De notre correspondante
SELON le modèle physiopathologique en cours dans la mucoviscidose, un défaut d’expression, de transport ou de fonction de la protéine CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Regulator) provoque une perturbation des transports épithéliaux de chlore et de sodium. L’hyperabsorption de sodium, accompagnée d’une augmentation de l’absorption d’eau, provoque une baisse de liquide à la surface des voies aériennes (lequel soutient la fine couche de mucus), ce qui entraîne un mauvais transport muco-ciliaire. Cette rétention de mucus favoriserait la prolifération bactérienne, responsable d’un cycle d’infections chroniques ou répétées, accompagné d’une intense inflammation des voies aériennes.
Restauration du liquide de surface.
A ce jour, les approches thérapeutiques visent à améliorer la clairance des voies aériennes, à éradiquer ou à supprimer la prolifération bactérienne et à atténuer l’inflammation des voies aériennes. Bien que ces stratégies aient majoré la survie, aucune d’elles n’est parvenue à cibler l’anomalie sous-jacente, c’est-à-dire la restauration du liquide à la surface des épithéliums des voies aériennes.
Une nouvelle approche, l’inhalation de sérum salé hypertonique (SSH), évaluée chez un petit nombre de patients, a pu améliorer la clairance mucociliaire. Deux études viennent valider cette approche.
Une étude de Donaldson et coll. (université de Chapel Hill, NC), menée chez 24 patients atteints de mucoviscidose, démontre que l’inhalation de sérum salé hypertonique produit une accélération soutenue de la clairance du mucus et améliore la fonction pulmonaire. De plus, des données in vitro suggèrent qu’une hydratation soutenue des épithéliums des voies aériennes est bien responsable de l’amélioration prolongée de l’écoulement du mucus. Il restait à savoir si cette amélioration du transport mucociliaire pouvait se traduire en bénéfices à long terme. Une étude multicentrique de Elkins et coll. (université de Sydney, Australie) en offre la première preuve.
4 ml de sérum salé hypertonique à 7 %.
L’étude contrôlée par placebo, en double insu, porte sur 164 patients mucoviscidosiques stables (âgés d’au moins 6 ans). Ils ont été sélectionnés, par randomisation, pour inhaler deux fois par jour soit 4 ml de sérum salé hypertonique à 7 %, soit 4 ml de sérum salé à 0,9 % (groupe témoin). Un bronchodilatateur était administré avant chaque dose, tandis que les autres traitements standards étaient poursuivis. L’étude a duré un an.
Les résultats mettent en évidence une amélioration, modérée mais soutenue, de la fonction pulmonaire chez les patients traités, par rapport aux témoins. De façon plus spectaculaire, le traitement par sérum salé hypertonique est associé à une nette réduction du nombre des exacerbations pulmonaires et une baisse de l’absentéisme chez les enfants et les adultes.
Par ailleurs, le traitement est associé à peu d’effets secondaires néfastes, il améliore la qualité de vie, et ses bénéfices sont indépendants du traitement par la DNase recombinante humaine.
En conclusion, selon les auteurs, «le sérum salé hypertonique, précédé d’un bronchodilatateur, représente un traitement adjuvant non coûteux, sûr et efficace».
«Bien qu’un bénéfice ait été mis en évidence, les patients accepteront-ils ce nouveau traitement?», s’interroge dans un éditorial le Dr Ratjen (Toronto). Il note le goût déplaisant du sérum salé hypertonique (masqué dans l’étude par 0,25 mg/ml de sulfate de quinine), la toux induite et le temps de traitement d’au moins trente minutes, à ajouter au programme quotidien déjà bien chargé. Tout cela pourrait en limiter l’acceptation et, dès lors, son efficacité au long cours. Mais «fort heureusement, ajoute-t-il, des appareils d’inhalation plus efficaces et rapides sont en développement et pourraient rendre un traitement inhalé complémentaire plus acceptable.
En outre, un autre agent osmotique, le mannitol (administré en poudre sèche par inhalateur doseur), est en évaluation. S’il se montre efficace, il pourrait offrir une alternative d’inhalation plus rapide».
Il souligne, enfin, que «des interventions pharmacologiques agissant directement sur la sécrétion de chlore et/ou l’hyperabsorption du sodium pourraient être plus efficaces pour restaurer le volume de liquide de surface des voies aériennes».
«En attendant, conclut-il, le sérum salé hypertonique offre une nouvelle stratégie thérapeutique pour les patients et non un objectif qui consiste à cibler l’anomalie sous-jacente, plutôt que les conséquences de clairance muco-ciliaire défectueuse.»
« New England Journal of Medicine », 19 janvier 2006, pp. 229, 241 et 291.
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