LES ENCEPHALOPATHIES spongiformes transmissibles (EST), appelées aussi maladies à prion (maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l'homme, maladie de la vache folle et tremblante du mouton) sont des maladies dégénératives du système nerveux central dont l'issue est toujours fatale. L'agent pathogène, le prion, est une forme mal repliée (PrPsc) de la protéine prion normale (PrPc) qui réside à la surface des cellules. L'infectivité est intimement associée au prion PrPsc.
Les prions infectieux sont typiquement confinés au système nerveux central et aux organes lymphoïdes.
Cependant, deux études chez la souris, publiées cette année dans la revue « Science » par l'équipe du Pr Adriano Aguzzi*, suggèrent que l'inflammation chronique pourrait élargir le territoire d'infectivité.
On savait que les prions sont détectés dans les organes lymphoïdes longtemps avant l'apparition des symptômes cliniques. De plus, la réplication du prion au niveau splénique nécessite les cellules dendritiques folliculaires aidées par des cytokines pro-inflammatoires ; or, ces cellules immunes participent à l'inflammation chronique. Les cellules immunes infectées par les prions, résidant dans les organes lymphoïdes, pourraient-elles disséminer l'infection en migrant et en infiltrant les organes enflammés ?
Foie, rein, pancréas.
Heikenwalder, Aguzzi et coll. ont étudié cette question dans des modèles murins, présentant 5 types d'inflammation chronique dans trois organes : le rein, le pancréas ou le foie. Après avoir infecté ces souris par le prion de la scrapie (en injectant par voie intrapéritonéale le PrPsc), les chercheurs ont pu constater dans tous les cas (hépatite, néphrite, pancréatite) une forte accumulation du prion dans les organes enflammés, souvent bien avant toute manifestation clinique de la scrapie. Enfin, ces organes enflammés transmettent la maladie à prion lorsqu'ils sont inoculés à des souris en bonne santé.
« Il est essentiel de connaître la distribution des prions chez les hôtes infectés, pour la protection du consommateur et la prévention des accidents iatrogènes », notaient les chercheurs. « En élargissant la distribution tissulaire des prions, les affections inflammatoires chroniques pourraient modifier la transmission naturelle et iatrogène du prion. »
Cependant, il faut se garder de conclusions hâtives ; ce qui est valable chez la souris ne l'est pas forcément chez la vache, le mouton ou d'autres hôtes.
L'équipe préconise donc des études approfondies pour déterminer « si des pathologies virales, microbiennes ou auto-immunes chez les animaux de ferme peuvent provoquer des changements inattendus du tropisme des prions pour les organes ».
Dans une étude récente, Seeger, Aguzzi et coll. ont cherché à savoir si les maladies rénales inflammatoires pourraient déclencher une élimination urinaire du prion infectieux.
Ils ont étudié des modèles murins de néphrite lymphocytaire et de glomérulonéphrite isolée (sans inflammation lymphofolliculaire), infectés par le prion de la scrapie (injection intrapéritonéale du PrPsc). Effectivement, les protéines urinaires des souris infectées par la scrapie et souffrant, non pas de glomérulonéphrite, mais de néphrite lymphocytaire peuvent transmettre la maladie à prion lorsque ces protéines sont inoculées dans le cerveau à des souris en bonne santé. De plus, l'infectivité de la prionurie semble être équivalente aux stades présymptomatique et terminal. En revanche, aucune infectivité du prion n'est trouvée dans l'urine de souris souffrant d'hépatite.
Si ce phénomène survient chez les autres hôtes, la prionurie associée à l'inflammation rénale pourrait ainsi contribuer à la transmission horizontale parmi les moutons et les cervidés, et expliquer le taux élevé de cette transmission. Il pourrait aussi expliquer pourquoi un premier rapport signalant une excrétion urinaire du prion PrPsc chez des patients affectés de maladie de Creutzfeldt-Jakob (Shaked et coll., « J Biol Chem » 2001) n'a pas été répliqué. Les patients du premier rapport avaient peut-être des néphropathies non reconnues.
* Pr Adriano Aguzzi (Institut de neuropathologie, hôpital universitaire de Zurich).
Heikenwalder et coll., « Science », 18 février 2005, vol. 307, pp. 1 107-1 110 et publié en ligne le 21 janvier ; Seeger et coll., « Science », 14 octobre 2005, vol. 310 p. 324.
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