L'OCCASION ETAIT beaucoup trop belle. Prenant prétexte d'une visite éclair dans une caisse primaire du 16e arrondissement parisien, Philippe Douste-Blazy a habilement orchestré la présentation des derniers résultats encourageants des dépenses d'assurance-maladie, à la fin de septembre - pour le quatrième mois consécutif, leur progression a ralenti (voir encadré). Pour marquer le coup, le ministre de la Santé était accompagné par son secrétaire d'Etat à l'Assurance-Maladie, Xavier Bertrand, mais également par le nouvel homme fort de l'assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem.
Tour à tour, les trois hommes ont martelé le même message, chiffres à l'appui : oui, les comportements des Français, usagers et prescripteurs, commencent à changer et oui, la régulation médicalisée des dépenses dans un climat de confiance restaurée peut porter ses fruits. « La réforme n'est pas encore totalement en place mais nous avons déjà beaucoup parlé aux Français, aux usagers, aux professionnels, analyse le ministre de la Santé. La maîtrise médicalisée peut réussir avec la pédagogie, la confiance. »
Embellie.
Les chiffres de l'assurance-maladie traduisent effectivement une embellie sur plusieurs postes sensibles permettant , selon le ministre, d'envisager « très probablement » une évolution des dépenses d'assurance-maladie limitée à 4,5 % en 2004 (après un Ondam réalisé de + 7,2 % en 2002 et + 6,2 % en 2003).
Si cette prévision se confirmait à la fin de décembre (une double épidémie de grippe peut changer la donne), ce serait une heureuse surprise pour le gouvernement : dans son rapport de septembre, la commission des comptes de la Sécurité sociale prévoyait encore un taux d'évolution des dépenses dans le champ de l'Ondam de 5,2 % cette année.
Dans le détail (voir tableau), la progression des soins de ville serait limitée à 4,9 % en 2004 après trois années d'évolution supérieure à 7 %. Les indemnités journalières enregistreraient même une baisse de près de 1 % cette année après des courbes « quasi exponentielles » au cours des trois derniers exercices (+ 8,7 % en 2001, +10,9% en 2002, +6,7 % en 2003).
« Les dépenses d'arrêts maladie diminuent pour la première fois depuis quinze ans », se félicite Philippe Douste-Blazy, tout en reconnaissant qu'il n'y est pas pour grand chose. « Cela s'est passé avant que j'arrive. » Les dépenses d'honoraires médicaux sont un autre motif de satisfaction, ou du moins d'optimisme. Toujours selon les statistiques de l'assurance-maladie, la hausse de ce poste sur les neuf premiers mois de l'année serait limitée à 2,5 %, un rythme presque trois fois moindre qu'en 2002 et 2003 (+ 7 %). « Il faut remonter à très longtemps pour constater un tel ralentissement », commente encore Philippe Douste-Blazy. Enfin, même si le poste global des prescriptions continue de croître à un rythme élevé (+ 7 % en tendance annuelle), des signes « encourageants » sont observés sur les génériques (désormais plus de 12 % du volume des ventes en pharmacie) et sur les antibiotiques, dont la consommation a baissé de 16 % depuis 2002, permettant d'éviter 6,4 millions de traitements inappropriés (« le Quotidien » du 20 octobre).
Adhésion ou effet psychologique ?
Tout le paradoxe de la présentation médiatisée de ces « bons chiffres » tient dans le calendrier. Le ministre de la Santé peut difficilement évoquer l'impact de « sa » réforme puisque les principales mesures adoptées cet été (médecin traitant, parcours de soins, protocoles, contrôle de prescriptions en tout genre) ne sont pas encore appliquées sur le terrain. « Il y a un effet psychologique indiscutable », constate Philippe Douste-Blazy. Reste donc à confirmer la tendance, ce qui sera beaucoup plus difficile. Xavier Bertrand, qui multiplie les déplacements pour faire la pédagogie de la réforme, est convaincu que « ce n'est pas la dernière bonne nouvelle ». « On sent qu'il y a une adhésion des Français et un soutien des professionnels. » Frédéric van Roekeghem, directeur de la Cnam qui a entamé cette semaine des discussions bilatérales avec les syndicats médicaux, en préparation des prochaines négociations conventionnelles, est sur la même ligne. « Les comportements sont en train de changer, assure-t-il. Mais pour réussir, il faudra trois conditions : la conjonction des efforts de tous les acteurs ; la définition d'objectifs quantifiés, et non pas comptables ; et le suivi régulier de ces objectifs. »
Donnant-donnant.
L'issue des négociations conventionnelles sera, de l'avis général, une des clés de l'implication des professionnels, et donc du succès de la réforme. Face au risque de surenchère, Philippe Douste-Blazy a tenté de déminer le terrain. « Il y avait un problème de confiance entre les professionnels et l'assurance-maladie. Certains n'ont pas de contrat depuis dix ans. Une convention sera signée avant la fin de l'année : si on arrive à éviter la multiplication des actes, les revalorisations ne me dérangent pas. Mais il faudra que les volumes baissent. »
Parce que la Sécu est « notre patrimoine le plus précieux », Philippe Douste-Blazy, ne crie pas victoire. Ni même « bravo » ou « Eureka ». Mais alors que Bercy avait mis en doute la crédibilité économique du plan Douste, voire d'un discours volontariste, ces chiffres sont déjà une petite revanche pour le ministre de la Santé. Et personne ne le forcera à bouder son plaisir.
Evolution des soins de ville 2001-2004 |
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