EPONYMES
Boulogne, 1806 : naissance de Guillaume Benjamin Armand Duchenne. M. Duchenne père, capitaine au long cours, aurait bien aimé que Guillaume mette ses pas dans les siens. Las : Duchenne fils préfère Paris et la médecine. Diplômé en 1831 après une thèse sur les brûlures, il retourne à Boulogne où, pendant dix ans, il exerce comme médecin de famille parmi les pêcheurs.
En 1842, Guillaume Duchenne délaisse sa ville natale et retourne à Paris où il consacre le reste de sa carrière à l'étude des maladies neuromusculaires.
Carrière pas orthodoxe pour deux sous : sans aucune attache académique, mais passant ses matinées dans les hôpitaux parisiens, « chassant le patient », il amasse un grande quantité de données.
Fasciné par l'électricité, il construit une machine destinée à la stimulation des nerfs et des muscles. Il apprend tout seul la microscopie et la photographie.
L'éventail de ses descriptions cliniques est large : paralysie bulbaire progressive, paralysie froide, surdité nerveuse, maladie cérébelleuse, polio, mécanismes de l'expression faciale, paralysie hystérique et prothèses musculaires.
C'est en 1861 qu'il décrit son premier cas de dystrophie qui porte maintenant son nom, sous le titre : « Paralysie hypertrophique de l'enfant de cause cérébrale ». Oui, on lit bien : « de cause cérébrale » ; en raison des troubles intellectuels qu'il avait constatés chez les enfants, Duchenne croyait en effet que l'origine était cérébrale.
1865 : un appareil à biopsie musculaire
Duchenne était perplexe devant l'association de deux phénomènes contradictoires : d'un côté, la paralysie, de l'autre, l'hypertrophie musculaire. En 1865, il fabrique un appareil à biopsie musculaire qui lui permet d'examiner au microscope le tissu musculaire d'un enfant : « L'hyperplasie du tissu conjonctif interstitiel, avec production de plus ou moins de tissu fibreux, constitue la lésion anatomique fondamentale dans la paralysie pseudo-hypertrophique. »
En 1868, il propose le terme « Paralysie musculaire pseudo-hypertrophique », qui sera popularisé par Gowers.
En 1870, il a étudié un total de 40 cas. Il décrit trois stades dans la maladie et montre l'accumulation de graisse en remplacement du muscle.
Il meurt le jour de son 69e anniversaire d'une hémorragie cérébrale.
Edward Meyron, Charles Bell et les autres
Mais il faut bien reconnaître que si Duchenne a tout apporté à la compréhension de la maladie qui porte son nom, ce n'est pas lui qui en a fait la première description. Le Londonien Edward Meyron - qui fit ses études de médecine à Paris - l'avait fait dix ans avant lui, rapportant les cas de 8 garçons dans trois familles. Plus tôt encore, en 1830, Charles Bell avait décrit ce qui pourrait bien être un cas de dystrophie ; puis, en 1838, les Napolitains Coste et Giorja décrivirent chez deux frères une faiblesse musculaire progressive avec hypertrophie ; Partridge, en 1847, présenta le cas d'un jeune garçon qui souffrait d'une maladie musculaire progressive ; à l'autopsie, il y avait une dégénérescence graisseuse du muscle. La même année, Little retrouvait ce remplacement du muscle par de la graisse à l'autopsie d'un garçon qui avait eu une fonte musculaire progressive, et dont le frère avait la même maladie.
Duchenne fut l'auteur de plusieurs ouvrages : « L'Electrisation localisée » (troisième et dernière édition en 1872), « Physiologie du mouvement », « Album de photographies pathologiques » (1862).
« The Lancet » du 17 février 2001, pp. 550-552.
Un saut dans le présent
On sait maintenant que la dystrophie musculaire de Duchenne est une maladie récessive liée à l'X. En 1987, l'équipe de Louis M. Kunkel (Children's Hospital, Boston) a cloné le gène qui est muté dans cette maladie. Elle a montré que, normalement, le gène code une protéine appelée dystrophine, laquelle est absente dans la myopathie de Duchenne, comme on l'a trouvé par la suite.
Le gène en cause est le plus grand gène connu.
En ce qui concerne les recherche thérapeutiques, il faut rappeler les essais de thérapie génique chez la souris ; thérapie qui se heurte à la taille exceptionnelle du gène qui trouve donc difficilement sa place dans un vecteur. Les derniers essais, publiés en septembre 2002 dans les « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine portaient sur la séquence codante du gène, introduite dans un adénovirus vidé de ses gènes ; chez des souris mdx (modèle) adultes, après injection dans le jambier antérieur, on a constaté une amélioration fonctionnelle.
Des essais de thérapie génique chez l'homme n'ont pas encore abouti.
Plus récemment (« Nature » du 28 novembre 2002), une équipe de Philadelphie a montré chez la souris que le blocage de la myostatine par injection intrapéritonéale d'anticorps améliore la masse et la force musculaire.
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