Le transfert des cendres d'Alexandre Dumas au Panthéon présente au moins l'avantage de rappeler aux jeunes générations que son nom ne désigne pas que l'affaire Elf ; et de les inciter à le lire ou à le relire.
De Dumas aussi, Gide aurait pu dire : « Dumas, hélas ! » Ce qui est roboratif, dans l'hommage national qui lui est rendu, c'est d'associer la grandeur à la simplicité. Alexandre Dumas n'est pas un écrivain qui a marqué l'histoire de la pensée, mais un conteur qui captait avec un magnétisme irrésistible l'imagination de son lecteur, jeune, de préférence. Comme pour démontrer à ses nombreux admirateurs qu'il n'y a pas de livre qui vaille qui ne soit, d'abord et avant tout, un bon récit. Nous ne sommes même pas sûrs que nous le relirions aujourd'hui avec l'enthousiasme d'autrefois. Mais son uvre constitue une parfaite initiation à la littérature en ce sens qu'elle fait de la lecture un plaisir intense, et bientôt une noble toxicomanie. On peut lire Dumas à sept ou huit ans, découvrir, de cette manière, les passions humaines, haine, amour, vice, trahison, courage ou loyauté, et deviner, devant ce tableau des sentiments qui a valeur universelle, de quoi on est fait soi-même, et entre quelles passions, créatrices ou destructrices, on sera sommé de choisir plus tard. De cette manière, on peut, après avoir lu Dumas, en venir à Gide.
On a tout lieu de craindre que la majorité de la jeunesse française, toute préoccupée par le dernier jeu vidéo ou par la télévision, se moque de cette célébration. Tout au plus peut-on espérer que les enseignants en auront profité pour inciter leurs élèves à lire Dumas. Et les amener à découvrir que, parmi les plaisirs contemporains qui les fascinent tant mais les exposent aussi à de graves dangers, il en est un, à la fois immédiat et innocent, qui consiste à lire une narration.
Ce ne sera pas inutile alors que le prix Goncourt est décerné à un auteur qui, bien qu'il n'ait jamais démérité, est néanmoins consacré pour un travail compliqué et obscur, à la limite de l'expérimentation. Et ce sera encore plus utile de montrer, grâce à Dumas, que, avant le cynisme actuel de la société française, il y a eu quelque chose d'un peu bêta qui s'appelait le romantisme, sorte de mouvement qui, pour résumer, plaçait le coeur devant l'esprit. L'émotion ne manque pas de nos jours, mais on a tôt fait de la transformer en colère, laquelle détermine tous les actes de violence. Le romantisme, au contraire, fait du sacrifice de soi, le plus souvent au nom de l'amour, la finalité de l'action, qu'il s'agisse du vicomte de Bragelonne ou de Julien Sorel. Aujourd'hui, la finalité de l'action, c'est la destruction de l'autre.
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