Chantiers hospitaliers

Du dialogue et de la méthode à défaut d’euros

Publié le 13/07/2012
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Dès sa première intervention, Marisol Touraine a trouvé le bon ton pour s’adresser au monde hospitalier. Mais pour transformer l’essai, il lui faudra une méthode efficace qui lui permette de compenser les moyens supplémentaires qu’elle ne pourra pas mettre sur la table. D’autant que les dossiers sont nombreux.

« Halte au feu ! », se sont écriés les acteurs de l’hôpital public lorsqu’ils ont entendu le nouveau président de la République annoncer le 12 juin devant le Conseil économique, social et environnemental une nouvelle réforme de l’hôpital. « Qu’on nous laisse mettre en place la précédente et stabiliser nos structures », plaide ainsi Bernard Rouault, administrateur du groupement de coopération sanitaire Amplitude, implanté en Côte-d’Or. Une demande approuvée par le Dr Hélène Espérou, directrice du projet médico-scientifique et de la qualité d’Unicancer, Fédération des centres de lutte contre le cancer lors d’un débat organisé fin juin sur les nouvelles organisations hospitalières. La même supplique avait déjà été formulée lors de la préparation de la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires), alors que la réforme de la gouvernance hospitalière initiée en 2006 et succédant à celle de 2004 n’était pas encore achevée.

La saturation devant les réformes successives et incessantes pèse aussi sur le moral de l’hôpital. Ce que semble avoir compris Marisol Touraine lors de son très remarqué discours d’inauguration du salon Hôpital Expo, le 22 mai dernier : « [La] succession de réformes, souvent menées trop rapidement et mal comprises par l’ensemble des personnels de la communauté hospitalière, a globalement conduit à une dégradation de la situation. » La ministre s’était donc attachée à montrer les « évolutions [qui] s’imposent » et les « aménagements nécessaires ». Sans plus.

Soulagement et vigilance

Un ton qui a plu et mieux, rassuré. Pourtant, sur le fond, rien de très probant n’a été avancé. La période du discours, à la veille des législatives, ne permettait pas à la nouvelle ministre de la Santé de faire des annonces fracassantes. Elle s’était contentée, avec succès, d’un bel exercice de « câlinothérapie ». Après une période au cours de laquelle les personnels hospitaliers s’étaient sentis bousculés et remis en cause, mal considérés, ils avaient besoin d’entendre qu’ils seraient respectés, aimés voire écoutés. Bien entendu, les organisations syndicales et les grandes fédérations se sont reprises dès la standing ovation terminée. Elles se sont empressées de préciser qu’elles ne donnaient pas un blanc-seing à la nouvelle ministre. Normal. Le soulagement était toutefois palpable. Comme si le monde hospitalier sortait d’une période de résistance et savourait le retour à une vie normale.

Pourtant, le changement de gouvernement ne signifie pas nécessairement la fin des efforts et des remises en question. Si le président Hollande et la ministre Touraine ont placé leur action en matière de santé sous le signe de la justice, du dialogue et du territoire, ils n’ont nullement signifié qu’ils allaient dénouer les cordons de la bourse. Tout simplement parce qu’ils ne le peuvent pas.

Certes, l’hôpital bénéficiera certainement de quelques subsides supplémentaires provenant du léger desserrement annoncé de l’Ondam (dont la progression de 2,5 % pour 2012 passera à environ 3 % pour 2013). Encore faut-il que ces bonnes intentions soient confirmées à l’automne. Quoi qu’il en soit, rien de spectaculaire n’est à attendre. Il faudra que la ministre de la Santé fasse mieux à moyens constants. Pour l’heure, c’est silence radio sur la façon de faire, tant concernant l’évolution de la T2A que la fin de la convergence et la politique RH. Quant au dossier du financement des investissements et au remplacement de la banque Dexia comme prêteur privilégié, la balle est dans le camp du secteur bancaire et de Bercy.

Travail de terrain et nécessité de laisser du temps

Faire mieux sans moyens supplémentaires nécessitera de traiter en profondeur les causes des malaises et de travailler vraiment avec l’ensemble des acteurs concernés par l’hôpital. Le dialogue annoncé par Marisol Touraine sera plus que nécessaire. Mais saura-t-on inventer un dialogue constructif dans la fonction hospitalière sans moyens supplémentaires à la clef ? Par le dialogue, arrivera-t-on enfin à dépasser les blocages souvent liés à la rigidité des statuts hospitaliers ?

Enfin, la ministre devra trouver la bonne formule pour combiner la maîtrise des dépenses hospitalières et le maintien d’une offre de proximité sur l’ensemble du territoire. Le gouvernement ne vient-il pas de défendre la règle qui veut qu’aucun Français ne soit éloigné de plus de 30 minutes d’un service d’urgences ? Une gageure ? « Vu de Paris, peut-être, sourit Bernard Rouault, administrateur du groupement de coopération sanitaire Amplitude. Mais dans nos campagnes où se situe la réalité hospitalière française, cela fait longtemps que l’on travaille sur le sujet. » Et que l’on sait faire. Le GCS piloté par Bernard Rouault a ainsi permis de conserver et renforcer une offre sur un territoire rural étendu sur plus de 80 kilomètres. Le secret ? Un travail commun entre public, privé, sanitaire et médico-social, hôpital et ville ainsi qu’une mutualisation poussée des moyens. « Alors que le recrutement de professionnels de santé était problématique, le fait de travailler tous ensemble a même permis de nous redonner de l’attractivité », souligne l’administrateur du GCS. La ministre tient là une piste. Mais il s’agit d’une solution de terrain, pragmatique et peu spectaculaire. En somme, une solution qui demande que le dossier de l’hôpital ne soit pas en permanence traité sur le mode politique. Et que l’on se donne le temps…

Grégoire Sévan

Source : Décision Santé: 286