Par le Dr FABRIZIO ANDREELLI*
LE SYNDROME METABOLOQUE consiste en l'association, chez le même individu, de différents facteurs métaboliques et hémodynamiques en une seule entité favorisant le diabète de type 2 et/ou le risque cardio-vasculaire. Le syndrome a pu s'appeler de différents noms (syndrome X, syndrome d'insulinorésistance, syndrome cardiométabolique), la World Health Organization (WHO) ayant donné le nom actuellement utilisé de syndrome métabolique. C'est à Reaven que revient le mérite d'avoir le premier décrit l'association chez le même individu d'une hypertension artérielle, d'une insulinorésistance, d'une dyslipidémie et d'une athérosclérose. L'obésité est souvent associée, mais n'est pas obligatoire. Lorsqu'elle existe, il s'agit d'une obésité périviscérale (ou centrale ou androïde). Il existe trois définitions du syndrome métabolique. La définition de la WHO qui associe un hyperinsulinisme à jeun, une intolérance au glucose, une dyslipidémie (hypertriglycéridémie et HDL-cholestérol bas) et une obésité androïde (rapport tour de taille/tour de hanche > 1 chez l'homme ou > 0,8 chez la femme). La définition de l'Egir (European Group for the Study of Insulin Resistance) a modifié la définition de la WHO en remplaçant le rapport tour de taille/tour de hanche par le tour de taille seul (tour de taille > 102 cm chez l'homme et > 88 cm chez la femme). La définition américaine de la Ncep (National Cholesterol Education Program), la plus récente, propose une définition associant au moins 3 facteurs de risque parmi : une tension artérielle ≥ 130/85 mm Hg, une hyperglycémie à jeun (glycémie > à 110 mg/dl), une hypertriglycéridémie (triglycérides > à 150 mg/dl ou 1,7 mmol/l), un HDL cholestérol bas (< à 40 mg/dl ou 1 mmol/l chez l'homme, < à 50 mg/dl ou 1,3 mmol/l chez la femme), une obésité (IMC > 30 kg/m2) abdominale. Il n'existe malheureusement pas actuellement de définition validée du syndrome métabolique chez l'enfant, ce qui est d'une importance capitale devant l'accroissement de l'obésité dans cette population.
Un syndrome extrêmement fréquent.
Selon les critères de la Ncep, les données de la Third National Health and Nutrition Examination Survey (Nhanes, 1988-1994) ont démontré que 25 % des hommes et des femmes aux Etats-Unis avaient un syndrome métabolique. Les Mexicains-Américains sont plus fréquemment atteints (32 %). Ainsi, on considère que 20 à 30 % des populations des pays industrialisés pourraient avoir le syndrome métabolique, ce qui est un chiffre considérable. Quelle que soit la définition, on constate que la prévalence du syndrome métabolique augmente avec l'âge et que le syndrome est plus fréquent chez la femme. Une donnée capitale est que 5 % des sujets présentant un syndrome métabolique ont un IMC strictement normal mais une répartition abdominale de la graisse suggérant que le syndrome métabolique est plus dépendant de la graisse viscérale que de l'IMC lui-même. Outre les patients diabétiques de type 2 ou hypertendus, d'autres populations ont été reconnues pour être fréquemment associées au syndrome métabolique comme les femmes atteintes de syndrome des ovaires polykystiques, les patients traités par antirétroviraux, les sujets ayant un petit poids de naissance.
Entre génétique et environnement.
La cause du syndrome métabolique est encore imparfaitement comprise et tient de la génétique et de facteurs d'environnement. On peut citer les facteurs génétiques déterminant l'IMC, la distribution de la masse grasse, l'hyperinsulinisme, le métabolisme des lipoprotéines... La recherche de ces facteurs est difficile : faut-il considérer le syndrome métabolique comme une entité unique déterminée par quelques gènes majeurs ou comme une maladie plus complexe qui pourrait résulter de la coexistence chez le même individu de plusieurs maladies différentes (insulinorésistance, dyslipidémie, hypertension artérielle...) chacune d'entre elles étant déterminées par des facteurs génétiques spécifiques partiellement connus ? Les facteurs d'environnement jouent un rôle essentiel (peut-être prédominants) avec la sédentarité, le tabagisme et l'excès calorique. Des facteurs nouveaux, comme la présence de cellules inflammatoires au sein du tissu adipeux, des altérations de sécrétion d'adipocytokines (dont l'adiponectine qui est réduite chez les sujets insulinorésistants) ou des altérations des fonctions de l'AMP-activated protein kinase (enzyme de découverte récente dont la réduction d'activité est associée à l'apparition d'un syndrome métabolique chez le rongeur) doivent encore trouver leur place dans la physiopathologie du syndrome métabolique.
Un risque de diabète augmenté.
De nombreuses études épidémiologiques ont montré l'accroissement du risque de diabète de type 2 et d'accident cardio-vasculaire ou d'accident vasculaire cérébral chez les sujets présentant un syndrome métabolique. Même si le diabète n'est pas souvent présent lors du diagnostic de syndrome métabolique, celui-ci est considéré comme une situation prédiabétique car il existe un taux élevé de conversion de l'intolérance au glucose vers le diabète non insulinodépendant. Ainsi, dans l'étude prospective Paris Prospective Study (5 042 hommes normoglycémiques à l'entrée), l'hyperinsulinémie à jeun est corrélée avec un risque accru de développer un diabète dans les trois ans. Dans une étude finlandaise comportant 1 005 hommes, la présence d'un syndrome métabolique était associée à un risque de sept à neuf fois supérieur de développer un diabète de type 2. La présence d'un syndrome métabolique est également fortement corrélée à la survenue d'accident cardio-vasculaire ou d'accident vasculaire cérébral, comme cela a été démontré dans l'étude Botnia (4 483 sujets finlandais et suédois). Chez le patient diabétique de type 2, le nombre de facteurs de risque définissant le syndrome métabolique autres que la glycémie aggrave le pronostic de l'événement cardio-vasculaire. Ainsi le syndrome métabolique est prédictif des deux principales causes de morbi-mortalité dans les pays industrialisés d'où la nécessité de son dépistage et de son traitement.
De lourdes conséquences vasculaires.
On observe une plus grande prévalence des accidents vasculaires coronariens et cérébraux chez les sujets présentants un syndrome métabolique. L'atteinte athéromateuse au cours du syndrome métabolique est complexe. Il existe une dysfonction endothéliale chez le patient obèse insulinorésistant diabétique ou non. Au cours de celle-ci, l'endothélium pourrait sécréter des facteurs proathérogènes, comme des protéines d'adhésion permettant à des cellules inflammatoires d'accèder au tissu sous-endothélial. L'insulinorésistance remanie le métabolisme des lipoprotéines en un profil athérogène en favorisant une production hépatique accrue de V-LDL-triglycérides, en diminuant l'activité de la lipoproptéine lipase, en diminuant le HDL cholestérol et en augmentant les LDL petites et denses facilement oxydables. L'insulinorésistance est également associée à des anomalies de l'hémostase, comme la diminution de l'activateur du plasminogène ou l'augmentation du PAI (Plasminogen Activator Inhibitor-1 qui contrôle la fibrinolyse) et du fibrinogène. Enfin, l'hyperglycémie chronique ajoute des facteurs délétères, comme la réduction de l'activité de la NO-synthase endothéliale (réduisant la vasodilatation vasculaire) par le biais d'un excès de production de radicaux libres.
Quelle stratégie adopter ?
Le premier des objectifs est d'accroître le dépistage du syndrome métabolique au sein de la population en mesurant le tour de taille du plus grand nombre de sujets, sans restreindre l'analyse à la population obèse puisqu'un syndrome métabolique peut exister avec un IMC normal. Ce dépistage est un véritable défi. Aurons-nous les moyens de l'assurer alors même que le dépistage du diabète de type 2 est encore insuffisant ? Une fois le syndrome métabolique dépisté, les conséquences pratiques qui en découlent sont considérables et font poser de nombreuses questions. Il est vrai que les modifications du mode de vie (lutte contre la sédentarité, l'excès calorique et le tabagisme) ont montré leur puissance pour éviter l'évolution vers un diabète de type 2 dans des populations intolérantes au glucose. Mais ces résultats sont-ils transposables dans notre pratique quotidienne alors que ces publications étaient obtenus au sein de structures dédiées à la prise en charge diététique et sportive intensifiée des sujets ? Réduire l'insulinorésistance présente est une étape thérapeutique essentielle. Ne pourrait-on pas discuter la place des biguanides à ce stade et avant l'apparition du diabète ? En cas d'hypertension artérielle associée, les études Hope, Capp, Allhat, Life et Value ont montré la supériorité des IEC et des sartans sur les autres classes d'antihypertenseurs dans la prévention du diabète dans ces populations. Pourquoi ne définissons-nous pas de nouvelles recommandations sur l'emploi de ces molécules dans le traitement de l'hypertension de ces sujets ? Que pouvons-nous proposer aux enfants obèses qui développeront un syndrome métabolique à un âge jeune ? Ces quelques questions montrent à quel point la tache est immense. Ainsi, si l'on veut faire du syndrome métabolique une entité particulière dont le traitement permettrait de réduire la prévalence du diabète de type 2 et des accidents cardio-vasculaires, il est urgent de mener une réflexion afin de définir des recommandations thérapeutiques spécifiques de ce syndrome. Les pouvoirs publics doivent s'impliquer au même titre que tous les personnels de santé. Le dépistage large du syndrome métabolique pourrait ainsi être une occasion unique de repenser la prévention du diabète de type 2 et des maladies cardio-vasculaires à l'échelon national.
*CHU Bichat Claude-Bernard
Service de diabétologie-endocrinologie-nutrition
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