C'est un texte emblématique qui a été choisi pour ouvrir la session parlementaire, la dernière avant les élections présidentielle et législatives du printemps prochain. Avant d'attaquer les gros morceaux que représentent les lois de Finances et de financement de la Sécurité sociale, l'examen du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé montre que le gouvernement n'a pas pour autant renoncé à la réforme.
Qualifié par le Premier ministre de « projet de société novateur », ce texte de loi qui instaure le principe de l'accès direct du patient à son dossier médical, de l'indemnisation des accidents médicaux sans faute et qui réforme l'élaboration de la politique de santé se veut également symbolique de cette « démocratie sanitaire » qu'il entend instaurer et qui a été le fil rouge de la politique de santé de son gouvernement.
Abstention de l'opposition
Fruit des réflexions conduites dans le cadre des états généraux de la santé qui ont été organisés dans toutes les régions jusqu'au printemps 1999, élaboré au terme d'une concertation qui a duré presque deux ans, attendu avec impatience par les associations de malades, ce projet ne suscite d'ailleurs que peu de critiques majeures chez les représentants des usagers et des professionnels, même si certains le jugent parfois un peu « timoré ». Au point que les parlementaires qui l'examinaient la semaine dernière en commission l'ont peu amendé et que l'opposition s'est contentée de s'abstenir lors de son adoption par la commission des Affaires sociales. Elle a cependant rappelé le contexte dans lequel ce débat intervient : « application des 35 heures dans le secteur hospitalier, pénurie d'effectifs et crise morale des professionnels de santé ».
« Transparence, responsabilité et confiance », a de son côté résumé en trois mots le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner, lors de la présentation du texte en conseil des ministres. Ce projet comprend trois volets. Le premier, consacré à « la démocratie sanitaire » renforce de manière générale le droit des usagers dans le système de santé, la mesure la plus symbolique étant bien entendu l'accès direct du patient aux informations contenues dans son dossier médical. Il réaffirme également les droits de la personne malade : droit au respect de la dignité, principe de non-discrimination élargi notamment aux discriminations en raison du patrimoine génétique, respect de la vie privée et du secret médical, droit de recevoir les soins les plus appropriés et réaffirmation du droit à une prise en charge de la douleur. Ce chapitre s'attache également à associer davantage élus et usagers à l'élaboration de la politique de santé. Il instaure un débat parlementaire annuel au printemps sur les orientations de politique sanitaire sur la base d'un rapport préparé par le gouvernement et soumis à la Conférence nationale de santé dont le rôle et la composition est élargie aux représentants des usagers. Au niveau régional, la création de conseils régionaux de santé qui regroupent plusieurs instances consultatives existantes doit permettre de mieux coordonner la politique de santé à ce niveau et de définir des priorités régionales de santé publique.
Ordre et FMC
Consacré à la qualité du système de santé, le titre II du projet de loi s'attache principalement à la formation médicale continue des médecins dont l'obligation instaurée par les ordonnances Juppé était restée lettre morte, et l'étend à tous les médecins salariés. Il réorganise les instances ordinales des professionnels de santé, consacre l'existence légale des réseaux de soins et donne une plus grand cohérence à la politique de prévention en créant un Institut national de prévention et de promotion de la santé et un Comité technique national de prévention qui rassemblent tous les acteurs agissant dans ce domaine.
Enfin, le troisième volet est consacré à la réparation des risques sanitaires. Le texte s'attache à préciser les règles en matière de responsabilité médicale dont la jurisprudence évolue constamment. Il instaure un dispositif d'indemnisation en cas d'aléa thérapeutique. Dans ce but, un Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes est créé, qui sera alimenté par une contribution de l'assurance-maladie à hauteur de 1,5 à 2 milliards de francs par an. Le ministre délégué à la Santé peut donc se flatter d'avoir mis en place un dispositif qu'aucun gouvernement n'avait jusque-là osé mettre en place, notamment en raison du coût que pouvait représenter l'indemnisation des victimes d'hépatites C dues à des transfusions sanguines. Un régime spécifique a toutefois été prévu pour ces victimes : il renverse la charge de la preuve, c'est-à-dire que ce sera aux établissements de prouver que la transfusion n'est pas à l'origine de la contamination, le doute profitant à la victime. Le régime, selon un parlementaire de l'opposition, « ne permettra pas, cependant, l'indemnisation des 600 000 personnes concernées ».
Les députés veulent créer un Haut Conseil de la santé
Adopté la semaine dernière par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé a été peu modifié dans ses grandes lignes.
Les parlementaires ont toutefois adopté un amendement visant à créer un Haut Conseil de la santé, anticipant par là même une décision annoncée par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou. Ce conseil se substituerait à l'actuel Haut Comité de la santé publique mais disposerait de missions « élargies et renforcées ». Composé de membres de droit et de personnalités qualifiées dans le domaine de la santé publique, il a pour rôle « de contribuer à la définition des objectifs de santé », notamment en participant à l'élaboration du rapport annuel du gouvernement sur la politique de santé. Il pourra « proposer toute recommandation qu'il juge nécessaire en vue d'améliorer les politiques de santé ». C'est le rapport de la mission de concertation sur les soins de ville, rendu public au mois de juillet, qui avait proposé la création d'une telle instance. Celle-ci, comme d'autres mesures visant à réorganiser les soins de ville, doit cependant faire l'objet d'une concertation dans les jours à venir.
Les députés ont par ailleurs décidé de rebaptiser le Conseil national de l'Ordre existant pour trois professions médicales. Ces conseils nationaux s'appelleront désormais « collèges professionnels ». Une dénomination qui, selon Claude Evin, supprimerait la connotation péjorative de l'expression Ordre. La commission, par ailleurs, a adopté un amendement, l'un créant une qualification et un diplôme de gynécologie médicale, et l'autre précisant le caractère gratuit de la consultation du dossier médical par le patient.
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