LE TEMPS DE LA MEDECINE
Comme tous les sens, le goût peut être altéré, aboli, erroné ou exceptionnellement majoré. Mais, contrairement aux autres, son atteinte peut n'être que subjective, la perturbation authentique pouvant concerner l'odorat. Toute sensation gustative est indissociable de l'odeur de la substance introduite dans la bouche. De ce fait, l'examen d'un patient consultant pour dysgueusie ou agueusie doit, en premier lieu, s'inquiéter d'une atteinte de l'odorat.
Le constat du trouble du goût est fondé sur l'altération de la perception de l'une des saveurs fondamentales : sucré, salé, acide et amer. Même contestable, cette notion a l'avantage de se prêter à l'exploration grâce à des substances chimiques pures, respectivement saccharose, sel de sodium, acide citrique ou tartrique et quinine. A ces quatre saveurs décrites classiquement s'est ajoutée, plus récemment, celle du glutamate.
Une fois la plainte identifiée, il convient de la définir : trouble simple du goût, ou dysgueusie ; diminution, ou hypogueusie ; perte complète, ou agueusie ; enfin, impression erronée, ou paragueusie.
Quatre grands types d'étiologies sont répertoriées : orales, neurologiques, métaboliques et médicamenteuses. Il faut y ajouter un syndrome particulier, la glossodynie, qui touche la femme ménopausée.
Au niveau de la cavité buccale, les principaux responsables sont les parodontopathies ; auxquelles se joignent les autres atteintes dentaires, les appareillages prothétiques ainsi que la mauvaise hygiène. Plus médical et fréquent est le tarissement de la sécrétion salivaire par prise de médicament, après radiothérapie ou au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren. Une question et un geste simple permettent de le constater. Le patient peut-il humecter un timbre ou une enveloppe ? Un morceau de sucre placé sur la langue peut-il fondre ? L'explication du trouble du goût repose sur le rôle de la salive dans la solubilisation des substances sapides avant leur interaction avec le récepteur sensoriel.
Les causes neurologiques impliquent en priorité les atteintes de la corde du tympan. Elles surviennent essentiellement dans les suites d'otite moyenne aiguë, de paralysie faciale, de chirurgie de l'oreille moyenne. Dans ce dernier cas, les patients se plaignent, du côté opéré, d'une diminution du goût de l'acide et de l'amer, ainsi que d'une amertume ou d'un goût métallique. S'il ne s'est agi que d'un simple traumatisme peropératoire, la récupération est habituelle. Le risque, si minime soit-il, doit être pris en compte chez un professionnel du goût (cuisinier, oenologue).
Quant aux dysgueusies au cours d'affections métaboliques, elles sont de fréquences variables au cours des hépatopathies (40 %), de l'insuffisance rénale (70 %), de l'hypothyroïdie (50 %), du diabète (73 %), des carences en fer...
Le tabac est responsable d'hypogueusies. La grossesse, tout comme le cycle menstruel, interviennent aussi sur la gustation.
Il est important de reconnaître le trouble du goût d'origine médicamenteuse car il provient parfois d'un changement de thérapeutique. La liste des molécules impliquées est longue et concerne de multiples classes. Les médicaments peuvent agir aux diverses étapes de la chaîne du goût ; du bourgeon gustatif aux métabolismes cellulaires.
Reste le cas particulier de la glossodynie ou « Burning Mouth Syndrome ». Des douleurs ou des brûlures orales, spontanées et sans lésions muqueuses, sont décrites surtout par des femmes ménopausées. Il s'y associe des troubles du goût. Sa physiopathologie est mal comprise et les traitements décevants. Dans plus de la moitié des cas, le syndrome s'amende spontanément en six à sept ans.
« Les Troubles du goût et de l'odorat », Pierre Bonfils, Patrice Tran Ba Huy, édité par la Société française d'ORL et de chirurgie de la face et du cou, 1999.
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