Bisphosphonates
L'ostéolyse observée en présence de métastases osseuses est liée à la stimulation des ostéoclastes sous l'action des cellules tumorales.
Ses mécanismes physiopathologiques sont mieux connus depuis seulement quelques années, explique le Pr Xavier Mariette (CHU de Bicêtre).
Les ostéoclastes sont régulés par le couple Rankligand (Rankl)/ostéoprotégérine (OPG). L'ostéoclaste activé par Rankl se transforme en ostéoclaste mature qui détruit l'os. L'ostéoprotégérine est un inhibiteur physiologique de ce système, il agit comme un leurre en bloquant le récepteur de Rank empêchant ainsi l'activation de l'ostéoclaste et la résorption osseuse.
Les bisphosphonates.
Les bisphosphonates sont aujourd'hui les molécules les plus actives pour réduire les ostéolyses malignes, toutes sont des analogues synthétiques du pyrophosphate de calcium endogène. Après s'être fixés sur la matrice osseuse, les bisphosphonates vont inhiber une enzyme de la voie des mévalonates qui produit des radicaux indispensables à la survie des ostéoclastes et entraîner leur apoptose.
Des travaux menés sur l'expression de Rankl dans le myélome multiple avec le zolédronate, le plus récent des bisphosphonates, ont montré qu'il inhibe l'ostéoclaste en agissant aussi sur le système OPG-Rankl. Il stimule l'ostéoprotégérine, inhibiteur du système ayant un effet protecteur, et inhibe l'expression de Rankl. Il a donc un effet positif sur la balance Rankl/OPG.
Les indications.
La principale indication des bisphosphonates est l'hypercalcémie maligne.
Deux grands mécanismes sont en cause : les métastases osseuses qui entraînent une ostéolyse et donc un relargage du calcium par l'os et une secrétion ectopique par la tumeur. Les bisphosphonates sont actifs quel que que soit le mécanisme en cause.
Aujourd'hui, le traitement d'un malade cancéreux et hypercalcémique repose sur les bisphosphonates qui, dans cette indication d'urgence, doivent être administrés par voie intraveineuse.
Trois médicaments ont montré leur efficacité dans des essais contrôlés : le clodronate, le palmidronate et l'ibandronate.
Récemment, le zoledronate s'est révélé supérieur au palmidronate (effet significativement plus important à J7 et J8, rechutes survenant plus tardivement 30 jours versus 17 jours).
Pour le Pr Xavier Mariette, le zolédronate est actuellement le traitement de choix de l'hypercalcémie maligne.
Le myélome multiple est la deuxième grande indication des bisphosphonates.
Le clodronate (administré per os), le pamidronate et le zolédronate (administrés par voie veineuse), en complément du traitement spécifique ont fait la preuve de leur efficacité chez les patients atteints de myélome.
Les résultats des différents essais contrôlés menés en double aveugle contre placebo montrent que ces bisphosphonates ont un effet bénéfique. Dès le troisième mois, ils réduisent d'environ 40 % l'apparition de nouvelles lésions osseuses chez des malades symptomatiques. A plus long terme, ils améliorent la survie des malades en rechute.
Aujourd'hui, l'indication est formelle : tous les malades en rechute doivent recevoir des bisphosphonates jusqu'à la fin de leur vie.
Dès le diagnostic, ces médicaments ont leur place dans le traitement des malades qui ont déjà des lésions osseuses. La poursuite du traitement dès que le plateau d'efficacité est atteint, ainsi que la place des bisphosphonates dans les myélomes de stade 1 restent à évaluer.
Métastases osseuses du cancer du sein et de la prostate.
Trois bisphosphonates (le pamidronate, le clodronate et l'ibandronate) se sont révélés capables de réduire l'apparition de nouvelles lésions osseuses ou de nouvelles fractures pathologiques chez les femmes ayant un cancer du sein métastatique. Le zolédronate a fait preuve d'une efficacité au moins équivalente à celle du pamidronate.
Les bisphosphonates pourraient avoir leur place dans le traitement des métastases du cancer de la prostate bien qu'elles soient ostéocondensantes. Une étude très récente (Saad F. et al. « J Natl Cancer Inst » 2004 ; 96 : 879-882.), évaluant l'effet du zolédronate chez 643 patients ayant un cancer de prostate hormonorésistant avec des métastases osseuses et une augmentation des PSA, le prouve. Comparativement au placebo, le zolédronate a diminué de façon significative (-36 %) l'apparition d'événements osseux et a retardé l'apparition de nouvelles fractures pathologiques.
Les bisphosphonates pourraient-ils avoir un rôle antitumoral débordant leur action osseuse ?
Selon différentes études menées in vitro, le pamidronate aurait effectivement un effet antitumoral par un mécanisme mettant en jeu la stimulation de certaines cellules immunitaires, les lymphocytes T gd, susceptibles de tuer les cellules tumorales. Le zolédronate pourrait également avoir une action antitumorale directe (Tassone P et al. « Leukemia » 2000 ; 14 : 841-844).
Des travaux actuellement en cours (Philippe Clezardin, unité Inserm Saint-Etienne) montrent, in vitro, que les bisphosphonates de dernière génération, comme le zolédronate, peuvent, à doses faible, inhiber l'adhésion et l'invasion des cellules tumorales, à doses fortes, entraîner une apoptose des cellules tumorales et, à doses encore plus fortes, inhiber les métalloprotéases.
Les bisphosphonates sont un appoint thérapeutique indispensable chez tous les patients ayant une ostéolyse maligne, notamment les derniers représetants de cette classe. « Les travaux de recherche qui se poursuivent devraient permettre de mieux comprendre leurs mécanismes d'action, qui pourraient largement déborder leur effet sur l'ostéoclaste et, compte tenu de la symbiose entre l'ostéoclaste et la cellule tumorale, aboutir à une inhibition de la prolifération tumorale », conclut le Pr Xavier Mariette.
D'après la communication du Pr Xavier Mariette (CHU de Bicêtre), réunion interdisciplinaire sur les soins complémentaires en cancérologie.
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