De notre correspondante
à New York
Selon le Dr Philippe Leboulch (Harvard MIT et Genetix Pharmaceuticals à Cambridge, Massachusetts, ainsi que INSERM, hôpital Saint-Louis), qui a dirigé l'équipe internationale, il reste encore quelques obstacles à surmonter avant de pouvoir évaluer cette thérapie génique chez l'homme, mais la méthode « confirme clairement que ces types de vecteurs fondés sur les lentivirus sont extrêmement efficaces avec une expression stable ».
La drépanocytose est une maladie autosomique récessive particulièrement fréquente chez les personnes d'origine africaine, méditerranéenne, indienne et du Moyen-Orient. Un Afro-Américain sur treize a le trait drépanocytaire. La maladie est causée par une mutation ponctuelle sur la chaîne de globine bêta (6 Glu --> Val).
Hémoglobine S
Lorsque les individus héritent la mutation des deux parents (homozygotes), ils fabriquent une hémoglobine anormale dite S qui se polymérise dans les globules rouges à la moindre désoxygénation. Cela donne des globules rouges rigides, déformés et adhérents, et provoque une anémie, des obstructions des petits vaisseaux et des infarctus atteignant quasiment tous les organes.
L'hydroxyurée interfère avec l'érythropoïèse en augmentant la production de chaînes gamma, un inhibiteur puissant de la polymérisation de l'hémoglobine S (HbS). L'hémoglobine ftale ainsi formée interfère avec le processus de falciformation et diminue l'incidence des crises.
Le traitement de la drépanocytose par la thérapie génique s'est révélé difficile, à la différence du succès rencontré dans les maladies par déficits enzymatiques. Dans la drépanocytose, les signes cliniques sont liés au fonctionnement d'un gène anormal ; le fait d'incorporer un gène normal à la cellule souche hématopoïétique n'empêche pas la formation d'hémoglobine drépanocytaire. Pour que cette mesure soit efficace, il est indispensable que le gène transduit soit exprimé dans la plupart des globules rouges, à un niveau élevé et de façon prolongée.
« Il a été difficile de transduire un gène anti-falciformation dans les cellules de la moelle osseuse en raison de sa grande taille ; de plus, son expression était très basse et souvent inhibée après son introduction dans les cellules souches de la MO », explique le Dr Philippe Leboulch dans un communiqué.
Un variant du gène de la globine bêta A
Pawliuk, Leboulch et coll. ont exploité des découvertes récentes dans leurs laboratoires et ailleurs pour optimiser le gène thérapeutique ainsi que le vecteur de délivrance. Tout d'abord, les chercheurs ont construit un variant du gène de la globine bêta A qui est muté au codon 17 pour coder l'acide-amine supposé responsable de l'activité anti-falciformation de la chaîne gamma. Cette globine bêta A modifiée (globine bêta A-T87Q), ont vérifié les chercheurs, inhibe la polymérisation de l'HbS presque aussi bien que la globine gamma.
Ils ont aussi optimisé un vecteur lentiviral en incorporant un fragment d'ADN du VIH-1 qui facilite le transfert dans les cellules souches hématopoïétiques, ainsi que des éléments LCR (Locus Control Region) spécifiques qui ordonnent une expression élevée du gène dans les globules rouges adultes.
Porteur du gène humain de la globine bêta A modifiée, le vecteur lentiviral a été injecté chez des souris soumises à une irradiation myéloablative. Dix mois après la transplantation, toutes les souris expriment le nouveau gène dans jusqu'à 99 % de leurs globules rouges circulants et 52 % de l'hémoglobine totale.
Les investigateurs ont recherché l'efficacité de cette thérapie génique dans deux modèles différents de drépanocytose chez la souris transgénique : Berkeley et SAD. Les moelles osseuses affectées ont été transduites avec le vecteur thérapeutique puis transplantées chez des souris irradiées.
L'élimination des globules rouges falciformes
La thérapie génique a entraîné une réduction d'un facteur 8 des globules rouges falciformes dans un modèle et une élimination totale des globules rouges falciformes dans l'autre modèle. D'autres manifestations ont aussi été corrigées, comme la splénomégalie et une anomalie de concentration urinaire.
Avant de pouvoir proposer cette thérapie génique aux patients atteints de drépanocytose, déclarent les chercheurs, deux objectifs souhaitables doivent être atteints : produire sur une grande échelle le lentivirus incapable de réplication, et reconstruire la moelle avec des cellules souches transduites en l'absence de régime myéloablatif toxique.
« Science » du 14 décembre 2001, p. 2 368.
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