D’UN CÔTÉ, le trio des signataires : la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), le Syndicat des médecins libéraux (SML) et, nettement plus en retrait, Alliance. De l’autre, une coalition à quatre que ses adversaires nomment volontiers «front du refus» ou «cartel du non», hostile à la convention signée en février 2005, qui réunit MG-France, la Fédération des médecins de France (FMF), Espace Généraliste et l’Union collégiale des chirurgiens, médecins et spécialistes français (Uccmsf).
Les premiers ont essuyé un revers sérieux aux élections professionnelles du printemps dernier mais sont déterminés à «améliorer» le système en négociant de nouveaux avenants avec l’assurance-maladie (visite à 31 euros, stomatologie, tarifs des médecins de Guyane, formation professionnelle conventionnelle). Les seconds, portés par le vote protestataire qui leur a accordé 60 % des voix généralistes (et une majorité de 54,6 % des suffrages exprimés), font le forcing pour transformer l’essai : ils invoquent une légitimité «issue des urnes» pour imposer aux pouvoirs publics une remise à plat de la convention. S’appuyant sur la loi du 13 août 2004 réformant l’assurance-maladie, les « anti » ont décidé d’exercer systématiquement leur droit d’opposition majoritaire aux textes conventionnels élaborés en leur absence. Ils ont franchi le Rubicon en s’opposant aux avenants n° 14 (visite) et n° 15 (stomatologie) avant que la Cnam ne juge cette opposition irrecevable car hors délai (« le Quotidien » du 30 octobre). En fin de semaine dernière, le ministère de la Santé confirmait la signature de ces textes et leur publication «imminente» au « Journal officiel » .
Imbroglio.
Mais le feuilleton ne va pas s’arrêter : MG-France a déjà annoncé qu’il porterait un recours devant le conseil d’État pour annuler l’analyse juridique de la caisse et en finir avec «ces tours de passe-passe indignes, confinant au déni de démocratie». Surtout, rien n’empêche les syndicats hostiles à la convention de s’opposer aux futurs avenants, cette fois dans les délais requis, ce qui bloquera toute décision conventionnelle – du moins pour les généralistes puisque, selon l’analyse de la caisse, le droit d’opposition s’exerce par collège et que les opposants sont minoritaires chez les spécialistes. Face à cet imbroglio, des voix s’élèvent dans le camp des signataires pour réclamer au gouvernement un «amendement de clarification» dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) que le Sénat s’apprête à examiner.En clair, il s’agit de restreindre l’exercice du droit d’opposition, par exemple en le réservant aux syndicats déclarés officiellement représentatifs ( exit Espace Généraliste et la FMF dans le collège généraliste). «Il faut mettre un terme à la chienlit», résume le Dr Dino Cabrera, président du SML. «Le gouvernement n’a pas d’autre solution», explique-t-on à la Csmf.Selon nos informations, un amendement au Plfss encadrant le droit d’opposition semble la piste privilégiée. Plusieurs parlementaires ont été contactés pour verrouiller la convention et sont sensibles à l’inquiétude des signataires. D’autant que, au ministère de la Santé, le risque de paralysie est pris au sérieux. «L’analyse juridique de la caisse qui a rejeté l’opposition hors délai aux avenants14 et15 se défend, mais elle ne règle rien pour demain, explique-t-on dans l’entourage de Xavier Bertrand. Le risque de blocage reste entier. Ce qui pose problème, c’est le caractère systématique de l’opposition.»
Antijeu.
Inédite, rocambolesque, cette situation exacerbe les antagonismes du monde médical.
Ces dernières semaines, les « pro » et les « anti » ont consacré beaucoup d’énergie à des attaques croisées sous le regard dubitatif des pouvoirs publics. La Csmf a dénoncé «l’antijeu» de syndicats «irresponsables» qui préfèrent «sacrifier l’intérêt des médecins à des intérêts de boutique». Dans un communiqué récent,MG-France n’épargne pas Alliance (sans nommer cette organisation – «un syndicat ayant recueilli 336voix...»), dont la validité de signature pour les spécialistes est reconnue.
Le SML et la FMF-Généraliste se sont livrés à une passe d’armes sur les critères de représentativité. Et le reste à est l’avenant.
Autre conséquence : ce climat de flou juridique ralentit le train conventionnel depuis la rentrée. «On n’avance plus», résume un signataire agacé. D’où un embarras croissant alors que la dynamique de maîtrise médicalisée donne quelques signes de fatigue et que se profile un nouveau round de négociations conventionnelles et tarifaires en fin d’année.
> CYRILLE DUPUIS
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