Les attentats antiaméricains ont eu lieu il y a trois semaines exactement et, à ce jour, aucune armée américaine n'a tiré une seule balle.
On peut donc dire, sans courir de risque, que George W. Bush n'a pas réagi avec précipitation à une attaque en règle contre son pays qui a fait deux fois le nombre des victimes de Pearl Harbor et a visé exclusivement des civils.
Pourtant, les appels à la modération se multiplient, partout dans le monde, mais aussi en France, bien qu'il n'y ait pas, dans la modération, de degré plus élevé que la passivité absolue.
Bien que M. Bush n'ait pas encore appuyé sur la détente, l'antiaméricanisme a atteint des sommets d'hystérie dans un certain nombre de pays musulmans, le Pakistan et l'Indonésie plus particulièrement. Bien entendu, ces défoulements de masse ont aussi une visée préventive : personne ne croit vraiment que M. Bush restera durablement inerte, et ceux qui ont manifesté contre lui pensent peut-être que leur « démonstration de force » aura eu un effet dissuasif. Ils sont si prompts à se leurrer et à se gargariser de haine !
En réalité, à plusieurs reprises, le président des Etats-Unis a donné des gages de sagesse : il a consacré beaucoup de temps à la condamnation de l'amalgame entre intégrisme et islam ; il a fait annoncer qu'il n'y aurait pas de bataille spectaculaire ni d'invasion d'un pays donné ; il a prévenu ses concitoyens que ce serait une guerre du renseignement et de la lente recherche des coupables plutôt qu'une guerre à outrance. Enfin, en dépit des accords qui le lient aux pays de l'OTAN, il n'a fait appel, pour le moment, au concours militaire d'aucun pays européen, sauf celui de la Grande-Bretagne, qui semble le lui avoir accordé spontanément. Il a donc tout fait pour satisfaire ceux qui éprouvent plus de craintes au sujet de ce qu'ils appellent « l'arrogance de l'Amérique », le champion du Bien contre le Mal, le « cow-boy du Texas » qu'ils n'ont éprouvé d'émotion quand les deux tours du World Trade Center se sont écroulées.
A bien y réfléchir, on ne voit pas très bien ce que l'on peut reprocher à ce jour à M. Bush : l'Amérique a reçu un coup violent, injuste et cruel auquel certains de nos plus prestigieux intellectuels trouvent des raisons qui les mettent au rang du mollah Omar, le chef des taliban. 260 millions d'Américains se sont dressés comme un seul homme pour réclamer une vengeance. A ce jour, et pour autant que les événements du week-end n'auront pas contredit ce qui est écrit ici, M. Bush s'est contenté de la leur promettre.
Cependant, on sait aujourd'hui que des commandos spéciaux américains et britanniques ont sillonné l'Afghanistan. Ils cherchaient Oussam ben Laden, mais ne l'ont pas trouvé. Les Etats-Unis et l'Europe sont en état d'alerte maximal : des arrestations ont eu lieu en Amérique du Nord, en Allemagne, en Italie, en Espagne. Les services secrets de ces pays ne doivent pas relâcher leur harcèlement des cellules des terroristes, ou présumées telles. Tant qu'ils seront pourchassés, ils auront du mal à organiser de nouveaux attentats. Or, dans cette affaire, la prévention est infiniment plus nécessaire que le châtiment pur et simple.
C'est Kaboul qui veut la guerre
Concernant l'Afghanistan, le problème ne se pose plus dans les termes d'il y a trois semaines. A supposer même que Ben Laden ne soit pas l'organisateur des attentats, ses appels au meurtre sont suffisants pour qu'il s'en explique devant un tribunal. Le gouvernement américain a donc demandé au gouvernement afghan de le lui remettre. Les mollahs ont d'abord refusé, puis incité Ben Laden à quitter leur pays, puis indiqué qu'ils ne savaient plus où il était. Enfin, ils ont lancé l'anathème contre l'Amérique, se présentant de la sorte comme ses ennemis.
M. Bush a obtenu des concours inespérés, notamment ceux du Kazakhstan et de deux anciennes républiques soviétiques, l'Ouzbekistan et le Tadjikistan. Il a très probablement installé dans ces pays des bases qui, éventuellement, peuvent servir à une invasion de l'Afghanistan. Il a en face de lui un régime qui martyrise son peuple, qui est incapable de nourrir ses sujets, qui vit dans un dénuement complet, mais continue à rédiger des fatwa contre le Grand Satan. En réalité, les Etats-Unis n'ont désigné aucun pays comme leur ennemi. Ils ont même tenté de recruter l'Iran (qui a refusé) et même la Syrie. M. Bush a très bien vu que ce dont il a besoin, c'est d'obtenir un maximum de renseignements, que ce qu'il doit faire, c'est détruire les réseaux terroristes, qu'ils se réclament ou nom de la qaida de Ben Laden et qui travaillent dans l'ombre, le plus souvent sans lien entre eux. S'il attaque l'Afghanistan, ce sera seulement parce que le gouvernement des mollahs lui a déclaré la guerre à sa façon.
On voudrait que les ONG et tous ceux pour qui prime l'humanitaire, que les nombreux gouvernements qui déplorent le sort réservé aux Afghans par les taliban, s'associent à une démarche susceptible de mettre à bas un régime qui ne peut pas être pire. Il ne faut pas à la fois verser un torrent de larmes sur les malheureux Afghans et ne pas souhaiter que disparaissent leurs bourreaux ; il ne faut pas être aveuglé par son antiaméricanisme au point de se sentir plus proche d'une dictature religieuse que d'un régime démocratique. Il nous semble que le meilleur moyen, pour M. Bush, d'obtenir un résultat, c'est de faire en sorte que le pouvoir taliban s'écroule sous le poids de sa propre impéritie. Il peut assiéger l'Afghanistan du dehors ; il peut aider les résistants ; il peut les pousser jusqu'à Kaboul. Et même s'il n'arrête pas Ben Laden, il aura rendu un service sans précédent à un peuple accablé par le malheur.
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