LE DÉBAT POLITIQUE n’a jamais été serein. Le pire, peut-être, dans la recrudescence des quolibets, insultes et railleries de toutes sortes dans les enceintes parlementaires, c’est que les auteurs de ces facéties n’ont rien inventé. On déplore donc la bêtise de ces comportements qui ne font pas honneur à des élus censés servir l’État avec un minimum de dignité. Racisme et sexisme s’expriment ouvertement, sans vergogne et sans crainte. Ils se sont concentrés sur les femmes députées en général, sur Christiane Taubira et Cécile Duflot en particulier, sans doute parce que toutes deux représentent le fer de lance d’une politique de gauche que le reste du gouvernement assume de moins en moins.
Les débats parlementaires de la troisième et de la quatrième Républiques étaient plus entachés qu’aujourd’hui par la haine. Ils atteignaient, au nom de la liberté d’expression, des sommets de violence verbale. Léon Blum et Pierre Mendès France ont eu droit aux discours les plus intolérants, les plus hargneux, les plus injustes. On peut même dire que ce sont les chefs d’État ou de gouvernement les plus attaqués qui ont laissé la trace la plus large dans l’histoire.
Le débat dans un égout.
Le flot constant d’injures racistes auquel Mme Taubira est soumise depuis quelques semaines ne devrait donc pas être accueilli avec surprise. La nature même de ces injures dénote la médiocrité de leurs auteurs. Comparée à un singe, à une guenon, à une sauvage, la ministre aurait d’autant plus le droit de s’indigner et même de lancer des poursuites que ses agresseurs correspondent très exactement à ce qu’ils croient voir en elle : ce sont des sauvages qui, intellectuellement, ne lui arrivent pas à la cheville. On peut contester le mariage pour tous, on ne saurait enseigner l’insulte raciste à des fillettes qui, dans les manifestations, répètent les gros mots que leurs parents leur ont appris. C’est scandaleux, du point de vue du respect dû à l’enfance, du point de vue de la dignité à laquelle nous aspirons tous, quel que soit notre camp, du point de vue du combat politique soudainement plongé dans la pire des vulgarités.
LE RACISME C’EST L’ABSENCE DE DISCERNEMENT
Car la société française a changé et ce qu’elle tolérait autrefois, le racisme ordinaire, est maintenu puni par la loi. On espérait donc que le discernement commençait à entrer dans les têtes, même les plus mal faites. Le discernement, en l’occurrence, consiste à ne jamais attribuer la position idéologique d’une personne à la couleur de sa peau, à son sexe ou à ses choix de vie. Le raisonnement selon lequel Mme Taubira a porté la loi sur le mariage pour tous parce qu’elle est née en Guyane est incohérent. Il n’apporte aucun argument à la cause du camp hostile au mariage homosexuel. Il fait tomber le débat dans un égout. Il nous renvoie tous à des temps que nous croyions révolus. Car quand nous parlons de progrès, c’est à ce genre de choses que nous pensons. La peine de mort, qui donnait lieu à d’immondes spectacles du temps de la guillotine, est maintenant abolie. Un vrai progrès. L’hygiène, relativement récente, a contribué à la décence des Français, et des autres. Un autre progrès. L’antisémitisme, la xénophobie, le racisme semblaient avoir reculé. Ils reviennent en force, comme s’il était infiniment plus difficile de laver les têtes que les corps. Et il ne faut pas s’y tromper : c’est la peur qui instille le racisme. On voit bien, par exemple, que l’islamophobie est proportionnelle à l’immigration, clandestine ou légale. La peur de l’autre, la peur de la différence qui vient déranger ceux qui n’ont pas compris qu’ils sont tout aussi responsables de cette différence que les personnes qu’ils rejettent.
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