoriasis empoisonne leurs relations personnelles, et particulièrement leur vie sexuelle, la vie de famille est détériorée, l'humeur changeante du malade provoquant du stress.
Il faut donc prendre en compte cette dimension du retentissement psychosocial du psoriasis afin de donner aux malades une meilleure qualité de vie. À l'APLCP (Association pour la lutte contre le psoriasis)*, une association de malades, les personnes atteintes trouvent une écoute personnalisée, elles participent à des groupes de parole et à des échanges organisés avec leurs proches. Un soutien que la médecine ne peut pas toujours leur assurer.
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