Les facteurs qui ont éliminé Lionel Jospin avant le second tour de la présidentielle n'ont pas disparu. Le vote de protestation exprimé au premier tour représente un tiers de l'électorat, si on additionne les voix qui se sont portées sur l'extrême droite et sur les trotskistes.
Les élections législatives contiennent donc un danger identique. Les Français estiment, à juste titre, qu'ils ont fait leur devoir civique en écartant Jean-Marie Le Pen. Ils ont plébiscité Jacques Chirac en tant que défenseur de la démocratie. Ils ne lui ont pas donné un blanc-seing pour gouverner et leurs revendications ne sont toujours pas satisfaites.
La configuration de la présidentielle ne leur offrait pas un choix vraiment satisfaisant. En gros, ils ont dit qu'ils ne voulaient ni de Chirac ni de Jospin. La recherche d'une majorité, à droite ou à gauche, demeure donc problématique.
De Bayrou à Chevènement
Aussi bien au PS qu'au RPR (transformé pour la circonstance en UMP, Union pour la majorité présidentielle), on a décidé de ne pas avoir trop d'égards pour les petits partis. Cette attitude, dictée par la gravité de la situation, revient à faire de l'impérialisme quand l'empire est en déclin. La gauche, au premier tour de la présidentielle, a perdu un million et demi de voix, la droite en a perdu près de cinq millions. Pas de quoi pavoiser, ni imposer une loi d'airain aux petits partis.
A droite, le camp chiraquien a été aidé, il est vrai, par le ralliement de beaucoup d'élus UDF et DL. Mais François Bayrou, qui a fait un joli score au premier tour, tient à sa différence et présentera une centaine de candidats de l'UDF. Il assure qu'il n'en aura pas dans les circonscriptions où le FN peut passer au second tour.
A gauche, la discipline semble régner, sauf en ce qui concerne le Pôle républicain qui fait bande à part, d'autant, comme le constate François Hollande, qu'il ne veut se situer ni à gauche ni à droite, ni même au centre.
Mais la gauche est moins menacée que la droite par le Front national. C'est l'UMP qui a le plus à redouter du maintien d'un certain nombre de candidats du Front au second tour des législatives. Et c'est pourquoi, paradoxalement, sa faiblesse structurelle la pousse à imposer sa volonté aux candidats de la droite classique qui revendiquent leur différence.
D'une part, l'ordre de bataille a été décidé en moins de huit jours. Ni à gauche ni à droite, on n'a perdu de temps et on est prêt à se lancer dans la campagne. D'autre part, nous sommes à 25 jours du premier tour des législatives et nous ne disposons pas encore de sondages indiquant ce que pourrait être le résultat de cette mise en place des candidats (526 pour la seule UMP ; et le Pôle républicain qui n'en annonce pas moins de 400 !).
La nature du scrutin, majoritaire à deux tours, passera comme un bulldozer sur toutes les dissidences bruyantes, mais insuffisamment nombreuses. Le système a parfaitement joué son rôle lors de la présidentielle : il nous a fait peur, puis sa logique implacable a écrasé l'extrême droite. Ni dans la législature de 1997-2002, ni dans la précédente (1993-1997) le Front national n'a pu envoyer un seul de ses représentants à l'Assemblée. Mais il ne fait plus 13 % comme autrefois, il fait 20 %. Une bonne surprise du prochain scrutin pourrait être le retour de l'extrême droite à son étiage traditionnel : Jean-Marie Le Pen a été acclamé par les siens le soir du premier tour de la présidentielle, mais il les a beaucoup déçus le soir du second tour. Beaucoup de lepénistes de circonstance penseront peut-être qu'ils ont rejoint un camp de perdants et ne voudront pas renouveler l'expérience. Mais ce n'est pas sûr.
En l'état actuel des forces en présence et compte tenu de l'affaiblissement considérable de la droite classique, on ne doit pas exclure que, cette année, un certain nombre de membres de l'extrême droite seront élus. De même, les électeurs de gauche qui ont voté Chirac au second tour de la présidentielle retourneront à leur bercail.
Nouveau risque de cohabitation
Comment, dans ces conditions, ne pas imaginer l'autre menace, celle d'une nouvelle cohabitation ? Personne, même à gauche, ne peut la souhaiter : François Hollande était bien embarrassé, l'autre soir, par la question sur une nouvelle cohabitation. La vérité est que le projet de la gauche ne peut être rien d'autre que de cohabiter. Sombre perspective qui en fera réfléchir plus d'un, même si M. Hollande répète à l'envi que c'est le projet de M. Chirac qui est grevé par le risque de cohabitation : la gauche, qui n'a même pas un chef de file désigné pour devenir Premier ministre, traîne le même boulet que la droite.
Le combat de la gauche n'aurait de sens aujourd'hui et son projet ne serait crédible que si elle remportait aux législatives une victoire de telle ampleur qu'elle forcerait le président réélu à démissionner. Non seulement il n'a pas dit qu'il le ferait, mais la cohabitation créerait un malaise assez intense pour qu'il dissolve la nouvelle Assemblée en juin 2003.
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