DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
À DROITE depuis la guerre, Bordeaux le restera-t-elle six nouvelles années ? L'affaire ne fait pas un pli, si l'on en croit les derniers sondages : le maire sortant l'emporterait dès le 1er tour, avec 51 % des intentions de vote, et avec 54 % en cas de second tour.
C'est le président du conseil régional d'Aquitaine que le Parti socialiste a choisi pour défier Alain Juppé sur ses terres. Alain Rousset y croit. Son entourage dit de lui que c'est un diesel, et que c'est dans la dernière ligne droite qu'il est le meilleur. Cinq médecins figurent sur sa liste.
Notamment Bertrand Bloch, professeur au CHU, résolument optimiste : «Les sondages jusqu'au bout n'ont pas donné Michèle Delaunay gagnante aux législatives. Elle a gagné avec 51% des voix. Et Ségolène Royal a fait 54% à la présidentielle à Bordeaux.»
Comme en juin 2007, «ce sera une bagarre au couteau, affirme Bertrand Bloch . Rousset s'est entouré de gens crédibles. Il a fait une liste à la Delanoë, ouverte aux écologistes». A l'en croire, la victoire est possible.
Mais, côté UMP, rallié localement par des membres du MoDem, les esprits sont tranquilles. «Juppé n'est pas un parachuté, il est apprécié. La gauche nous reproche de n'avoir rénové que les façades, mais derrière il y a des réalités sociales et économiques: les emplois créés, le tourisme, les associations de soutien aux personnes âgées et aux handicapés», déclare le Dr Brigitte Collet, pédiatre et numéro huit sur la liste de Juppé. «Rousset mène une campagne de dénigrement sans projet pour la ville. Juppé a un bon bilan. Il sait forcer les portes. C'est grâce à lui qu'on a eu le laser mégajoule, des subventions de l'Etat pour le tramway, une liaison TGV Bordeaux-Tours plus rapide que prévu», ajoute le Pr Josy Reiffers, patron du centre de lutte contre le cancer et autre colistier d'Alain Juppé.
Alain Juppé a rallié à lui dix médecins, le double de Rousset. Pour mieux contrer Michèle Delaunay, députée, cancérologue, et numéro deux de la liste PS ? «Sûrement pas, répond un colistier de Juppé. Michèle Delaunay n'a pas la même stature, elle a gagné les législatives car les Bordelais étaient à la plage. Le lendemain, ils avaient la gueule de bois.»
Une ville transformée ?
Une façon, sinon, d'effacer ses ordonnances de 1995 ? Là encore, mauvaise pioche, selon un autre colistier UMP, le Dr Nicolas Brugère, ancien président de l'URML (union régionale des médecins libéraux) d'Aquitaine : «En 1995, j'étais dans la rue, mais de l'eau a coulé sous les ponts depuis. Alain Juppé a reconnu ses erreurs. Localement, le corps médical lui est reconnaissant d'avoir transformé la ville, comme tous les Bordelais.»
Qui a bien connu Bordeaux dix ans plus tôt ne peut que saluer le chemin parcouru. La belle endormie a ouvert un oeil, puis deux, sous l'effet conjugué du retour du tramway, du réaménagement des quais et de la réhabilitation de certains quartiers. Les pierres blondes se jouent du soleil qui se reflète dans le miroir d'eau place de la Bourse, devenu une attraction à part entière.
L'ancienne Burdigala, si fière de son reflet dans ce miroir aquatique, ne se lasse pas de se laisser admirer.
Alain Rousset, lui, préfère planter son regard et ses banderilles sur les lacunes de la politique Juppé. Face à un groupe d'hospitaliers réunis dans un café pour lui exposer leurs attentes, le candidat socialiste s'engage : «Si je suis élu, je ne ferai pas de la présidence du conseil d'administration du CHU une présidence potiche, assure Alain Rousset . Je me battrai pour développer les ressources humaines et pourvoir les postes vacants. J'essaierai de créer un rapport de force avec le gouvernement, avec si possible le soutien des autres CHU, pour renforcer les budgets.» A ses côtés, Michèle Delaunay opine du chef. Et cible ses attaques sur les franchises médicales : «Si Alain Juppé était resté numéro deux du gouvernement, il porterait cette politique, il en serait l'artisan.»
Le soir de cette même journée, courant février, c'est au tour d'Alain Juppé de rencontrer les Bordelais. La séance publique se déroule à la halle des Chartrons, sur le thème de l'écologie urbaine. Entouré d'experts, Alain Juppé est à son aise : le sujet lui est familier, et son bilan, en matière environnementale, n'est pas neutre : «En dix ans, on a fait 45km de tramway. On a popularisé l'utilisation du vélo. A tel point d'ailleurs que, samedi, j'ai dit à Isabelle: “Regarde, on se croirait à Pékin” .»
Sur l'estrade, le Pr Josy Reiffers exprime son soutien au maire sortant. Un peu plus tôt, dans son bureau, cet homme nous disait sa confiance, mais aussi ses doutes : «Bordeaux ne peut se passer d'une personne de l'envergure de Juppé. Notre plus grand risque, c'est que la situation nationale n'influence le vote local. Si la gauche passe, c'est que les Bordelais auront voulu sanctionner le gouvernement. » Résultat des courses dans trois jours.
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