Comment croire les politiques ? ! En moins de 50 ans, on est passé d’un système dominé par la "médecine à papa", c’est-à-dire effectuée principalement par des médecins de famille qui faisaient tout, à un système où la médecine a été coupée en morceaux, dans un lieu que l’on appelle hôpital ; progrès de la médecine oblige. N’oublions pas que les hôpitaux sont la suite des hospices dont se dotaient autrefois les villes, grandes ou petites. Ceux qui étaient dans les grandes villes se sont développés. Les autres, que l’on appelait des hôpitaux de proximité ont tous eu l’obligation de fermer, les un après les autres – même si les populations locales manifestaient – au double motif de coûts excessifs et de dangerosité par manque de moyens associé à ce qu’on appelle pudiquement "une insuffisance d’actes effectués" alias incompétence par manque d’entraînement aux actes effectués. Et on ose encore nous dire que la médecine de proximité est le pivot du système de soins ! Ce n’est plus une réalité, c’est devenu un vœu pieux ! Les politiques se seraient-ils trompés avec l’évolution centrée sur les grands hôpitaux ?
La médecine générale est morte, elle suit le même destin que les hôpitaux de proximité ; ne dit-on pas pareillement aux médecins généralistes qu’ils doivent se former à prescrire moins cher, et qu’ils sont dangereux par manque de moyens ? (La ministre de la Santé a une nouvelle fois invité les médecins généralistes à « améliorer la pertinence des prescriptions et des parcours » de soins.) Une preuve de sa lente agonie est notre incapacité à lui donner un nom, médecin de famille ne convenant plus pour cause de disparition des familles ; médecin généraliste, médecin référent, médecin de premier recours, médecin traitant… On ne sait plus quoi faire de lui, alors on lui fait boucher les trous restants, en tant que déchet de la formation de médecins hospitaliers.
Une seule dénomination semblait être la bonne : "médecin référent", même si elle n’est pas belle, mais qui n’a pas fait florès du fait d’une réforme inconsistante. Référent voulant dire qu’un patient se réfère à son médecin (donc choisi) pour intégrer et accepter par le dialogue un plan santé à suivre, avec écoute (donc formation essentielle aux sciences humaines dont la médecine actuelle est totalement déconnectée). Prévention, soins de ville ou hospitaliers, traitement à suivre. On sait ce qu’il en est advenu, nous sommes devenus progressivement "médecin des caisses", une main-d’œuvre gratuite gratte-clavier au bénéfice desdites caisses ; service "offert" aux patients, comme ils osent dire.
Oui, mais le système dérive de plus en plus… Il y a urgence, car les plâtres sur jambes de bois, ça camoufle aux électeurs, mais ça a un coût exorbitant qui lui, se camoufle de moins en moins ; et qui, de surcroît, provoque la perte de confiance en la médecine, préventive en particulier, avec judiciarisation galopante. (Le protocole est un plâtre efficace, mais non suffisant) La télémédecine proposée, les IPA apparaissent dans le contexte actuel comme de nouveaux plâtres pour combler les trous grandissants laissés aux généralistes et qu’ils ne peuvent plus assumer, et non comme des éléments à intégrer dans un plan raisonné "ville et santé" qui n’existe pas.
Détruire pour reconstruire… Tel est le schéma de la vie ; les hôpitaux de proximité ont disparu, vive les maisons médicales (mais pas sur un modèle administratif unique) ! Mais dans l’anarchie, sans vue d’ensemble dessinée par le politique, chacun faisant n’importe quoi n’importe où, on risque de se retrouver avec comme modèle économique celui de Knock ! Comment inciter les médecins à aller dans des zones où tout service ou travail ou loisirs de proximité disparaissent au profit des seules grandes villes qui happent alors les populations (pour récupérer les impôts locaux), pour les entasser dans des cages à lapins, source de pollution, de mal-être, donc de criminalité et de troubles de santé grandissants ! Le schéma de la politique de la ville est le même que celui des hôpitaux… Mort des villages, mort des hôpitaux de proximité, mort des généralistes.
Alors Mme Buzyn appelle au secours les médecins ; mais ce n’est pas aux médecins généralistes de participer au plan de sauvetage de sa carrière ! C’est à elle, elle est payée suffisamment cher pour cela, de faire émerger (sans que cela ne soit que des mots creux) une solution de sauvetage du système de santé, surtout dans l’amélioration de la santé des individus, avec en ce qui nous concerne :
1 - (re) définition du rôle exact du généraliste nouveau dans notre société ;
2 - indication des moyens (quoi, combien, quand et où) que l’on donne aux médecins pour qu’ils puissent évoluer, dans la diversité liée à chacun, vers ce rôle ;
3 - indication des revenus que l’on veut donner aux médecins nouveaux ;
4 - expliquer à la population ce qu’est ce médecin nouveau.
Cela, pour rétablir partout une médecine de proximité dans des lieux où les patients qui en ont besoin ont du temps pour dire et comprendre, où les médecins qui en ont besoin ont du temps pour écouter, examiner, expliquer, orienter, cela avec des honoraires décents. Les généralistes pourront seulement alors devenir le pivot d’un système de soins modernisé, ce qu’ils ne sont plus depuis fort longtemps, contrairement à ce qu’on leur dit pour lamentablement les flatter, par méthode Coué au plus mauvais sens du terme.
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