LA LEÇON D'ÉTHIQUE que « le Canard enchaîné » a cru bon de donner au candidat de l'UMP au sujet d'un appartement acheté il y a dix ans a fait long feu : les électeurs s'en moquent. Les journalistes sont les seuls à s'intéresser à ce genre d'exercice, comme « Libération », qui note que M. Sarkozy aurait dû payer l'impôt sur la fortune plus tôt qu'en 2006.
L'institut Ipsos publie maintenant un sondage tous les jours et, en moyenne, le candidat de l'UMP recueille 30 % des voix, alors que le score de Ségolène Royal varie entre 25 % et 29 % ; les politologues soulignent que le report des voix de la gauche sur Mme Royal au second tour se fait mal ; les socialistes eux-mêmes conviennent que, à 25 % au premier tour, leur candidate n'amorce guère la dynamique susceptible de lui assurer la victoire au second, même si certains instituts croient constater un bon report des voix de M. Bayrou vers Mme Royal. Tous les directeurs d'institut notent en tout cas une volatilité extraordinaire de l'électorat, qui tangue de droite à gauche selon les prestations publiques des candidats. Une bonne émission de télévision, et hop !, le candidat gagne deux ou trois points. Ce ne serait inquiétant que si la France était bipolarisée, comme ne cessent de le dire les éditorialistes. Pourtant, ces brusques engouements et ces défections non moins rapides montrent que ce n'est pas tant la doctrine du candidat qui intéresse les gens que la capacité qu'ils lui attribuent à gouverner le pays.
Le petit bout de la lorgnette.
La campagne n'est pas brillante, d'abord parce que la presse a décidé de la regarder par le petit bout de la lorgnette, celui des scandales, auxquels Ségolène n'échappera pas non plus, puisque « le Canard » a promis des révélations sur son patrimoine dans son édition de mercredi prochain. L'appartement de M. Sarkozy, la crise d'Airbus, la stagnation du taux de chômage en janvier ont placé la droite sur la défensive. Elle ne riposte que mollement, sauf le président de l'UMP qui a répété à l'envi qu'il était « blessé », comme s'il ne savait pas à quoi un candidat s'expose dans une campagne électorale.
L'ELECTORAT SE MOQUE DE LA BIPOLARISATION : IL PASSE DE DROITE A GAUCHE SANS ETATS D'AME
Le gouvernement, sur Airbus, n'a pas osé dire la terrible vérité, à savoir qu'il s'est résigné aux méthodes de toute industrie menacée de faillite, donc qu'il a entériné la vague de licenciements. Comme pour Alcatel, les salariés se sont sentis trahis par l'Etat actionnaire, qui aurait dû intervenir en amont pour prévenir la catastrophe. Du coup, la dimension de ce drame industriel donne une immense crédibilité à la gauche et aux syndicats. Nous avons tous envie, en ce moment, de parler comme Ségolène Royal et de dénoncer pêle-mêle les patrons d'Airbus qui sont partis avec de grosses indemnités ou sont soupçonnés de délit d'initié alors qu'ils ont été les fossoyeurs d'un joyau industriel européen qui est aussi, pour nous, une fierté nationale.
L'affaire devrait donner du tonus à Ségolène, mais elle n'a pas été plus explicite sur ce qu'elle aurait fait en tant que présidente que Nicolas Sarkozy n'a donné à ce drame de l'impéritie des explications satisfaisantes.
Ils sont tous dans leur rôle : Ségolène, plus socialiste qu'elle, tu meurs ; Sarko, faussement sensible, victime d'une diffamation qui lui ferait presque verser quelques larmes, mais par ailleurs décidé à conserver le vote de droite en donnant quelques gages à propos de l'autorité de l'Etat et de l'immigration ; les programmes de la télévision, qui découvre, non sans ferveur, les splendeurs de la « démocratie participative », en dépit de l'ennui qu'elles entraînent et de la réduction du débat à des questions individuelles (des microquestions), antithèse de la « vision politique » ; les journaux qui cherchent à discréditer les candidats selon leur bord politique. C'est tragique pour tous ceux qui réclament de l'information et n'entendent que de la propagande.
Doléances larmoyantes.
Nous sommes vraiment à un tournant historique ; et cependant, tout se résume à des attaques personnelles, des doléances larmoyantes sur des parrainages soudainement introuvables (encore un système archaïque qui risque d'enterrer la démocratie française), et un immense puzzle de mesures dites concrètes où le malheureux électeur est déjà noyé.
Mais à campagne à peu près nulle, électorat insaisissable : il suffit d'un meeting ou d'une émission de TF1 pour que se déplacent des centaines de milliers de voix. Bien que François Bayrou ait fait une percée remarquable, le seul aspect nouveau, c'est la relégation de Jean-Marie Le Pen à la quatrième place. C'est, bien sûr, une bonne chose ; cela prouverait même que M. Bayrou a capté une partie du vote contestataire. Mais, pour le moment, on n'assiste pas à une course haletante, pas plus qu'à un match à suspense où se heurteraient la thèse et l'antithèse.
Est-ce que cela signifie que M. Sarkozy a déjà gagné ? Nous nous garderons bien de l'écrire, non seulement parce que ce serait prématuré, non seulement parce qu'il faut se méfier des sondages, qui peuvent nous réserver, à l'heure de vérité, une surprise comparable à celle de 2002, mais parce que nous ne désespérons pas, pour les cinquante jours qui viennent, d'assister à une confrontation sérieuse, dense, intéressante entre les bonnes raisons de la droite et les bonnes raisons de la gauche. Les bonnes. Les autres, on s'en moque.
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