N’en déplaise à ceux qui pensent encore que soigner est seulement affaire de connaissance et d’habileté, la médecine n’est déjà pas une chose facile ! Mais quand les experts eux mêmes font entendre des voix discordantes, le métier de généraliste relève carrément de la navigation à la boussole ! Que constate-t-on, à l’heure ou l’EBM (Evidence Based Medecine ou Médecine fondée sur les preuves) est devenue le GPS des experts, toutes disciplines confondues ? Tout d’abord que les plus belles méta-analyses ne peuvent donner que ce qu’elles ont, autrement dit que le plus beau travail de recherche bibliographique butera forcément sur la qualité des éléments qui la compose. « Un poisson pas frais dans la bouillabaisse », titrait il y a quelques années un cardiologue réputée au sujet d’une méta-analyse qui incluait une étude critiquable. Ensuite, que malgré ses limites, l’EBM demeure pourtant le socle sur lequel doit aujourd’hui reposer la pratique d’un médecin. Un peu comme la démocratie, qui n’est sans doute pas le meilleur système de gouvernement des peuples mais certainement le moins mauvais, l’EBM est aussi une bonne base de départ pour le praticien.
La difficulté consubstantielle à une médecine fondée sur les preuves éclate cependant au grand jour lorsque, comme c’est le cas ces jours ci en matière de dépistage, les données se révèlent complexes. Voilà, par exemple, que l’on intime au généraliste, suite à une belle et grande étude, le dépistage du cancer de la prostate par le PSA à partir de 50 ans (pour réduire la mortalité dudit cancer) même si les recommandations officielles n’ont pas encore été changées. La semaine suivante, l’Académie de médecine, lassée de ne pas être entendu par les autorités de santé, pousse un « coup de gueule » contre le dépistage du cancer colorectal par Hemoccult® : « Il faut dépister, mais il est urgent de changer de test ». Une façon de rappeler la complexité de l’exercice médical et, en l’occurrence, du dépistage, en attirant l’attention sur les faux positifs et la morbidité induite par les tests. Car au bout de la chaîne c’est bien le patient et son généraliste qui se trouvent confrontés à la réalité, la vraie vie, comme l’on dit maintenant. Une vie dans laquelle un test s’introduit et se discute sur la base de l’EBM mais aussi et surtout au fil d’une relation humaine.
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