DE L'ACCORD au désaccord, toutes les positions ont été présentées à la table des négociations. Visite guidée des trois « pour ou plutôt pour » et des deux « contre ou plutôt contre » la nouvelle convention.
• Le SML : construire petit à petit.
Pour le leader du Syndicat des médecins libéraux (SML), « il faut que (la négociation conventionnelle) se termine » aujourd'hui, « tôt ou tard ». Dino Cabrera a en effet « mandat de conclure dans la mesure du possible et de signer » un texte conventionnel avec le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam). Malgré l'humeur « un peu boudeuse » de son assemblée générale du 11 décembre, les 70 cadres syndicaux du SML présents samedi dernier ont quand même « approuvé à 95,27 % » le deuxième « point d'étape » des négociations fixant les bases de l'accord conventionnel.
Le Dr Cabrera affirme que ce texte est « en deçà des espérances des médecins libéraux » mais que sa validation devrait se dérouler « sans tensions majeures » au sein du SML. Il est vrai que ce projet d'accord a le mérite d' « apporter une enveloppe financière - 500 millions d'euros, ce n'est pas une reddition ! -, une convention unique, une reconnaissance du rôle spécifique de consultant des médecins spécialistes, une valorisation de la fonction de médecin traitant, un seul système de médecin traitant au lieu de deux avec l'option médecin référent », souligne le président du SML.
Par ailleurs, le président du SML déclare « avoir obtenu dimanche matin du directeur de l'Uncam l'extension du C2 de consultant à tous les spécialistes dotés d'un CES [ancien certificat d'études spécialisées, ndlr] , y compris ceux du secteur II, qu'ils adhèrent ou non à l'option de coordination » (qui consiste à pratiquer des tarifs opposables sur 30 % de son activité).
Avant de parapher la convention, le Dr Cabrera souhaite qu'y figure non seulement l'extension du C2, mais aussi d'autres garanties, et notamment « la fin des contentieux » entre médecins et caisses sur le terrain, ainsi que la possibilité de faire appel des sanctions au niveau national.
Le leader du SML reconnaît qu'il restera de nombreux problèmes à régler au moyen « d'avenants spécifiques », en particulier : la permanence des soins des généralistes et celle des spécialistes en établissement, la concrétisation de l'accord du 24 août avec les chirurgiens (revalorisation des actes chirurgicaux au 1er avril et secteur optionnel d'ici au 1er juillet), les plateaux techniques lourds, la revalorisation de la psychiatrie et la fixation des référentiels pour l'accès spécifique aux gynécologues médicaux. « S'il avait fallu tout mettre en place, on aurait dû attendre encore un an, explique Dino Cabrera. Les nôtres ont compris qu'il vaut mieux construire petit à petit plutôt que de ne rien faire car les dix dernières années (sans convention pour les spécialistes) n'ont pas été bonnes. »
Bref, si une convention est signée dans la journée ou la nuit prochaine, elle ne sera aux yeux du Dr Cabrera qu'une « base de départ » avant « une année de négociations conventionnelles » pour pouvoir boucler avenants spécifiques et accords de bon usage des soins et assurer « un suivi régulier de la convention » en vue de son adaptation.
• Le « oui » réservé de la Csmf.
Réunie en assemblée générale extraordinaire, la Confédération a tranché. Même si les revalorisations tarifaires ne sont pas à la hauteur des attentes des libéraux « après dix ans de blocage », et même si le plafonnement des dépassements par acte passe difficilement auprès de la base, le syndicat a décidé d'engager ses troupes dans la convention, en formulant une série de réserves. Une nouvelle AG extraordinaire de la Csmf est déjà programmée le samedi 8 janvier pour « valider » juridiquement le futur texte conventionnel.
Au chapitre des « avancées significatives », la Csmf cite « le choix du fonctionnement en réseaux de soins coordonnés mettant fin aux filières de soins contenues dans l'option médecin référent », un dispositif dont la Conf' se réjouit au passage de la suppression programmée (elle a tout fait pour).
Sur le fond, la Csmf a adopté une motion (par 90 % des voix) qui pose une série de conditions (certaines sont déjà acquises...) à sa signature. Parmi les principaux éléments que la Csmf veut inscrire noir sur blanc : un « bilan d'étape annuel » incluant une révision de la grille des honoraires ; un calendrier prévisionnel sur la Ccam clinique (réforme des consultations) ; la possibilité systématique d'un « appel suspensif » en cas de sanctions conventionnelles ; la « prééminence » des procédures conventionnelles sur les procédures extraconventionnelles ; l' « amnistie » des procédures en cours ; ou encore une PDS « opérationnelle, dans les plus brefs délais » pour l'ensemble des médecins, généralistes et spécialistes.
Sur le sujet clé des dépassements d'honoraires hors parcours de soins, la Csmf ne fera pas de surenchère mais elle réclame déjà plus de « souplesse » et d' « équité » entre les disciplines. « Il ne s'agit pas de renégocier l'arbitrage sur les dépassements, explique le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, mais nous demandons que les critères de suivi ne soient pas trop rigides ». Autrement dit, la Csmf demande à l'assurance-maladie de faire preuve de discernement et de pragmatisme lorsqu'elle appréciera la part d'activité des spécialistes de secteur I concernée par les dépassements (30 % au maximum, selon le texte). Un calcul qui, de toute façon, s'annonce déjà très délicat pour les caisses.
Dernière revendication de la Csmf : l'accès au C2 de consultant (40 euros pour un avis ponctuel) pour « tous les spécialistes quel que soit leur secteur d'exercice ». Officiellement, il reste en effet à traiter le cas particulier des spécialistes en secteur II, anciens CES, qui ne choisiraient pas l'option de coordination. Mais, en réalité, il semble que la question soit déjà réglée : eux aussi pourraient bénéficier du C2, lorsqu'ils sont sollicités pour un avis ponctuel.
• Alliance : un accord de principe.
En dépit de sujets de déception (le démarrage au 1er juillet des tarifs associés au parcours de soins, les honoraires coordonnées à 27 euros quand il en espérait 30...), le syndicat Alliance, qui a réuni ses instances le week-end dernier, accepte « sur le principe » le projet conventionnel. « Nous sommes tous conscients d'une chose, explique le président de l'organisation, le Dr Félix Benouaich : la réforme de l'assurance-maladie doit aboutir. Nous voulons bien essayer de l'accompagner. Si ça marche, alors ça marchera pour tout le monde : les Français, les caisses, les médecins. »
Alliance souligne toutefois que la coupe tarifaire n'est pas assez pleine et adresse une double mise en garde à l'assurance-maladie : la revalorisation de la consultation coordonnée des spécialistes « ne devra pas s'arrêter » aux 27 euros (puis 28)prévus pour l'instant ; les caisses vont devoir être patientes et ne pas s'attendre à ce que la maîtrise médicalisée produise des « miracles » économiques dans les six mois.
• La FMF : doublement insatisfaite.
Contrairement aux autres syndicats, la Fédération des médecins de France (FMF), n'a - volontairement - pas encore réuni d'assemblée générale pour approuver ou désapprouver le projet d'accord conventionnel. Dans ce texte, pour l'heure, elle trouve surtout des motifs d'insatisfaction. L'espace de liberté tarifaire créé pour les spécialistes hors parcours de soins ? Il s'inscrit, déplore le Dr Jean-Claude Régi, président du syndicat, dans « un système étriqué, extrêmement compliqué, qui ne répond pas à la question ». Quant aux mesures touchant les généralistes et en particulier la reconnaissance du médecin traitant : on ne s'y donne pas « les moyens des prétentions de la réforme ».
Le dispositif arrêté n'est donc pas acceptable en l'état par la FMF. « Il y a trop de lacunes, il n'y a pas de souffle financier, c'est administratif au possible », regrette son président. Chef de file des généralistes de la FMF, le Dr Jean-Paul Hamon a, pour sa part, adressé au directeur de l'Uncam (Union nationale des caisses d'assurance-maladie), Frédéric van Roekeghem, une « lettre ouverte » aux accents désespérés : il y décrit des omnipraticiens « catastrophés » par les propositions qui leur sont faites et qualifie le médecin traitant de « grand perdant » du futur dispositif.
En colère, la FMF ne veut pas adopter prématurément une attitude de rejet. « Jusqu'au dernier moment », explique son président, elle garde l'espoir.
• MG-France refuse l'inacceptable.
A l'issue de son assemblée générale, réunie samedi dernier, MG-France est on ne peut plus clair : le projet d'accord est « inacceptable ». Le Dr Pierre Costes, président du syndicat, nous explique ci-dessous les raisons de ce refus. MG-France ne croit pas aux dispositions arrêtées ( « elles portent atteinte aux conditions d'accès aux soins » ; « elles ne donnent pas aux médecins généralistes les moyens de leurs missions ») et réclame, sur le dossier particulier du médecin traitant, « trois garanties de base » - elles concernent les délais de prise en charge par les spécialistes des patients adressés par le généraliste, le retour d'information, le respect des tarifs en accès secondaire.
La Cnamlib veut un moratoire
Le tour pris par les négociations conventionnelles est loin de satisfaire la Cnamlib (Conférence nationale des associations de médecins libéraux), à l'origine de l'exil à Barcelone d'un millier de spécialistes français (« le Quotidien » du 8 décembre). L'organisation insiste : il faut un « moratoire », afin que les discussions repartent sur de nouvelles bases. Au nom de la « solidarité », de la « qualité » et de l' « égalité d'accès aux soins », la Cnamlib fait circuler parmi les spécilialistes libéraux une pétition qui refuse une prochaine convention « ne préservant pas la qualité de la médecine ». Elle espère en remettre mi janvier plusieurs « milliers » d'exemplaires - ce texte aurait d'ores et déjà recueilli plus de 2 700 signatures - au ministre des Solidarités et de la Santé, Philippe Douste-Blazy.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature