LE QUOTIDIEN - Comment jugez-vous l'accueil réservé aux propositions du « G7 » ?
Dr DINORINO CABRERA - Il est encore trop tôt pour juger de l'accueil réservé par les médecins à nos propositions. Les réactions en provenance de certains de nos opposants, notamment proches du gouvernement, ne nous ont pas étonnés. Ils n'allaient pas accueillir favorablement un projet qui comporte un changement radical de la politique conduite aujourd'hui. Je regrette seulement certaines réactions un peu rapides, probablement faites avant même d'avoir pris connaissance entièrement du texte. Notre projet se veut ouvert à la discussion et tout le monde peut y contribuer s'il le souhaite.
Les principaux reproches faits portent sur le corporatisme de vos propositions et leur caractère « hasardeux » en termes de maîtrise des dépenses. Que répondez-vous sur ce point ?
Je réponds que le pari qui a été fait sur le médecin référent a coûté 18 milliards de francs, que le dispositif n'a jamais été évalué et qu'il se révèle être un bide. Quant à la maîtrise comptable mise en place par le gouvernement, le résultat est que l'objectif des dépenses a été dépassé de 17 milliards de francs. Nous ne faisons pas un pari, nous faisons un choix. C'est-à-dire la mise en place de mesures structurantes en faveur de la qualité des soins. Mais, on ne peut pas demander aux médecins de s'impliquer vraiment dans ce dispositif de qualité au tarif actuel de la consultation. On a donc souhaité une redéfinition de la valeur de l'acte, qui n'est pas exorbitante. Surtout qu'elle devrait conduire à une baisse du volume des actes. Par ailleurs, les études de la CNAM ont montré que plus un médecin fait d'actes, plus le coût de la prescription par acte est élevé. Ce devrait être, à terme, une source d'économies supplémentaire, ce qui n'empêche pas de répondre plus humainement aux attentes des patients.
Le secteur II n'est plus d'actualité
Comment le SML, qui est un ardent défenseur du secteur II, a-t-il pu accepter sa disparition progressive ?
Nous avons toujours dit que ce que nous souhaitions, c'est une rémunération à sa juste valeur de l'acte médical. A partir du moment où ce n'était pas le cas dans le cadre des tarifs opposables, nous avons défendu le principe de la liberté des honoraires. Mais, s'il y a une reconnaissance de la valeur de notre acte avec un système d'indexation, le secteur II devient beaucoup moins nécessaire. Il faut dire que, de toutes façons, le secteur II n'est plus d'actualité depuis 1990. Il n'est accessible qu'aux spécialistes ayant certains titres et plus du tout aux généralistes. Ce n'était pas acceptable. Je souligne par ailleurs que nous avons fait en sorte que les patients soient également mieux remboursés. Le président de la CNAM nous avait dit un jour que, quand les patients étaient mieux remboursés, cela faisait des économies car ils accédaient plus tôt au système de soins. Nous en avons tenu compte.
Certains voient dans votre alliance avec les confédérations de salariés une tentative de déstabilisation de la CFDT, qui préside la CNAM, au moment où les conseils d'administration des caisses doivent être renouvelés. Qu'en pensez-vous ?
C'est vrai que nous proposons ce projet commun, au moment du renouvellement des conseils d'administration. Nous utiliserons cette échéance, comme toute échéance électorale, comme moyen de pression, mais la finalité du projet n'est pas de voir partir la CFDT de la présidence de la CNAM. Il ne s'agit en aucun cas d'une tentative de putsch. Si Jean-Marie Spaeth accepte nos propositions, il aura pour lui l'unanimité des organisations de salariés.
Il n'est pas question de l'obliger à se déjuger mais de reconnaître que la solution actuelle n'est pas la bonne et qu'il faut en changer. Je crois qu'il faut par moment avoir le courage et l'intelligence de reconsidérer sa position initiale.
La CFDT mène, de son côté, une réflexion avec une dizaine d'organisations de professionnels de santé dont MG-France. Est-il bon que s'applique une logique de clan contre clan alors même que vous semblez tous d'accord sur le fond ?
Ce n'est pas bon, mais c'était indispensable. On a essayé à de nombreuses reprises d'ouvrir des négociations avec la CNAM. Malheureusement, ce n'était pas possible. Jean-Marie Spaeth nous disait : c'est la loi et nous devons l'appliquer et nous, nous refusions de discuter dans le cadre de cette loi. Le dialogue était impossible. On a donc ouvert des discussions avec d'autres, en dehors de la CNAM. Nous y avons invité à plusieurs reprises la CFDT et le patronat, mais ils n'ont pas voulu venir. La seule chose que fait Jean-Marie Spaeth aujourd'hui, c'est nous inviter à discuter de l'objectif de dépenses de 2001. Cela ne sert à rien. D'ailleurs, nous n'y sommes pas allés. Nos propositions sont désormais publiques, qu'ils rendent les leurs publiques et nous verrons. Ceux qui discutent avec la CFDT, ce sont ceux qui ont signé des conventions qui ont échoué et je ne suis pas sûr qu'ils veuillent aujourd'hui changer de logique.
Des données simples
Vos propositions seraient en quelque sorte à prendre ou à laisser.
Non, nous avons dit qu'il s'agissait avant tout d'une contribution et qu'elle était ouverte à la discussion et pouvait être élargie aux autres professions de santé. Mais c'est vrai que c'est un tout. Il n'est pas question pour nous d'abandonner le secteur II, si la consultation n'est pas revalorisée, de s'engager à respecter des contraintes de formation de qualité ou de télétransmettre pour 115 F. Donc, ou la CNAM accepte d'ouvrir des négociations dès maintenant sur cette base, ou le gouvernement ne lui en donne pas les moyens et nous devrons profiter des échéances électorales de 2002 pour placer le débat sur la scène politique. Et là, les données sont simples : si Jospin ne retient pas maintenant nos propositions, il y a peu de chances qu'il le fasse quand il sera président, et si la droite fait sien notre projet, nous lui demanderons des garanties en lui faisant déposer une proposition de loi dans ce sens dès la discussion du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
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