Alternant nouvelles productions et reprises, le célèbre festival d'opéra aux champs du Sussex affichait pour la fin de sa saison 2005 la reprise de l'« Otello », de Verdi, mis en scène de façon académique par Peter Hall dans un décor assez peu poétique de John Gunter. Le festival rendait hommage à trente-cinq ans de collaboration avec Sir Peter, un temps son directeur artistique et fondateur de la Royal Shakespeare Company, par une belle exposition dans son Archive Gallery, ravivant des souvenirs chers aux habitués de Glyndebourne.
Cet « Otello », créé en 2001, n'est hélas ! pas ce qu'il a fait de mieux avec une direction d'acteurs hésitant entre le conventionnel et le ridicule. La distribution renouvelée, sauf pour le rôle-titre chanté avec beaucoup d'effort par David Rendall, ne réservait qu'une seule bonne surprise, la découverte d'une Desdemona très dramatique, chanté avec une voix riche et magnifiquement timbrée par la Russe Tatiana Monogarova.
Le plus grand intérêt de cette reprise est qu'elle était dirigée par le directeur musical du festival, le Russe Vladimir Jurowski avec un soin de la précision et beaucoup de tension dramatique, moins cependant que son prédécesseur Andrew Davis qui y mettait une énergie incandescente.
Un langage théâtral moderne.
C'est précisément d'énergie qu'il s'agissait pour le superbe « Giulio Cesare », le mieux réussi, du point de vue dramaturgique, des opéras de Haendel. Ses mises en scène de Haendel au Théâtre des Champs-Élysées tout comme son « Couronnement de Poppée » la saison dernière étaient des archétypes de spectacles « branchés » accumulant stéréotypes et vulgarités. Tout au contraire, son « Giulio Cesare » est la démonstration réussie de ce que l'on peut faire aujourd'hui pour le rendre attractif pour un public contemporain, un opéra aux proportions fastidieuses - quatre heures - et aux situations dramatiques souvent invraisemblables, à l'aide d'un langage théâtral moderne, d'un décor à la fois simple et sophistiqué, de costumes beaux et fantaisistes et d'éclairages virtuoses.
Cette fois, il s'est adjoint les services d'un chorégraphe et d'un maître d'armes, obtenant de chanteurs et figurants un travail frisant la perfection.
Le show tenait largement sur les épaules d'une jeune chanteuse, Danielle de Niese, qui fut des dernières reprises en 2002 du « Giulio » mis en scène par Nicholas Hytner au palais Garnier. Bien que limitée dans les aigus, elle fait de sa voix ce qu'elle veut tout au long de l'opéra et donne un relief étonnant au personnage de Cléopâtre grâce à une plastique extraordinaire et une solide formation de danseuse. A deux reprises, elle déclanche une avalanche d'applaudissements en ajoutant à ses airs les plus virtuoses une chorégraphie à la Madonna du plus comique effet.
Très solide, la distribution comportait les valeurs sûres que sont pour le style et la beauté des voix Patricia Bardon (Cornelia très dramatique) et surtout Angelika Kirchschlager (Sesto plein d'entrain). Très crédible physiquement en Jules César, Sarah Connolly manquait d'éclat vocal et restait en retrait. Parmi les hommes les contre-ténors Rachid Ben Abdeslam, Christophe Dumeaux et le baryton Christopher Maltman ne déparaient pas cet ensemble.
L'autre artisan de la réussite du spectacle était William Christie à la tête de l'Orchestra of the Age of Enlightenment, invité pour la troisième fois à diriger un opéra de Haendel à Glyndebourne. Il sait trouver les sonorités et les tempi adaptés aux nombreuses facettes de cette œuvre complexe et maintenir style et expression à la pointe de ce qui se fait aujourd'hui dans ce répertoire où le public n'accepte plus de n'entendre qu'une succession de numéros. Dans la fosse comme sur la scène, il s'agissait de grand théâtre.
Glyndebourne Opera Festival : 00.44.1273.812321 et www.glyndebourne.com.
Au programme du festival 2006 deux nouvelles productions : « Cos[147] fan tutte », de Mozart (N. Hytner/E. Fisher), et « les Fiançailles au couvent », de Prokofiev (V. Jurowski) et les reprises de « Giulio Cesare », « la Chauve-souris » (en anglais), « A Midsummer Night's Dream » (Britten) et « Fidelio ».
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