Quand demander une recherche d’autoanticorps ?
1. Pour diagnostiquer une connectivite
Les connectivites regroupent un certain nombre de maladies auto-immunes dont les plus connues sont le lupus et le syndrome de Gougerot-Sjögren. Ces affections touchent la plupart du temps des femmes (9 cas sur 10) qui se plaignent d’arthralgies d’horaire inflammatoire, signe d’appel le plus fréquent. Le lupus touche les femmes jeunes entre 15 et 25 ans tandis que le syndrome de Gougerot-Sjögren est le plus souvent diagnostiqué chez une femme de 40 à 50 ans qui se plaint d’un syndrome sec oral ou oculaire. On peut aussi penser à ces pathologies devant une éruption cutanée (notamment au niveau du visage pour le lupus), une thrombopénie inexpliquée ou des adénopathies cervicales. Le dépistage immunologique des connectivites nécessite la recherche d’anticorps antinucléaires.
2. Pour diagnostiquer une atteinte auto-immune d’organe
Les pathologies d’organe les plus fréquentes sont les thyroïdites auto-immunes où il faut rechercher des anticorps anti TPO dans le cadre d’une thyroïdite d’Hashimoto et des anticorps circulants antirécepteurs à la TSH anti-TRAK dans le cadre d’une maladie de Basedow. Viennent ensuite les hépatites auto-immunes et notamment la cirrhose biliaire primitive qui se manifeste typiquement par des perturbations inexpliquées du bilan hépatique chez une femme d’âge mur où il convient de demander une recherche d’anticorps anti mitochondries.
3. Pour explorer une thrombose veineuse ou artérielle inexpliquée
Il faut évoquer systématiquement un syndrome des antiphospholipides (SAPL) en cas de thrombose sans facteur déclenchant évident ou en cas de fausses couches ou de mort fœtale. Cette maladie est essentielle à dépister car elle impose une anticoagulation à vie. La recherche d’anticoagulant circulant et un dosage des anticorps anticardiolipides sont nécessaires pour dépister un SAPL.
4. Pour diagnostiquer une vascularite
Les vascularites sont des pathologies souvent difficiles à diagnostiquer. Le socle commun de symptômes de ces pathologies associe : une altération de l’état général avec amaigrissement, une fièvre au long cours, des arthralgies inflammatoires, des manifestations cutanées à type de purpura vasculaire et des paresthésies dans les extrémités très évocatrices de vascularite quand l’électromyogramme décèle un aspect de mononévrite multiple. Les vascularites les plus connues sont la maladie de Wegener où s’ajoute au socle de symptômes une atteinte ORL (sinusite, croûtes endonasales) et une atteinte pulmonaire (nodules parfois volumineux et excavés), la maladie de Churg et Strauss caractérisée par la présence d’un asthme et d’une hyperéosinophilie et la périartérite noueuse souvent satellite d’une infection active à virus de l’hépatite B. Pour dépister une vascularite, on demande des anticorps anti cytoplasme des polynucléaires neutrophiles.
Comment interpréter les résultats ?
1. Les anticorps antinucléaires (AAN)
Le dépistage se fait désormais le plus souvent sur des cellules comportant un noyau volumineux comme les cellules Hep2 qui sont des cellules tumorales issues de lignées de cancer du pharynx humain. La première étape consiste à mettre en présence ces cellules avec le sérum du patient à tester. Après lavage, on révèle la présence éventuelle d’anticorps grâce à des anticorps fluorescents. L’étape suivante nécessite une lecture par le biologiste en lecture optique à fond noir. Les résultats attendus de cette technique sont : résultat négatif ou positif avec, en cas de positivité, un titre de dilution permettant de quantifier le taux des anticorps.
Officiellement, un titre› 1/80e suffit à considérer que le résultat est positif mais en pratique un titre› 1/160e paraît plus réaliste. L’autre information de cette première technique de dépistage est d’apprécier le type de fluorescence : homogène, moucheté, nucléolaire, cytoplasmique… La fluorescence permet en effet au biologiste de choisir les techniques suivantes qui consistent à déterminer les cibles antigéniques des anticorps antinucléaires ; Il faut se méfier des résultats d’AAN donnés en technique ELISA qui ne sont pas aussi fiables et pèchent par excès en raison d’une trop grande sensibilité. Il est essentiel que les biologistes aient accès au maximum de renseignements cliniques afin d’affiner les recherches en fonction des orientations du clinicien.
Pour un lupus, les résultats attendus sont : anticorps anti nucléaires positifs› 1/160e, Anti-DNA positif.
Pour un syndrome de Gougerot-Sjögren : anticorps anti nucléaires positifs› 1/160e, anti SSA ou SSB positifs.
2. Les anticorps antiphospholipides : techniques et résultats.
Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est défini comme l’association d’un événement clinique (thrombose artérielle ou veineuse et/ou événement obstétrical) et d’un anticorps antiphospholipidique (APL). La recherche d’anticorps antiphospholipides se fait autour de 2 éléments principaux :
- anticoagulant circulant de type lupique (ACC),
- anticardiolipide (aCL).
L’anticoagulant circulant, dont le nom peut prêter à confusion car à l’origine de thrombose et non de saignement, est suspecté sur un allongement du Temps de Céphaline Activé (TCA). La technique de dépistage d’un ACC consiste à mélanger le sérum du malade avec un sérum de sujet témoin, si le TCA du mélange reste allongé, c’est qu’il existe un inhibiteur de la coagulation chez le malade. Cet effet inhibiteur peut être quantifié par le calcul de l’indice de Rosner (TCA malade en seconde – TCA témoin en s) TCA malade, le tout multiplié par 100. Si l’indice est supérieur à 15, l’anticoagulant circulant est confirmé, entre 12 et 15 : il est douteux, inférieur à 12, la recherche est négative. L’anticorps antiCardioLipide (aCL) se recherche par technique ELISA avec un résultat qui est rendu en Unités. L’isotype IgG a le plus de valeur. Un taux d’aCL devient significatif à partir de 30 à 35 UI. Il existe de nombreux faux positifs d’antiphospholipides dont la liste mérite d’être connue afin de ne pas surdiagnostiquer et donc surtraiter les patients : hépatite C, neuroleptiques, VIH, syphilis, Lyme, tuberculose, paludisme… Pour éviter ce piège, il est impératif de contrôler les APL à 12 semaines d’intervalle.
3. Les anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires (ANCA)
Lorsqu’on suspecte une vascularite systémique, il est aujourd’hui incontournable de demander une recherche d’anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA). En cas de positivité de ce test, il sera possible de classer la vascularite et même parfois d’éviter au patient une biopsie de tissu. Les ANCA sont retrouvés dans le groupe des vascularites des vaisseaux de petit calibre : granulomatose de Wegener (GW), polyangéite microscopique et angéite granulomateuse de Churg et Strauss. La méthode de référence pour la détection des ANCA est un test d’immunofluorescence indirecte sur des polynucléaires fixés dans l’alcool. Deux types de fluorescence sont observés :
- une fluorescence cytoplasmique des polynucléaires neutrophiles et des monocytes, appelée c-ANCA correspondant à une cible antiprotéinase 3 (PR3) ;
- une fluorescence périnucléaire des polynucléaires, appelée p-ANCA correspondant à une cible anti myéloperoxydase (MPO).
Un certain nombre d’études ont démontré la corrélation du titre d’ANCA à l’activité clinique de la maladie et une ascension des taux d’anticorps précède habituellement la rechute clinique. Le parallélisme entre l’activité de la GW et le titre des ANCA n’est cependant pas total. Certains patients en rémission gardent des taux élevés d’ANCA, sans qu’une rechute ne soit observée.
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