LES ATTEINTES de la moelle épinière altèrent les voies nerveuses normales qui unissent les membres au cerveau, mais le cortex moteur et les muscles, qui ne sont pas touchés, restent opérationnels. D'ailleurs, des enregistrements chez des tétraplégiques ont montré qu'il est possible d'activer les neurones de l'aire cérébrale de la main par l'effet de la seule volonté, même sept ans après la paralysie.
Aussi, une stratégie pour restaurer les fonctions d'un membre après traumatisme médullaire consiste à tenter d'utiliser l'activité des cellules corticales pour stimuler directement les muscles paralysés.
Des expériences sont réalisées chez des primates. En les entraînant, on parvient à les faire utiliser leur activité corticale pour contrôler un bras robotisé pour atteindre une friandise.
Chet Moritz et coll. (National Primates Research Center, Seattle) vont plus loin. Ils montrent que des singes peuvent apprendre à utiliser un système de connexion artificielle directe entre les cellules du cortex moteur et un membre paralysé.
Ils ont entraîné deux singes macaques à utiliser leurs neurones corticaux pour délivrer une stimulation graduelle à un ensemble de muscles et restaurer un mouvement volontaire de leur bras paralysé, via un système extérieur de relais et d'amplification.
Électrodes au niveau de l'aire corticale.
Des études antérieures en biofeedback ont montré que des singes apprennent rapidement à contrôler les rythmes de décharge de neurones isolés du cortex moteur pour obtenir des récompenses. «Nous avons utilisé une technique similaire de conditionnement pour l'appliquer à des neurones de muscles du poignet situés sur le cortex moteur.» Pour l'expérience, on a implanté un système d'électrodes au niveau de l'aire corticale du poignet et dans les muscles de l'avant-bras qui contrôlent ses mouvements.
Chet Moritz et coll. ont dans un premier temps enregistré et étalonné l'activité des neurones corticaux isolés lorsque les singes exécutaient une torsion du poignet pour attraper un aliment. Ils ont ensuite paralysé les muscles du poignet en injectant un produit anesthésiant. Puis ils ont présenté la friandise : les cellules corticales se sont mises en activité. Cette activité a été transmise jusqu'au système informatisé qui l'a amplifiée jusqu'à ce qu'elle atteigne le niveau suffisant pour déclencher la stimulation musculaire.
L'expérience est fascinante à plusieurs égards. D'abord, elle montre que l'on peut parvenir à substituer à la voie nerveuse normale endommagée un système de stimulation répondant à la volonté. Ensuite, les auteurs présentent le système lui-même, qui est capable de convertir l'activité des neurones corticaux pour générer une stimulation électrique fonctionnelle (FES). Enfin, l'animal peut moduler l'activité des neurones au cours de sessions d'apprentissage alors qu'il n'y a pas eu d'association préalable au mouvement. «Les singes ont appris à utiliser ces connexions artificielles qui joignent le cortex au membre paralysé et sont capables de générer des couples de forces bidirectionnelles appliquées au poignet, contrôlant de multiples paires de neurones simultanément.» Le développement de ce moyen pourrait permettre de créer une « neuroprothèse relativement naturelle ».
« Nature », édition en ligne.
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