Le Dr Antoine C., 66 ans, marié et père de deux enfants, est un médecin généraliste d’origine Française vivant à Honolulu, Hawaï, où il exerce depuis 1997. En 2002, au décours d’une plainte portée devant la justice par deux patientes, le praticien est diagnostiqué comme souffrant d’addiction sexuelle. Sa licence est suspendue, mais uniquement de façon temporaire s’il s’engage à suivre un traitement.
« Ma faute n’était pas très grave, si elle l’avait été, ma licence aurait été révoquée, évidemment. Peut être qu’en France ça se serait passé plus facilement, mais j’avais aussi un problème d’alcool… donc le Board --equivalent du conseil de l’ordre -- a estimé qu’il fallait que je me fasse suivre », explique-t-il.
Le « Committee for physician health » – instance plus informelle présente dans chaque État Américain, et composée de médecins volontaires, très souvent eux même anciens addicts – décide du protocole à suivre.
Le Dr C. est tout d’abord envoyé à Atlanta, de l’autre coté du continent, pour suivre un traitement ambulatoire d’un mois, avec un spécialiste renommé dans la prise en charge de l’addiction sexuelle chez les professionnels de la santé. Au programme : thérapie individuelle, thérapie collective, restructuration cognitive… Dr C. souligne n’avoir jamais été soigné par traitement médicamenteux.
Autre clause du contrat : le médecin s’engage à suivre les 12 étapes de rétablissement des « Sex and love addicts anonymous » (SLAA), association calquée sur le modèle des Alcooliques anonymes (AA) – vers lesquels le médecin est également dirigé. Il s’agit de participer à 90 séances sur 90 jours, puis à des rendez-vous plus espacés, à raison de 1, 2 ou 3 par semaine sur plusieurs années. « J’avoue que je n’étais pas un très bon élève... Je sortais de la réunion et je rejoignais rapidement une "girlfriend" dans une chambre d’hôtel. Ce n’était plus des patientes, donc il n’y avait plus d’interdit ! » raconte le Dr C., pour qui le coup de grâce tombe en 2007. « Ce qui m’a vraiment fait arrêter c’est quand ma femme a découvert mon stratagème. Si je n’avais pas été pris, j’aurais continué. »
Aujourd’hui, ce père de famille se dit en rémission : « Comme vous le savez, un dépendant ne dit jamais "je suis guéri", le principe c’est de tenir un jour à la fois. Même, en parler maintenant, j’avoue que ça me plaît un peu... Ça me rappelle le bon vieux temps. Comme l’ancien alcoolique aime parler du whisky », avoue-t-il. Le Dr C. continue à exercer, mais il est obligatoirement chaperonné par une accompagnatrice, qui supervise toutes les consultations avec ses patientes. « Cela fait partie de l’accord. C’est destiné à protéger le patient contre des agressions de la part du médecin, et le médecin contre un patient procédurier. C’est une pratique de plus en plus répandue, même chez les "normies" (c’est ainsi qu’on appelle les non-addicts) », explique le Dr C., qui juge que cela rend la consultation… « plus agréable et plus décontractée ».
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