VENDREDI DERNIER, l'Ordre des médecins publiait un communiqué titré « le Cnom invite l'ensemble des organisations professionnelles à améliorer la convention nationale des médecins libéraux » (« le Quotidien » du 31 janvier). Dans ce texte, l'Ordre, sans remettre en cause les orientations définies par la nouvelle convention (médecin traitant, parcours de soins coordonné, convention unique, etc.) s'inquiétait « cependant de la complexité des mesures » contenues dans cette convention, ainsi que de son aspect « proche du labyrinthe ». Il invitait en conséquence « l'ensemble des organisations professionnelles à améliorer dans les semaines et les mois qui viennent la convention, dont les mesures principales ne doivent entrer en vigueur qu'en juillet 2005 ».
Renégocier ; non, clarifier, oui.
Interrogés par « le Quotidien », les syndicats de médecins libéraux, signataires ou non de cette convention, analysent le communiqué du Cnom à l'aune de leur propre interprétation de l'accord du 12 janvier.
Du côté des signataires, le ton est évidemment plus amène que du côté de ceux qui ne l'ont pas ratifiée. Pour le Dr Michel Chassang, président de la Csmf (Confédération des syndicats médicaux français), « le Cnom a publié un avis très mesuré, très favorable à la convention. Simplement, il souhaite que le texte évolue, comme nous ». Même chose pour le Dr Dinorino Cabrera, président du SML (Syndicat des médecins libéraux : « Quand on regarde le communiqué du Cnom, il est plutôt positif sur la réforme. Mais on ne peut tout de même pas parler de labyrinthe. Le texte est très nouveau. Il demande des explications, mais il n'est pas si complexe que ça ».
Au chapitre de l'amélioration de la convention dans les semaines et les mois à venir, demandée par l'Ordre, les positions des partisans du oui sont encore assez similaires. Pour le Dr Chassang, « quand le Cnom invite les partenaires à améliorer le texte, ça ne veut évidemment pas dire le renégocier, mais l'approfondir, éventuellement par voie d'avenant. En quelque sorte, le Cnom nous invite à faire vivre cette convention ». Le Dr Cabrera fait une lecture semblable : « Quand le Cnom demande des améliorations au texte, il ne demande pas à renégocier, il veut mieux comprendre. C'est vrai que cette convention envisage beaucoup de cas de figure et que, dans son ensemble, elle peut paraître complexe. Mais, catégorie par catégorie, c'est très simple. La critique du Cnom signifie évidemment " renégocier, non, clarifier, oui " !»
Plus généralement, Michel Chassang estime qu' « en filigrane de cette critique du Cnom, on peut lire qu'il juge positif le dispositif du médecin traitant ; même chose pour cette convention unique. De plus, le Cnom reconnaît que le texte conventionnel ne pose pas de problèmes déontologiques. Je dirai pour conclure que, par cette critique, le Cnom dit en substance "bien, mais peut mieux faire" . C'est un encouragement à poursuivre ». Ce que ne démentirait pas le Dr Cabrera : « Quand le Cnom dit que le rôle du médecin traitant, notamment dans la gestion du DMP [dossier médical personnel] , doit être mieux pris en considération, il dit comme nous. Il est clair que, quand le DMP sera mis en place en 2007, le médecin traitant aura un rôle de pivot, et il faudra le rémunérer ». Mais le Dr Cabrera va encore plus loin, et estime que « cette critique positive faite par le Cnom ne sert pas les intérêts des opposants à la convention. Le Cnom a eu des coups de griffe sévères contre la convention de 1998, c'est même la première fois qu'il trouve aussi peu à redire sur une convention. Il faut expliquer et expliquer encore : ce texte modifie les comportements, c'est surtout ça qui dérange. »
« Qui n'attaque pas consent ».
Côté opposants, le ton change évidemment, et les analyses diffèrent d'un syndicat à l'autre. Le Dr Pierre Costes, président de MG-France et détracteur de la convention, estime que « c'est la première fois que le Cnom n'attaque pas le texte d'une nouvelle convention au Conseil d'Etat. Qui n'attaque pas consent. Le Cnom n'est plus en phase avec la réalité de terrain depuis longtemps. Si ses critiques étaient sérieuses, il aurait attaqué devant le Conseil d'Etat. Soit ils attaquent, soit ils ne servent plus à rien. Le Cnom n'a plus aucune prise sur la réalité conventionnelle. Les caisses lui demandent son avis, car c'est une procédure obligatoire. Ensuite, elles s'en désintéressent ».
Alors que dans le même temps, le Dr Régi, président de la FMF (Fédération des médecins de France) semble juger plus pertinente la position du Cnom : « Je n'avais pas attendu le Cnom pour juger la convention, mais je suis d'accord avec lui sur bien des points : le médecin traitant par exemple, qui est un contrat double, juridique et conventionnel. Le Cnom note comme la FMF qu'il ne faudrait pas qu'un esprit tatillon des caisses vienne altérer la relation singulière médecin-patient. » De même, le Dr Régi rejoint l'analyse du Cnom qui craint que lier d'éventuelles revalorisations d'honoraires aux économies demandées aux médecins pose un problème éthique : « Pour nous, à la FMF, nous considérons que c'est antidéontologique ». Et plus généralement, le Dr Régi juge la critique du Cnom : « L'Ordre n'attaque pas la convention devant le Conseil d'Etat, mais il craint à haute voix que cette usine à gaz ne fonctionne pas. Je ne me sens pas spécialement conforté dans ma position par les commentaires du Cnom, mais je constate que, comme nous, il ne fait pas dans la dentelle ; tout ce qu'il dit va dans le sens de notre analyse ».
Dr Calloc'h : « Un document assez hermétique »
Le secrétaire général de l'Ordre des médecins s'explique.LE QUOTIDIEN - Votre communiqué sur la nouvelle convention parle de « labyrinthe », de « système rigide » ; en avez-vous pesé chaque mot ?
Dr LOUIS-JEAN CALLOC'H - Le Conseil national de l'Ordre des médecins est au service du patient. Si nous trouvons la convention difficilement compréhensible, il est probable que le patient aussi. Les professionnels de santé qui ont travaillé sur cette convention ont bien travaillé, mais c'est un document assez hermétique pour des non-professionnels.
Invitez-vous à une renégociation de la convention ?
Renégocier, sûrement pas, mais il y a des points à repréciser. Par exemple, et ce n'est pas exhaustif, ce n'est pas parce qu'un médecin refuserait d'être le médecin traitant d'un patient que ce refus peut être assimilé à un refus de soins - malheureusement, ce point n'est pas clair dans la convention. Par ailleurs, sur le sujet du conciliateur, chargé de régler d'éventuels litiges entre patients et médecins, il faudrait en préciser le statut et les compétences. D'où vient ce conciliateur ? C'est le rôle du Cnom que de remplir cette mission, et nous ne serions pas opposés à le faire. De plus, il convient de mieux définir la place de la formation professionnelle conventionnelle. Comment, en effet, la situer par rapport à l'évaluation des pratiques conventionnelles ? Enfin, le texte parle d'objectifs d'économies en santé : on sous-entend que, si ces objectifs sont atteints, il pourrait y avoir des revalorisations d'honoraires. Les économies en santé ne peuvent s'imaginer que si elles n'obèrent pas la qualité des soins dispensés. Il n'est pas sain de les assortir de possibilités de revalorisations.
Ne craignez-vous pas, avec cette critique de la convention, de dresser les médecins les uns contre les autres ?
Absolument pas. Notre critique est éminemment positive et se situe dans la droite ligne du courrier que Xavier Bertrand a adressé courant janvier à tous les médecins. Il y parle de première étape, d'améliorations à apporter, nous nous situons résolument dans cet esprit.
> PROPOS RECUEILLIS PAR H. S. R.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature