LES INDICATIONS et les conditions de mise en oeuvre du diagnostic prénatal (DPN) et du diagnostic préimplantatoire (DPI) sont étroitement encadrées en France par les dispositions résultant des lois de bioéthique. Pourtant, la question du bien-fondé de certaines de leurs indications soulève régulièrement des débats, en particulier lorsqu'elles concernent des personnes atteintes d'une forme héréditaire de cancers et soucieuses d'épargner à leur enfant la malchance d'hériter d'une maladie qui affecte leur famille. La controverse s'est en particulier focalisé sur les formes héréditaires de cancers du sein et de l'ovaire (BRCA1, BRCA2) et les formes héréditaires de cancers du côlon (HNPCC, Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer, ou syndrome de Lynch), deux maladies pour lesquelles les solutions thérapeutiques, quoique radicales, existent et sont efficaces et où le risque tumoral semble moins élevé, mais surtout plus tardif.
A contrario, si le recours à ces techniques devait s'étendre, le dispositif actuel pourrait atteindre rapidement ses limites. Trois centres seulement réalisent aujourd'hui des DPI (Montpellier, Paris-Clamart, Strasbourg). C'est dans ce cadre que l'Agence de la biomédecine et l'Institut national du cancer ont chargé le Dr Dominique Stoppa-Lyonnet d'une mission d'évaluation en octobre 2006.
Après plus d'un an de travail, le groupe multidisciplinaire de 20 personnes coordonné par le Dr Stoppa-Lyonnet vient de rendre son rapport, dont les conclusions devraient nourrir les débats sur le sujet lors des états généraux de la bioéthique, en 2009.
Une soixantaine de gènes.
Avant toute chose, le groupe précise que le rapport «ne concerne pas les simples susceptibilité aux cancers». Seules sont en cause les formes héréditaires qui obéissent à un mode de transmission dominant : dans la majorité des cas, l'un des deux membres du couple est porteur et a été atteint d'un cancer ou est à risque de l'être ; le risque de transmission à chacun des enfants est de 50 %.
Depuis l'identification en 1986 du gène de prédisposition au rétinoblastome, près d'une soixantaine de gènes ont été impliqués dans une quarantaine de prédispositions génétiques aux cancers et font aujourd'hui l'objet de diagnostics génétiques. Parmi elles, certaines confèrent un risque majeur, proche de 100 %, de développer un cancer grave dans l'enfance ou chez l'adulte jeune ; d'autres confèrent un risque relativement modéré de développer un cancer de bon pronostic si le diagnostic est très précoce ; d'autres encore sont associées à un risque élevé de cancers fréquents survenant chez l'adulte jeune, mais dont le pronostic est en général favorable après un diagnostic précoce (gène BRCA1 pour les cancers du sein et de l'ovaire).
Pas de liste de maladies.
Les formes dont la gravité et l'incurabilité sont attestées par les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) peuvent faire l'objet d'un DPN ou de DPI. La pratique existe en France : une vingtaine (22) de DPN par an pour les formes héréditaires de cancers et une trentaine pour des maladies dont le risque tumoral est associé. Le premier dossier de demande de DPI, motivé par le risque de transmission d'un cancer, a été ouvert en 2000 pour un couple dont l'un des membres était atteint de polypose adénomateuse familiale (PAF). Entre janvier 2000 et juin 2007, 22 DPI ont été réalisés et ont conduit à la naissance de 6 enfants indemnes. Sur deux ans (2005 et 2006), 24 attestations en vue de la réalisation d'un DPI ont été données par des CPDPN. «La réalisation de ces examens est apparue être en adéquation avec les dispositions légales et réglementaires actuelles», souligne le rapport.
Le législateur n'a pas établi de liste de maladies pour lesquelles une demande de DPN et d'IMG (interruption médicale de grossesse) ou de DPI est recevable, mais laisse les CPDPN juger de la gravité et de l'incurabilité de chaque situation. Il n'y a, par conséquent, aucune liste de maladies pour lesquelles la demande ne serait pas recevable. Une attitude «prudente» qui permet, selon le rapport, à la fois de lutter contre une dérive eugénique et de prendre en compte la gravité de chaque situation familiale. Une modification des dispositions législatives ne semble pas nécessaire, mais le groupe souhaite qu'une classification soit établie pour guider la décision des CPDPN. Les cancers des groupes 1 et 2 donneraient lieu à des attestations de gravité et d'incurabilité autorisant les DPI ou DPN (formes héréditaires de cancers de l'enfant ou de l'adulte jeune dont les possibilités de prise en charge sont limitées ou invalidantes). Le groupe 3 correspond à des formes à révélation tardive (après 30-40 ans) et/ou à des risques plus faibles et pour lesquels une prise en charge thérapeutique ou préventive est possible. L'attestation de «gravité et d'incurabilité» ne pourrait leur être délivrée. Toutefois, le rapport recommande que soit considérée aussi «l'histoire médicale individuelle et familiale du couple demandeur». Une forme de cancer du sein (BRCA1) pourrait relever du groupe 2 parce que, dans l'histoire familiale, par exemple, l'âge moyen au diagnostic est plus jeune et le taux de survie à cinq ans est plus faible. De même, une veille sur les progrès de la prise en charge des formes héréditaires de cancers devrait permettre de réévaluer régulièrement la gravité et la curabilité des cancers.
Eviter la « pente glissante ».
Quant au choix entre DPN et DPI, le rapport rappelle le caractère «exceptionnel» du DPI, qui n'est autorisé que si l'anomalie recherchée a été identifiée préalablement et précisément chez les parents ou l'un des parents et, depuis 2004, chez l'un des ascendants pour certaines anomalies. Mais il souligne que la discussion juridique et éthique n'a pas conduit à privilégier une technique plutôt qu'une autre. Le caractère exceptionnel voulu par le législateur pour éviter «la pente glissante» de l'eugénisme ne doit pas être, selon le rapport, «pris en compte pour un couple et une maladie déterminée. Dès lors que les conditions légales du DPN et du DPI sont remplies et que les deux techniques sont médicalement réalisables, il semble que la loi permette à ce couple d'accéder à l'une ou à l'autre, en concertation avec les équipes médicales et après une information appropriée sur leurs enjeux et leurs conséquences.» En résumé, «lorsque ce choix est possible,c'est au seul couple de décider, après une information appropriée et avec l'aide d'un accompagnement adapté».
Le rapport est disponible sur les sites www.e-cancer.fr et www.agence-biomedecine.fr.
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