Les multiples usages de la betterave

Du sucre aux biocarburants

Publié le 22/10/2008
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La France produit plus de 32 millions de tonnes de betterave par an(DR) L a betterave tire son nom de la « bette », plante cultivée à l'origine pour ses feuilles, et de « rave », qui désigne toute plante potagère cultivée pour sa racine. La betterave fait son apparition dans la littérature grecque au Ve siècle avant J.-C. Un miel végétal est alors extrait de sa racine et ses feuilles servent à l'alimentation du bétail. Au Moyen Âge, elle est le plus souvent cultivée dans les monastères de France et d'Espagne, puis sur tout le territoire européen pour l'alimentation du bétail.

C'est en 1575 que l'agronome français, Olivier de Serres, remarque sa forte teneur en sucre, mais il faut attendre le milieu du XVIIIe siècle pour qu'Andreas Sigismund Marggraf, chercheur prussien, démontre, dans une thèse consacrée à l'extraction du saccharose présent dans différentes plantes, que les cristaux sucrés de betterave sont les mêmes que ceux de la canne à sucre.

Betterave contre canne à sucre

Plus d'une cinquantaine d'années plus tard, lors de l'instauration du blocus continental, la France, privée de toutes les marchandises britanniques, y compris du sucre de canne provenant des Antilles, se met à la culture de la betterave quand Napoléon Ier lance un vaste programme accordant 100 000 arpents de terre à qui voudrait cultiver la betterave sucrière. On dit que l'empereur fut définitivement conquis lorsque le banquier Benjamin Delessert, ayant repris les travaux de Marggraf, lui présenta un succulent pain de betterave, ce qui valut illico à celui-ci la légion d'honneur puis, plus tard, le titre de baron d'Empire.

Napoléon Ier s'engage alors à subventionner les recherches des industriels et délivre 500 licences pour la fabrication du sucre de betterave. En 1815, le sucre de canne fait son retour en France, les cours du sucre s'effondrent, la plupart des fabriques de sucre de betterave disparaissent. Mais l'abolition de l'esclavage en 1848, responsable de la hausse très importante du coût du sucre de canne, profite aux betteraviers. Les sucreries améliorent progressivement leurs rendements grâce à la construction de grosses unités de production.

En 1870, la France devient le premier producteur européen de sucre de betterave. Au début du XXe siècle, sa consommation représente 60 % de la consommation mondiale de sucre. Au fil du temps, l'industrie betteravière profite de la généralisation de la mécanisation. De nombreuses fluctuations marquent son histoire et, aujourd'hui, l'Europe a une production annuelle de 120 millions de tonnes de betterave, qui produisent 16 millions de tonnes de sucre blanc. C'est une ressource agro-industrielle majeure. Sa culture occupe aujourd'hui près de 400 000 ha du sol français et sa production annuelle est de 32,2 millions de tonnes. Si la betterave est encore cultivée avant tout pour sa richesse en sucre, elle se prête aujourd'hui à bien d'autres utilisations.

Process sucrier

Le volume annuel de sucre produit en France est d'environ 5 millions de tonnes et est destiné :

• à l'usage alimentaire, sous forme de sucre de bouche ou d'ingrédient pour les industries alimentaires ;

• à un usage non alimentaire pour l'industrie pharmaceutique (composant de médicaments à prise orale ou de pansements utilisant les propriétés antibactériennes du sucre) et la chimie (composant de la mousse polyuréthane, de détergents, de sels dégivrants…).

Le sucre betteravier entre également dans la composition des plastiques biodégradables et est à l'étude comme combustible de piles écologiques pour téléphones portables ou pour PDA. Ainsi, des chercheurs du Missouri ont mis au point une minuscule pile à combustible capable de transformer le sucre en électricité. Le combustible idéal serait un mélange de sucre ménager et d'eau. On peut toutefois utiliser d'autres liquides contenant du glucose, tels que du soda ou du jus de fruit.

La découverte de bactéries capables de produire de l'hydrogène à partir de sucre est également importante car elle pourrait permettre dans l'avenir de construire des bioréacteurs agricoles capables de produire de l'hydrogène de façon continue et peu onéreuse.

Le produit final d'extraction du sucre de la betterave, la mélasse, est un mélange d'eau, de sucre et d'éléments organiques résiduels qui représente de 3 à 6 % de la quantité de matière première utilisée.

Elle se présente sous la forme d'un sirop visqueux et très épais et contient des quantités variables de saccharose (généralement entre 40 et 50 %). Elle peut être utilisée dans l'alimentation animale ou humaine après transformation. Dans certaines régions, elle peut remplacer la confiture ou le sucre dans les préparations culinaires. Elle peut également entrer dans l'industrie de la distillerie.

Les produits de la pulpe

Mais la transformation de la betterave ne s'arrête pas à l'extraction du sucre. Le résidu des racines (riche en cellulose) prend le nom de pulpe de betterave et peut être utilisé en alimentation animale pour les ruminants (seuls capables, grâce aux bactéries de leur panse, de digérer la cellulose). Le process sucrier en génère environ 2,5 millions de tonnes par an.

Ces pulpes connaissent aujourd'hui de nouveaux débouchés industriels dans la production du papier et du carton (les microfibrilles végétales contenues dans les pulpes étant responsables de leur opacification et de leur résistance), dans la production de matériaux isolants à base de fibres naturelles, dans la confection de bétons légers isolants et dans les systèmes de filtration des effluents industriels par fixation des métaux lourds.

L'alcool agricole

L'autre voie de transformation de la betterave sucrière est représentée par la distillation. La betterave fournit 80 % des quantités d'alcool d'origine agricole produites en France.

Cet alcool est utilisé dans les produits alimentaires (boissons anisées, liqueurs, vinaigres) et non alimentaires (solvants, parfums, cosmétiques…) et dans la fabrication du bioéthanol, biocarburant destiné aux moteurs à essence.

Ultimes produits de la chaîne de valorisation de la betterave sucrière, les vinasses sont les produits qui restent du substrat après distillation. Elles sont utilisées en agriculture (épandage pour la fertilisation des sols) et prochainement comme source d'énergie. En effet, un procédé est actuellement en cours de développement et permettra probablement, à terme, de produire une partie de l'énergie nécessaire au fonctionnement des distilleries à partir de ces vinasses. n

Sources : – Bordet D. « La Betterave sucrière française », Editions Somogy.
– « La Betterave, une plante performante et intégralement valorisée », Grain de sucre, n° 15, mai 2008.
www.labetterave.com.
www.lesucre.com.
– Site de l'Institut technique de la betterave (ITB), www.institut-betterave.asso.fr.

Trois principales variétés

Toutes les variétés cultivées dérivent de la Beta vulgaris.

Les trois espèces intéressantes sont :

la betterave sucrière, elle a une racine en forme conique très enfouie, et possède de nombreuses feuilles. C'est dans sa racine que l'on trouve le sucre ;

la betterave fourragère, aux grandes feuilles lisses, dont la racine volumineuse de 1,5 à 3 kg affecte des formes diverses souvent allongées. Elle sert à nourrir le bétail ;

la betterave rouge, cultivée dans les jardins pour sa racine à forme ronde et à pulpe douçâtre. Sa chair, habituellement d'un rouge vif, peut aussi être jaune.

> Dr Brigitte Martin

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8446