ON NE SAURAIT complimenter le chef de l'État pour sa cohérence. Au lendemain du drame provoqué par le tir à balles réelles d'un soldat qui participait à un spectacle, il a fustigé sans réserve l'armée et sa hiérarchie. Son jugement cruel aggravait le malaise d'une armée déjà déboussoulée par l'annonce d'une réforme qui se traduira par la réduction de 54 000 des personnels civils et militaires de l'institution. Le matin du 14 juillet, le chef de l'Etat abreuvait nos militaires de louanges. Ce va-et-vient dans les commentaires suffira-t-il à apaiser nos généraux ?
Nicolas Sarkozy est l'homme de la contradiction permanente. Il voulait être le président des Droits de l'homme, il est celui qui les bafoue à souhait. Ou plutôt, il leur accorde un soutien verbal que ses actes contredisent complètement. Il a eu la bonne idée de faire lire un passage de la Déclaration universelle des droits de l'homme par l'acteur Kad Merad, devant la tribune du 14 juillet et plus précisément devant le secrétaire général de l'ONU.
Il n'a rien fait pour le Tibet.
C'était beau et juste. Mais sur la même tribune se trouvait le président syrien, Bachar Al-Assad, le chef d'un pays qui a fait assassiner cinquante-huit de nos soldats et notre ambassadeur au Liban. Au Parlement européen, un Daniel Cohn-Bendit emporté, ému, sincère lui a reproché avec virulence sa décision d'assister à la cérémonie d'ouverure des jeux Olympiques à Pékin. M. Sarkozy n'a rien fait pour le Tibet, les négociations entre les dirigeants chinois et les émissaires du dalaï lama n'ont produit aucun résultat et, cependant, le président avait soumis sa décision à l'évolution de ces pourparlers. «On ne boycotte pas un quart de l'humanité», a-t-il répondu à Cohn-Bendit. Peut-être, mais, dans ce cas, pourquoi nous avoir promis de mettre les Droits de l'homme au-dessus des contingences politiques ? D'autant que la France s'est ridiculisée : non contents d'avoir humilié les envoyés spéciaux de M. Sarkozy, Jean-Pierre Raffarin et Christian Poncelet, venus à Canossa pour supplier la Chine de ne pas tenir rigueur à la France du parcours français de la flamme olympique, les Chinois ont fait savoir par leur ambassadeur à Paris, avec une arrogance fort peu diplomatique, qu'ils sanctionneraient une rencontre entre M. Sarkozy et le dalaï lama. En boycottant discrètement nos entreprises et en diminuant le flot des touristes chinois en France, ils ont démontré qu'ils se moquent des mots ; et ils exercent sur la France, choisie pour servir d'exemple, des pressions économiques. Ce n'est pas tolérable, mais M. Sarkozy le tolère. Et il s'est lui-même engagé dans une politique chinoise vouée à la faillite.
Il n'en a pas moins remporté, les 13 et 14 juillet, un magnifique succès avec le lancement, pourtant improbable, de l'Union pour la Méditerranée. Il a réuni des gens qui se haïssent, les a fait asseoir à la même table, et exposé une vision de l'avenir qui ne serait utopique que si elle n'était pas inéluctable à long terme. Il a imposé une approche pacifique des conflits du Proche-Orient. Il a montré qu'on ne peut parvenir à la paix que si l'on discute avec son adversaire. En se rapprochant de la Syrie, soudain considérée comme un pays fréquentable, il a contribué à l'isolement de l'Iran nucléaire.
UNE POLITIQUE CHINOISE DESASTREUSE, UN BEAU SUCCES AU PROCHE-ORIENT
Al-Assad lui-même a expliqué que, s'il obtenait satisfaction sur le contentieux, lourd et complexe, qui l'oppose à Israël, il ferait la paix. Le Liban et la Syrie ont annoncé un échange d'ambassadeurs : n'est-ce pas le premier pas des Syriens pour reconnaître la souveraineté du Liban ?
Le moment est propice.
Le talent de M. Sarkozy, en l'occurrence, c'est d'avoir compris, intuitivement peut-être, que le moment était propice à une nouvelle approche des conflits de la région ; qu'Israéliens, Palestiniens, Libanais, Syriens avaient enfin envie de faire autre chose que la guerre. Ce n'est pas un hasard si le Premier ministre israélien et le président de l'Autorité palestinienne ont déclaré conjointement qu'ils n'avaient «jamais été aussi proches de la paix». Certes, ils l'ont fait pour donner un gage à Sarkozy, pour ne pas gâcher sa fête, pour participer à la détente induite par le sommet euro-méditerranéen, mais aussi parce que c'est vrai, pour autant que M. Olmert ne quitte pas ses fonctions dans l'immédiat et que M. Abbas puisse surmonter l'obstacle du Hamas.
Il est bien trop tôt pour se réjouir. Au lendemain de la fête, une simple explosion peut remettre le feu aux poudres. Mais si personne n'offre d'alternative à la violence, elle se poursuivra pendant des siècles. M. Sarkozy sait qu'on le laisse faire, que les Européens et les Américains l'observent sans le critiquer, seulement pour voir jusqu'où il peut aller. En tout cas, on ne peut pas ne pas le féliciter d'avoir donné à la paix un stimulant que les États-Unis, en huit années de bushisme, n'ont jamais pu apporter.
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