CURIEUX destin que celui des oeuvres lyriques. Certaines disparaissent ad eternam sitôt créées comme c’est très souvent le cas des commandes passées par les temples de l’art lyrique depuis la fin du siècle dernier. D’autres, si elles ont l’heur de plaire au grand public, peuvent entrer aussitôt au répertoire et y rester des siècles (Monteverdi, en cela, bat les records).
Certaines, malgré un succès affirmé à leur création, peuvent disparaître et ressortir de l’oubli quelques décennies plus tard. Mais cela n’est jamais le fruit du hasard ! Disons, concernant l’oeuvre lyrique de Jean-Michel Damase, qu’une bonne fée s’y est penchée, qui a nom Renée Auphan. Elle a été une artiste lyrique distinguée avant d’être la directrice des opéras de Lausanne, de Genève, puis de Marseille, et une interprète privilégiée de ce compositeur pour trois oeuvres (« Madame de... », « Eurydice » et « l’Héritière »). Et tant mieux pour le public marseillais qui semblait, au sortir de cette dernière représentation, donnée en présence du compositeur, en redemander !
L’esprit d’Anouilh.
« Colombe » est une excellente pièce, mi-grinçante, mi-drôle, mélange qu’Anouilh af- fectionnait et dans l’exercice duquel il excellait. Qu’il ait permis à Damase de le mettre en musique à une époque où ils étaient quasiment voisins de palier, qu’il lui ait imposé de ne pas faire appel à un adaptateur et fait lui-même le ménage lors des répétitions pour ce qui lui paraissait superflu est une bénédiction. On tient là un véritable petit chef-d’oeuvre, désigné sans prétention comme « comédie lyrique » et qui fait passer, sans prétendre à plus, deux grandes heures délicieuses.
A l’entracte, le compositeur nous confiait avoir été influencé par la facture et la simplicité des opéras de Giancarlo Menotti dans son travail. C’est, de fait, le même sentiment de clarté et de satisfaction que l’on éprouvait la saison dernière (voir « le Quotidien » du 22 mai 2006) au sortir de « Maria Golovin », dans le même théâtre.
Pour cette reprise d’une oeuvre créée à Bordeaux en 1961 et ayant fait une enviable carrière, Renée Auphan a réussi le miracle de réunir un véritable ensemble, au point que l’on a l’impression d’être revenu au temps où les maisons d’opéra possédaient des troupes soudées et cohérentes. Le metteur en scène Robert Fortune n’a pas cherché autre chose que la fidélité à l’esprit d’Anouilh, privilégiant la clarté du texte et l’intelligibilité dramatique. En collaboration avec Christophe Falleux, il a réalisé des décors très inspirés de ceux de Jean-Denis Maclès, le plasticien quasi attitré de Jean Anouilh, décors stylisés et parfaitement efficaces.
Une distribution cohérente.
La distribution comportait des chanteurs qui, bien que d’horizons différents, donnent l’illusion d’avoir toujours chanté ensemble, se prêtant à merveille à cette fiction qui n’est ni vraiment de l’opéra ni vraiment du théâtre.
Anne-Catherine Gillet a parfaitement saisi l’évolution de son personnage de jeune première de Colombe qu’elle chante avec simplicité. Marie-Ange Todorovitch donne un relief saisissant à Madame Alexandra, la grande gloire un peu passée des planches mi-cabotine mi-diva. Délicieuse incarnation de Julien par le baryton canadien Philipp Addis, mari, cocu et sale caractère, qui réussit la performance d’être tout de même sympathique. Et aussi Nicole Fournié impayable habilleuse, pivot des coulisses, Sébastien Droy, Eric Huchet et Marc Barrand, plus que des silhouettes dans des petits rôles qu’ils incarnent en grands personnages de théâtre.
Si la musique de Damase évoque irrésistiblement Poulenc, elle a le grand talent d’être formidablement théâtrale et, du point de vue de l’orchestration, relève du travail d’orfèvre : contrairement à Poulenc qui étoffe et étouffe beaucoup les voix, la sienne respire avec le texte ; personne ne force et on comprend tout. Le chef Jacques Lacombe y était aussi pour beaucoup à la tête d’un orchestre allégé et merveilleux. On en redemande aussi !
Opéra de Marseille : 04.91.55.11.10 et www.opera.mairie-marseille.fr. Prochains spectacles et nouvelles productions : « l’Enlèvement au Sérail » du 6 au 13 mars (direction Thomas Rösner, mise en scène Vincent Vittoz) ; « Lucia da Lammermoor » du 10 au 20 avril (direction Luciano Acocella, mise en scène Frédéric Bélier-Garcia).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature