Livres
Destiné aux amoureux du romanesque, « Trompe-la-mort » (1) de Jean-Michel Guenassia (l’auteur des best-sellers « le Club des incorrigibles optimistes » et « la Vie rêvée d’Ernesto G. ») est un formidable récit d’aventures, entre New Delhi et Londres.
Fruit des amours entre un Anglais et une Indienne, Tom Larch quitte l’univers coloré indien pour la grisaille de Greenwich à l’âge de 8 ans ; à peine le temps de s’habituer que sa mère meurt tragiquement et qu’il rompt avec son père. À 18 ans il s’engage dans la Royal Navy, survit à la guerre et à de multiples accidents ; assez pour que les médias fassent de lui un héros « trompe-la-mort ». Revenu à la vie civile, il repart en Inde pour retrouver le fils d’un milliardaire, le début de nouvelles aventures.
Feuilleton à grand spectacle avec mille péripéties, des histoires d’amour émouvantes et des personnages hors du commun – des invraisemblances également mais c’est le propre du genre –, le roman s’attache à la personnalité d’un homme torturé et porte un jugement sur notre société du faux-semblant vue par les yeux d’un héros riche des valeurs d’hier, comme la droiture ou la loyauté.
Une fable pour adultes
Connu en France seulement pour son livre pour la jeunesse, « les Enfants de la planète bleue » (traduit en 26 langues !), le poète et dramaturge islandais Andri Snaer Magnason, offre avec « LoveStar » (2) une nouvelle fable, mais pour adultes. Le héros éponyme est un homme d’affaires visionnaire qui, en étudiant la soudaine perte d’orientation des insectes et autres espèces volantes, invente un mode de transmission des données inspiré des ondes des oiseaux, c’est-à-dire sans l’aide de l’électronique. L’homme est désormais constamment connecté sans fil, et promis au bonheur : plus d’individualité, plus de vie privée, mais des logiciels, ReGret, qui vous conforte dans vos choix, ou encore « inLove », qui vous oriente vers votre « calculé ». Un meilleur des mondes qu’Indridi et Sigridur, tombés amoureux avant d’être orientés, vont bousculer en cherchant leur vraie moitié, dans une suite d’aventures cocasses et pathétiques. Une dystopie un peu folle mais glaçante parue en 2002 – l’auteur n’avait pas 30 ans – alors qu’Internet n’en était encore qu’à ses balbutiements.
En même temps que paraissait, l’année dernière, « Bonne à (re)marier », de Sylvie Ohayon, sortait sur les écrans le film qu’elle a réalisé à partir du livre autobiographique qui l’a fait connaître, « Papa was not a Rolling Stone », l’histoire d’une ado de La Courneuve qui rêve de danse et de liberté dans les années 1980, entre une mère dépassée et un beau-père violent. On retrouve dans « l’Une contre l’Autre » (3) la même violence familiale et sociétale, avec une lueur d’espoir et un clin d’œil vers le Ciel.
Gabrielle est une jeune femme « illisible », qui a grandi dans une cité au milieu des Arabes et des Noirs, après que sa mère est morte d’un cancer et que son père l’a rejetée, et à côté d’une sœur cadette toute entière occupée à courir après ses produits de beauté et après Younes, qui la met enceinte. C’est elle seule qui s’occupe de l’enfant jusqu’à ce que ses parents la lui arrachent. Elle se jette par la fenêtre. L’histoire commence là : Gabrielle en est la narratrice qui, depuis son au-delà, continue de protéger sa nièce. Elle est son ange gardien, et la chroniqueuse aussi violente que généreuse, de la (sur)vie dans la cité.
Sans improvisation ni hasard
L’actualité est décidément à la contre-utopie, puisque paraît « J » (4), une lettre barrée de deux traits horizontaux, de l’écrivain anglais Howard Jacobson, qui est notamment l’auteur de « la Question Finkler », couronné par le Man Booker Prize en 2010. Également sélectionné pour ce prix l’année dernière, « J » nous entraîne dans un monde post-apocalyptique possiblement proche, un monde violent dont les « J » ont disparu, où il n’y a plus de place pour l’improvisation, où l’on utilise un « utiliphone » ou un « utilithèque ». Dans ce monde, deux jeunes gens, qui ne connaissent ni l’un ni l’autre leurs origines, tombent amoureux. Mais ils ne savent pas si leurs sentiments sont les leurs ou si leur amour a été pré-fabriqué. Ce qui est certain, c’est qu’on les observe et les étudie.
« Erable » (5) est le premier roman de Saskia de Rothschild, 28 ans, journaliste à l’« International New York Times », à Paris. Elle y décrypte la folle entreprise de Jean-Charles Erable, un surdoué misanthrope et mégalo, qui se fixe comme but ultime, en reniant les siens et à force de mensonges, de contrôler la vie des autres. Et pour cela de réécrire leur destin. « Mon idée est de contrôler le hasard pour essayer de rendre les gens heureux... tout en leur donnant l’illusion que rien ni personne à part l’aléatoire n’est responsable de leur joie. »
Pour mener à bien son projet, qu’il affuble du nom de Fortuna, il embrigade un homme désemparé par la mort des siens dans un accident dont il se sent responsable. La machine est en marche, qui vise à nourrir à force de questionnaires et de surveillances la base de données du générateur de hasard, jusqu’à créer « une matrice mondiale qui écrirait aussi l’histoire intégrale de la planète, sous son égide ». Mais la machine parfois déraille quand l’esprit humain joue le grain de sable.
(1) Albin Michel, 388 p., 22 euros.
(2) Zulma, 429 p., 21,50 euros.
(3) Robert Laffont, 350 p., 19 euros.
(4) Calmann-Levy, 503 p., 21,90 euros.
(5) Stock, 270 p., 19 euros.
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