ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
C OCTEAU et Aragon, pourtant ennemis dans le monde des lettres, se sont retrouvés côte à côte pour dialoguer sur le musée de Dresde en 1957. C'était un événement mais l'enjeu expliquait le paradoxe.
Dresde et son musée n'ont cessé de fasciner les amateurs. Déjà, au XIXe siècle, madame de Stael, dans « De l'Allemagne », pouvait noter que « les Allemands en général conçoivent mieux l'art qu'ils le mettent en pratique ». Remarque sévère, car elle semble ignorer la prodigieuse production de la peinture allemande (représentée ici entre autres par Durer et Holbein) mais qui rend justice à la sagacité des collectionneurs que furent les princes de Saxe dont l'histoire est contée par les peintres qu'ils ont protégés.
Formé par plusieurs générations le résultat est étonnant et couvre toute l'Europe, de Rubens, Ténier ou Van Dyck pour les Ecoles du Nord à Le Guerchin, l'Albane, Pagani, Sébastien Ricci pour l'Italie, avec une contribution non négligeable de la France représentée par Poussin, le Lorrain, Watteau.
Mais les rapports de complicité des princes de Saxe avec la France sont à l'origine de tout un travail iconographique servant la famille princière sous le pinceau de Louis de Silvestre, François Guérin, ou Pierre Subleyras qui travaille sur les lieux-mêmes.
Ces princes mécènes pratiquent « le grand tour » qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, consiste à visiter les hauts lieux culturels de l'Europe afin de se former l'esprit et le goût. Modèles du genre, les membres de la famille de Saxe travaillent à l'enrichissement de leur ville afin d'en faire un relais prestigieux au sein de l'Europe, et capable de rivaliser avec les grands centres d'alors dont Prague, Vienne ou Paris. Il en résulte une succession de palais qui donnent tout son charme et son élégance à la ville.
C'est en s'attachant à peindre cette naissance d'une cité idyllique que le vedutiste Bernado Bellotto a laissé une série d'uvres d'un grand intérêt documentaire mais d'une charge poétique étrange. Minutieux dans le rendu des détails d'architecture, donnant vie à des ensembles monumentaux, il va plus loin en leur insufflant une majesté que vient troubler le caractère dramatique d'une force supérieure finement suggérée. Jean Sébastien Bach, venu de Leipzig, y fut sensible et sa musique d'alors, interprétée dans les lieux, y prit un relief saisissant. Décor aussi les paysages de Johann Alexandrer Thiele, mais qu'à bien scruter on découvre plus mystérieux qu'ils apparaissent en un premier temps.
Bellotto et Thiele, sont tous les deux les révélations de cette séduisante exposition qui trace une page de l'histoire culturelle de l'Europe en son centre géographique, au carrefour de toutes les voies de passage. Au cur de cette ville de magnificence (parfois un véritable décor de théâtre), et au Zwinger en particulier, on se croirait, si l'on suit un auteur de l'époque, dans un « jardin des Hespérides ». Un espace où se nichent les rêves de perfection de l'homme nourri d'humanisme.
Dijon, jusqu'au 1er octobre.
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