ICI, une question excède celle du propos lui-même de la pièce. Et cette question est : qu'est-ce qui fait qu'un théâtre privé parisien se batte, avec des acteurs célèbres, pour mettre à l'affiche ce mélodrame de la jalousie, avec mari, femme et maîtresse ?
L'une, de son grand coutelas, égorgera l'autre et traînera la dépouille ensanglantée comme un trophée du dépassement de soi. Evidemment, la rivale n'est pas la meilleure amie, la fille des voisins ou la plus proche collaboratrice, comme d'habitude dans ce genre de piécette. La rivale est une chèvre. Une chèvre est la maîtresse. Martin, 50 ans, architecte de renom, Martin bien policé et dont on ne cesse de nous répéter qu'il s'entend à merveille avec sa femme, au lit aussi, entretient avec une chèvre une relation sexuelle à répétition. Cela s'appelle de la zoophilie. C'est la première fois à notre connaissance que ce thème surgit sur une scène de boulevard.
Car la pièce de l'Américain Edward Albee est construite exactement comme une comédie de boulevard : soupçon, aveu, révélation, destruction. Il y a même une happy end avec la réconciliation par un baiser sur la bouche, s'il vous plaît, du fils homosexuel et de son père qui ne supportait pas les préférences de son enfant...
Vous le comprenez, Edward Albee se moque ici méchamment de la société américaine. Il montre sous les façades bien lisses les pulsions les plus bestiales. Il nous dit que nous sommes des animaux. D'accord. Et on ne va pas s'effaroucher pour si peu : Léda peut aimer son cygne et Zeus prendre l'apparence d'un taureau pour enlever Europe. C'est la manière idiote dont tout cela est imaginé, et raconté qui est affligeant.
Est-ce le simple dépassement, cette dissolution des interdits, qui a plu aux producteurs, aux directeurs de la Madeleine, aux acteurs-décideurs, Nicole Garcia, André Dussollier, au metteur en scène Frédéric Bélier-Garcia ? On l'ignore car ils sont dans un discours du déni : on oublie que c'est une chèvre, dit Dussollier. Justement non. Le sujet, c'est cela. Et Albee le dit bien, il ne s'agit pas de métaphore.
Théâtre de la Madeleine, à 21 h du mardi au samedi, en matinée le dimanche à 15 h (01.42.65.07.09).
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