De janvier à avril prochains, tous les campus de France et les lieux festifs estudiantins seront investis par une caravane de la Mutuelle des étudiants (LMDE) « au service de la prévention routière ».
L'opération, coanimée par la Mutuelle générale de l'équipement et des transports, vise à mettre l'accent sur les « alternatives à la conduite », qu'il s'agisse de « salles de repos » pour conducteurs qui ont passé une soirée agitée dans un lieu public ou de « chauffeurs désignés » restés sobres avant de prendre le volant. La caravane LMDE se donne pour objectifs de former les étudiants aux premiers secours et de créer des « ateliers pour s'entraîner au code de la route ».
Non à la « surpénalisation »
du cannabis
En fait, en annonçant cette campagne, la mutuelle, qui se considère comme « un organisme de prévention », entend dénoncer ce qu'elle appelle « la surpénalisation de la conduite sous l'empire du cannabis », que le Parlement est en voie d'adopter. Tous les parlementaires sont appelés, par un courrier mutualiste, à reconsidérer la proposition de la loi du député UMP du Val-de-Marne Richard Dell'Agnola instaurant un délit de conduite sous l'emprise de stupéfiants (2 ans de prison et 4 500 euros d'amende). En exigeant un test de dépistage qui vise le cannabis, et que la mutuelle qualifie « d'incertain, sinon d'insuffisant », le texte est jugé « incomplet et inapproprié, face aux enjeux de la sécurité routière ». « Plutôt que de dire "le cannabis, c'est interdit, ou alors vous allez en prison" , il serait plus judicieux de développer des actions de prévention comme cela se fait avec l'alcool, puisque le produit est banalisé au sein de la jeunesse », expliquent les mutualistes. Une enquête LMDE montre que 22 % des étudiants sont des fumeurs de joint « au moins occasionnels ».
La mutuelle sait qu'elle n'est pas la seule à avoir des doutes sur le sujet. « Malgré la présomption de dangerosité du cannabis sur le comportement de conduite (d'un véhicule) , de nombreux auteurs n'ont pas réussi à démontrer, par des études épidémiologiques, l'existence d'une corrélation entre usage du cannabis seul et accidents à l'échelle d'une population (synthèse de Bates et Blakely en 1999), souligne Marie-Berthe Biecheler, de l'Institut national de recherches sur les transports et leur sécurité. Les épidémiologistes sont confrontés à plusieurs difficultés : constituer un échantillon témoin, absence de relation synchrone entre la présence du cannabis dans le sang ou dans l'urine, et ses effets sur le comportement, et présence fréquente d'alcool comme facteur de confusion ».
En revanche, note la chercheuse, « le déficit observé sur le contrôle de trajectoire pour la combinaison alcool (0,4 g/l)-THC (100 mg/kg, soit un petit joint) est équivalent au déficit résultant d'une alcoolémie de 0,9 g/l. Pour la combinaison alcool (0,4 g/l)-THC (200 mg/kg), le déficit correspond à une alcoolémiede 1,4 g/l ». Le seuil légal est de 0,5 g/l. En ce qui concerne le coût des dépistages, la spécialiste précise que « si on veut faire autant de contrôles que pour l'alcool, soit plus de 8 millions par an, il faudra multiplier ce chiffre par quatre, car il y a quatre familles de stupéfiants (cannabis, cocaïne, opiacés et amphétamines). Or, comme un dosage revient à 55 euros, on arrive à 2 milliards d'euros, sans compter le temps de travail des forces de l'ordre ».
En outre, relèvent les mutualistes, le texte Dell'Agnola « fait l'impasse sur les médicaments ». Il est admis qu'un automobiliste sous benzodiazépine est aussi dangereux qu'un conducteur ayant 0,5 g d'alcool dans le sang, c'est-à-dire qu'il a un risque d'accident multiplié par deux par rapport à quelqu'un qui n'a pris ni vin ni anxiolytique.
Même si la conduite sous l'emprise de la drogue ne constitue pas encore une infraction spécifique, comme en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie, en Grande-Bretagne ou au Danemark, l'usage de stupéfiants est, pour l'instant, passible d'un an de prison et de 3 811 euros d'amende, et peut être apparenté, lorsqu'on conduit, à une mise en danger délibérée d'autrui. Nombre de procureurs sollicitent une expertise toxicologique en cas d'accident mortel.
* Tél. 01.56.20.85.00.
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