Alors que les différences entre les hémisphères droit et gauche du cerveau, tant fonctionnelles qu'anatomiques, sont connues, les scientifiques en savent bien moins sur les facteurs environnementaux et génétiques gouvernant l'asymétrie du système nerveux central. C'est à cette tâche que se sont attelés des chercheurs californiens (Daniel H. Geschwind et coll.). Leur travail est publié dans les « Proceedings of the National Academy of Sciences ».
Cette asymétrie cérébrale est fortement corrélée avec la latéralité, laquelle dépend de l'hérédité. Les auteurs, pour explorer les contributions relatives de l'environnement et de la génétique dans cette asymétrie, ont déterminé les volumes d'hémisphères et d'aires cérébrales par IRM au sein d'une vaste cohorte de jumeaux âgés. Les 72 paires monozygotes avaient en moyenne 72,3 ans, les 67 paires dizygotes, 71,8 ans. Des travaux antérieurs, sur de plus petites séries, ont montré de considérables similitudes cérébrales entre jumeaux monozygotes, mais n'ont pu faire la part de l'environnement et de la génétique. La comparaison avec des dizygotes est dès lors importante pour apprécier les places respectives de l'environnement in utero et des gènes. Les auteurs ont confronté leur évaluation à la latéralisation des sujets (droitier ou gaucher).
La main préférentielle
Avant d'analyser les résultats obtenus, il faut se rappeler que la latéralisation du langage dans l'hémisphère gauche et les asymétries cérébrales associées sont fortement corrélées à la main préférentielle. Quelque 97 % des droitiers ont une localisation du langage à gauche. Il en va différemment chez les gauchers (les auteurs disent les non-droitiers). Chez 60 % d'entre eux, le langage est dominant sur l'hémisphère gauche ; dans 30 % des cas il est réparti entre les deux et seulement 10 % ont un hémisphère droit dominant.
Les données des examens IRM ont un peu surpris les chercheurs. La contribution de facteurs environnementaux partagés, dont la plupart remontent à la vie intra-utérine et à la petite enfance (familiaux), comptent pour une part significative du volume des lobes temporaux, frontaux et des hémisphères entiers. L'influence de cet environnement est au moins deux fois plus marquée sur les lobes temporaux et frontaux gauches que droits, indépendamment de la latéralité des jumeaux. Une explication possible à la malléabilité de ces secteurs gauches est que l'hémisphère gauche se développe sur une période plus prolongée que le droit, le rendant plus vulnérable à certaines perturbations extérieures, telles que l'action des hormones in utero. Les auteurs remarquent une relation entre les volumes frontaux et temporaux et le niveau d'éducation, contrairement à ce qui se passe en pariétal et en occipital.
Ecart de volume chez les jumeaux DD
En ce qui concerne la symétrie, les chercheurs font la différence entre les paires de droitiers, a priori de génotype DD, et les paires dites non-DD. Une forte tendance à un écart de volume des hémisphères a été constatée chez les jumeaux DD. Une plus grande symétrie a été notée chez les jumeaux, droitiers ou gauchers, non-DD, évocatrice de celle rencontrée chez les gauchers.
Ces travaux suggèrent que les influences génétiques sur le volume des hémisphères droit et gauche sont plus importantes chez le jumeaux monozygotes de génotype DD. A l'opposé, les facteurs génétiques ont une influence réduite de moitié sur ces volumes chez les paires de jumeaux non-DD.
Ce travail ne peut préciser si l'influence génétique est mono- ou polygénique. Cependant, il suggère fortement que la tendance à la latéralisation à droite est héréditaire chez la plupart des droitiers et que cette détermination est perdue chez la majorité des gauchers.
« Proc Natl Acad Sci USA », doi/10.1073, à paraître le 5 mars 2002.
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