PRATIQUE
I. LE DIALOGUE
Le médecin
Le rond noir est la bulle d'eau que votre bébé a dans les plexus choroïdes. C'est cette minuscule bulle d'eau de 6 mm qui est un kyste des plexus choroïdes. Une grossesse normale sur cent (certains disent une grossesse sur trente) présente cette particularité.
Il faut absolument que tout le reste soit également normal ; pour être rassuré et être sûr que le bébé n'a pas de risque accru, toute l'échographie doit être normale : la nuque du bébé, à 12 semaines d'aménorrhée, doit être fine, les mains, le visage, les pieds, le cur doivent être normaux à l'échographie. Le ventre ne doit pas avoir de hernie, le bébé doit bien grandir, la forme de son crâne doit être normale, les dosages sanguins à la 16e semaine d'aménorrhée doivent être normaux (l'alphaftoprotéine ne doit pas être trop basse). Puisque nous avons vérifié tous ces signes et qu'aucun est anormal, cette image liquidienne n'est pas le reflet d'un problème. C'est quelque chose d'inhabituel mais ce n'est pas une anomalie.
Les chercheurs du monde entier sont d'accord pour dire que si tout est normal par ailleurs, la présence de ces kystes des plexus choroïdes ne reflète pas une malformation. Ils disparaissent d'ailleurs presque toujours au 3e trimestre de la grossesse.
La patiente
Et s'il y avait un autre signe, que faudrait-il faire ?
Le médecin
S'il y avait eu un autre signe d'alarme (dosage anormal d'alphaftoprotéine, anomalie à l'échographie), il aurait fallu en avoir le cur net : en effet, l'un des signes dont je viens de vous parler, lorsqu'il est associé à un kyste des plexus choroïdes, peut révéler une trisomie 18. Pour la confirmer, une seule solution : prélever un peu de liquide amniotique afin d'établir le caryotype.
Elle
Et le risque de trisomie 21 ?
Le médecin
Un kyste des plexus choroïdes n'est pas un signe de risque accru de trisomie 21. D'ailleurs, lors de la prochaine échographie dans deux mois, l'image liquidienne des plexus choroïdes aura disparu.
II. COMMENTAIRES
En cas de trisomie 18
Les fausses couches, précoces comme tardives, sont extrêmement élevées (Cf. tableau).
Le risque de trisomie 18 à un âge maternel donné, à 28 ans par exemple, est très faible, à 1/13 000 environ à la naissance, mais de 1/1 400 environ, soit dix fois plus, à 10 SA.
Le risque diminue au fur et à mesure qu'avance la grossesse, bien évidemment. Ce que traduit notre gestante, qui prend de l'assurance au fur et à mesure qu'avance sa grossesse, et ressent l'évidence suivante : « Puisque je n'ai pas eu de fausse couche, c'est que tout va bien. »
Deux faits apparemment opposés
Pourquoi certains affirment que la trisomie 18 est fréquente (le risque, par exemple à 38 ans, est de 1 sur 218) quand d'autres affirment, à l'inverse, qu'elle n'est pas fréquente (même à 38 ans, le risque n'est que de 1/1 974).
La réponse est bien entendu : le risque de trisomie 18 est bien de 1/218 à 38 ans... à 10 SA et de 1/1 974 à 38 ans... à la naissance.
Le risque lié à la présence de kyste des plexus choroïdes.
Certains auteurs pensent que l'augmentation du risque est négligeable chez la femme jeune. Le risque de trisomie 18, en effet, n'est augmenté que de deux fois si le kyste est isolé, c'est-à-dire avec une échographie par ailleurs normale. C'est le cas de notre patiente : elle a 28 ans, son risque à 18 Sa est de 1/3 000 et s'il existe un ou des kystes des plexus choroïdes, il ne deviendrait que 1/1 500. En cas d'âge maternel avancé, le risque doublé peut devenir significatif (à 38 ans, le risque à 18 semaines d'aménorrhée est de 1/462 ; il devient 1/231 en cas de plexus choroïdes isolés).
Mais il n'y a pas consensus : certains auteurs considèrent, sur la foi de leurs résultats, que le risque est multiplié par 7 en cas de kyste des plexus choroïdes. Une femme de 32 ans dont le risque est de 1/1 500 atteindrait un risque supérieur au fameux seuil fatidique de 1/250 à 18 SA.
En fait, le test de la clarté nucale entre 11 SA et 1 jour et 13 SA et 6 jours permet de repérer les trois quarts des trisomies 18, de telle sorte que lorsque le filtre de l'épaisseur de la nuque est passé sans encombre à la fin du premier trimestre, le risque diminue globalement de quatre fois.
C'est pourquoi le risque de trisomie 18 au deuxième trimestre, depuis l'avènement de la clarté nucale, est trop faible pour que le problème soit posé au plan de la santé publique, face au risque de perdre par amniocentèse un ftus sain (cf. article sur la mesure de la clarté nucale).
III. EN PRATIQUE
Il va sans dire que la présence de malformations associées - surtout si elles sont multiples et davantage encore s'il s'agit d'anomalies de la série trisomique 18 comme les mains ou les pieds bots, le menton fuyant, les malformations cardiaques, l'omphalocèle, la forme du crâne aplati en arrière (forme en fraise), RCIU précoce, poly-hydramnie..., ainsi que l'abaissement inhabituel de l'alphaftoprotéine dans le sang maternel (« triple test » entre 14 et 17 SA) - constituent, avec l'âge maternel avancé, et éventuellement la présence d'un kyste des plexus choroïdes, des marqueurs de risque de trisomie 18.
Soulignons, pour conclure, la différence majeure entre la trisomie 18, létale dans l'immense majorité des cas, et la trisomie 21 : un tiers seulement des ftus affectés de trisomie 21 décèdent in utero. On touche là la raison de l'inquiétude du risque de trisomie 21 et l'indifférence relative face au risque de trisomie 18. Pourtant, le risque de trisomie 18 à 12 SA n'est que moitié moindre à 10 SA que celui de trisomie 21.
Risques de trisomie 18 selon l'âge maternel et l'âge gestationnel.
Age maternelAge gestationnel
10 SA12 SA14 SA16 SA18 20 SA25 SA
30 SA35 SA40 SA
20 ans1/1 9931/2 484
1/3 0151/3 5901/4 2151/4 8971/6 909
1/9 5161/13 0281/18 013
30 ans1/1 1681/1 4561/1 7661/2 1031/2 4691/2 8691/4 048
1/5 5751/7 6331/10 554
40 ans1/1261/1571/1911/2271/2671/3101/437
1/6021/8241/1 139
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