Décision Santé. Cela n’est pas écrit dans le Livre blanc, mais peut-on parler toutefois de retard français en matière de radiothérapie ?
Dr Bruno Chauvet. C’est exact. On observe un retard en équipement dans un grand nombre de centres en France. Alors qu'au début des années quatre-vingt-dix, nous étions placés dans le peloton de tête des pays européens, nous sommes aujourd’hui classés dans les pays les moins performants. Il faut toutefois noter une très grande disparité d’un centre à l’autre.
D. S. Est-ce le modèle français qui est ici en cause avec un grand nombre de centres dispersés sur l’ensemble du territoire, mais trop petit pour réaliser les investissements nécessaires ?
Dr B. C. C’est un des éléments, mais ce n’est pas le seul. L’innovation dans notre spécialité a totalement bouleversé le modèle économique. Les plateaux techniques sont désormais très coûteux. Le prix d’un accélérateur de particules a augmenté en moyenne de plus de 10 % par an depuis dix ans. Dans le même temps, les besoins en personnels se sont renforcés pour utiliser ces techniques. D’où un accroissement des coûts à activité constante. Comme la tarification n’a pas suivi cette progression, il s’est creusé un fossé qui est d’autant plus un frein à l’investissement que le centre est de petite taille et doté d’une ou de deux machines. Ils ne sont pas pour autant condamnés. Il faut plutôt s’interroger sur leur utilité. La France est un pays étendu avec une population peu dense. Si l’on concentre l’activité sur quelques centres comme cela peut s’observer à l’étranger, les patients auront alors à effectuer de longs trajets. Or une prise en charge en radiothérapie exige de nombreuses séances. Dès qu’un centre exige plus d’une heure de trajet, il y a là une perte de chance pour de nombreux patients qui n’iront plus se faire traiter. Le maintien d'un réseau de proximité à la fois force et faiblesse du système français est aussi un objectif de santé publique. Dans les grandes agglomérations, la fermeture de petits centres peut être envisagée. En revanche, dans les zones à faible population, il y a là un vrai service au bénéfice des populations qui doit être accompagné par un financement spécifique. Il faut donc procéder à une analyse fine au cas par cas.
D. S. On est surpris par la faible performance des services de radiothérapie des CHU…
Dr B. C. Le retard évoqué en début d'entretien est assez bien partagé, quel que soit le statut des structures. Les centres de lutte contre le cancer seraient peut-être un peu mieux équipés mais là aussi avec des exceptions. Les centres hospitaliers publics ne sont pas très bien dotés en règle générale. Comment expliquer cette situation? Cela tient à un problème de financement de la spécialité, mais aussi du système de financement des hôpitaux publics. Un grand nombre d’entre eux sont confrontés à des déficits. Lorsqu’un effort financier est consenti pour revaloriser la radiothérapie, les recettes nouvelles n’iront pas toujours financer les investissements nécessaires. La faute à la fongibilité des enveloppes...
D. S. Quelles sont vos propositions?
Dr B. C. Nous appelons à une révision complète du système de financement de la radiothérapie. Outre l’augmentation de l’enveloppe réservée à la radiothérapie, le mode de financement doit être simplifié afin d’arriver à un seul système de tarification entre le public et le libéral. Les augmentations de tarifs dans les établissements pluridisciplinaires doivent bien être attribuées in fine aux services de radiothérapie. Une revalorisation pour les discussions est en cours avec le ministère.
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