LE CLASSEMENT DES 32 centres hospitaliers universitaires français selon leur production scientifique publié cet été dans les colonnes des « Échos », n'est pas passé inaperçu. En des termes peu amènes, son auteur, Philippe Even, dénonce en effet les «faillites et les carences de la recherche médicale universitaire».«À bout de souffle», selon le directeur de l'institut Necker, les CHU, leur nombre, leurs missions et leurs moyens devraient être entièrement revus. Dans ce rapport réalisé à la demande de l'Élysée, l'ancien doyen de médecine de Paris-V passe à la moulinette les CHU dont «des pans entiers sont à la dérive car ils n'ont pas l'ambition de développer une recherche de qualité sur leur site». Preuve selon lui de leur désengagement dans la recherche : le nombre et la qualité des publications scientifiques. L'enquête réalisée à partir de 40 000 publications dans plus de 2 000 journaux scientifiques entre 2000 et 2006 par l'institut Necker montre une «extraordinaire disparité d'un CHU à un autre». «Paris produit 50% des articles, 57% de ceux qui paraissent dans les 100meilleurs journaux et 73% de ceux qui publient les dix meilleurs». Des performances qui, selon les indicateurs, sont doubles, triples ou quadruples de celles de la province. Pour Philippe Even, ces résultats démontrent surtout que la «concentration est un facteur majeur du succès» après la «dispersion des forces au détriment de Paris et des grandes villes». «De plus petits centres n'ont plus aucun sens aujourd'hui, estime le directeur de l'institut Necker. Nous n'avons ni les moyens financiers ni les ressources humaines qualifiées pour développer de grands centres de recherche dans plus de dix grandes villes. La recherche n'a rien à faire à Amiens, Caen, Brest, Besançon, Saint-Étienne, Poitiers, Reims ou Limoges.» À l'origine de cette situation, Philippe Even déplore la «médiocre formation scientifique des médecins, bien plus mauvaise qu'il y a trente ans». L'ancien doyen dénonce la sélection des universitaires dont les postes sont «hyperfléchés» et s'en prend au Conseil national des universités (CNU), «frein aux politiques d'ouverture» et aux recrutements de candidats haut de gamme venus de l'étranger.
Un rapport « à charge » selon les doyens.
Ce verdict et les sévères commentaires qui y sont associés font bondir la communauté médicale. La conférence des directeurs généraux de CHU récuse avoir abandonné la recherche. Les directeurs soulignent «la part essentielle prise par les institutions qu'ils dirigent dans la recherche clinique et la production scientifique». Ils indiquent que l'ensemble des CHU concourent à hauteur de 56 % à la production scientifique médicale française et de 39 % de celle en biologie fondamentale (1). Pour le président de la conférence des doyens, le Pr Christian Thuillez, les conclusions du rapport ne nécessitaient pas des propos aussi «assassins et violents». «Necker est le premier établissement en recherche, c'est vrai, souligne-t-il, mais le classement peut s'établir en regardant la part d'enseignants et de chercheurs dans chaque CHU. Il y a un parallélisme évident entre le nombre de chercheurs et le classement de ces CHU.»
Le doyen de Rouen reconnaît toutefois que le déficit de recherche amène certains CHU à engager une réflexion sur le nécessaire rassemblement des facultés dans le domaine de la recherche et sur leur «complémentarité interrégionale». Mais nul besoin selon l'universitaire de fermer des CHU. Le Pr Alain Branchereau, président de la conférence des sections médicales du Conseil national des universités (CNU), abonde en ce sens. «Il est intolérable d'évoquer la suppression de CHU, s'écrit-il . Certains sont peut-être moins bons en recherche, mais ils font aussi bien leur travail d'enseignement que les facultés parisiennes. Il serait bon de stimuler ces petits CHU et de songer à les regrouper en pôles universitaires et de recherche à l'instar de ce qui se fait déjà dans certaines disciplines.» Quant à l'accusation faite aux chercheurs des CHU de ne pas publier assez, le Pr Branchereau concède que c'est une «vérité» dont les facultés françaises se soucient depuis des années. «Il est nécessaire de stimuler davantage la recherche et de récompenser les publications», explique-t-il.
Le dernier classement international de Shanghai sur les centres de recherche a une nouvelle fois rappelé le retard de la France dans le domaine de la recherche. Seules trois universités françaises y figurent dans le top 100 : Paris-VI (Pierre-et-Marie-Curie) en 42e position, Paris-XI, 49e et Normale sup, 73e.
(1) Selon une étude de l'Observatoire des sciences et techniques de 2005.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature