JEAN-LUC PIEL-DESRUISSEAUX, chirurgien à l'hôpital de Lisieux, a choisi son métier pour ne pas «devenir fou». Il est prisonnier d'une passion qui est née à l'âge de 8 ans dans la cave familiale. Une cave à silex. «Mon père était un passionné d'ethnologie. Il avait rapporté beaucoup de souvenirs, notamment d'un voyage qu'il avait effectué à Madagascar», raconte le chirurgien. Terré tous les dimanches, Jean-Luc Piel-Desruisseaux se laisse enivrer par l'odeur du temps en faisant l'inventaire des objets rapportés, fossiles, pierres et autres butins. Piochant dans la bibliothèque paternelle des livres anciens sur la préhistoire, le jeune garçon s'intéresse très vite au silex préhistorique et aux pointes de flèche, dont les «formes me paraissaient très curieuses». «Au début, j'ai surtout été attiré par les objets. Je voulais comprendre comment les outils avaient pu être créés et servir à l'homme». Au lycée, les sciences naturelles, le goût pour la dissection et l'anatomie le conduisent vers des études de médecine, mieux organisées, selon lui, que les études sur la préhistoire. «D'ailleurs, autrefois, on ne faisait de la préhistoire que comme second métier. Il s'agissait souvent d'instituteurs, de curés ou de médecins.» Jean-Luc Piel-Desruisseaux, qui avoue ne lire que des ouvrages de préhistoire ou de chirurgie, se définit comme un «manuel, un bricoleur». «J'ai besoin du contact, j'ai besoin de produire.» Faute de temps, toutefois, le médecin ne taille pas de silex et ne participe pas aux fouilles, même s'il reconnaît qu'il aime arpenter les champs, le regard au ras du sol. Non sans succès, puisque ses découvertes, dans le Limousin, notamment, l'ont conduit à faire des publications.
Témoin des premiers hommes.
Avec son dernier livre, « les Eclats de Néandertal », publié chez Dunod, Jean-Luc Piel-Desruisseaux désire partager sa passion. Auteur d'un précédent ouvrage sur les outils préhistoriques (qui en est déjà à sa cinquième édition), il a voulu écrire «le livre de vulgarisation (qu'il n'a) pas trouvé en librairie». «C'est un livre écrit à deux. Ma femme m'a considérablement aidé à le réduire et à le simplifier. Plus simple, je n'aurais pas pu», estime-t-il en regrettant, d'une manière générale, le manque de communication des chercheurs préhistoriens à qui il dédie son livre. Comment nos ancêtres ont-ils fabriqué les outils ? Comment s'en servaient-ils ? Aujourd'hui, l'outil est le meilleur et souvent le seul marqueur témoignant du mode d'existence des premiers hommes. Pour celui qui sait l'interroger, l'outil parle, souligne le chirurgien. «René est sous son abri, un abri sous roche comme il y en a beaucoup ici dans la vallée de la Vézère, en Dordogne. Il est entouré d'un groupe d'enfants arrivé en car du collège. Tchac, tchac… Il fait une démonstration de taille du silex. Il renouvelle les gestes des hommes qui vivaient là il y a 35000ans. Gra… gra… tchac, un éclat vient de sauter et tombe aux pieds des spectateurs. Le tailleur leur demande alors de ne surtout pas le ramasser car il est coupant, vraiment très coupant», écrit Jean-Luc Piel-Desruisseaux dans son livre. Dès qu'il le peut, le médecin étudie les collections d'outils. «Ce que j'aime, c'est regarder les outils. Et plus ils sont abîmés, plus je suis content: c'est le signe qu'ils ont servi.» Voit-il parfois une similitude avec les outils qu'il manie au bloc ? «Un couteau, un bistouri, c'est au fond toujours pareil. Aux Etats-Unis, on s'est aperçu que les Aztèques fabriquaient des lames en verre de volcan, en obsidienne, beaucoup plus tranchantes que l'acier, ce qui permet de mieux cicatriser. On a alors fabriqué des scalpels en obsidienne, notamment pour la chirurgie esthétique. Mais il me semble que les autorités sanitaires ne les tolèrent plus aujourd'hui car on s'est aperçu qu'ils laissaient des tout petits débris de verre.» Si Jean-Luc Piel-Desruisseaux s'intéresse autant aux outils, ce n'est pas pour jouer à la préhistoire, comme il l'explique souvent aux écoliers qu'il rencontre. «Nous n'avons pas les conditions d'environnement pour reconstituer les scènes préhistoriques. L'outil représente en revanche une certaine réalité. Au cours de mes exposés, j'essaye de faire comprendre aux enfants que, il y a très longtemps, il suffisait de quelques outils très simples pour survivre.» Pour subsister aujourd'hui, il vaut cependant mieux se munir d'une carte bancaire, reconnaît le médecin, qui, précise-t-il, n'en possède pas lui-même.
« Les Eclats de Néandertal. Chez les artisans de la préhistoire », éditions Dunod, collection « Quai des sciences », 200 pages, 19,90 euros.
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