CES ONZE MILLIARDS D'EUROS de déficit en 2003 ne sont pas une surprise. M. Douste-Blazy les commente en disant : c'est bien pour cette raison que nous avons fait la réforme. Mais la confirmation par la Cour des comptes du passif cumulé de la Sécurité sociale est arrivée comme une douche froide. Philippe Seguin, récemment intronisé par le chef de l'Etat à la tête de la Cour, a tenu des propos sévères pour les soignants et les soignés. Il a salué les contraintes, notamment sur les indemnités journalières, contenues dans la réforme. Il n'a pas caché non plus que la Cour, l'an prochain, rendrait un rapport sur les « comportements » des acteurs du système.
IL FAUT DECONNECTER LE REMBOURSEMENT DU PRIX DE LA SANTÉ
Langueur automnale.
M. Seguin sait de quoi il parle : il a été ministre des Affaires sociales entre 1986 et 1988 et déjà, il luttait contre le déficit de l'assurance-maladie. Tout se passe comme si, au sein de la majorité, une sorte de langueur automnale envahissait les cœurs après l'euphorie réformiste de l'été. Si la gauche seule tirait à boulets rouges contre la réforme, on ne s'en inquièterait pas trop. Mais le doute semble s'être installé chez quelques rationalistes de la majorité qui ne croient pas que les nouvelles dispositions suffiront à rétablir l'équilibre de l'assurance-maladie. Même M. Douste-Blazy semble être contaminé : ne déclare-t-il pas à « France-Soir » que si la réforme échoue, il faudra demander aux Français de contribuer davantage au financement de la santé, « en fonction de leurs revenus » ?
C'est une façon de dire qu'on augmentera les prélèvements obligatoires, ce que beaucoup suggéraient au début de l'année et que le ministre a d'ailleurs fait partiellement en augmentant légèrement la CSG des retraités, celle des salariés et une cotisation des entreprises. Mais 11 milliards pour un an d'assurance-maladie, 35 milliards de déficit cumulé à financer jusqu'en 2024 et probablement encore au-delà : est-ce qu'on n'est pas en train de parler d'au moins un point de CSG pour tous ? Le ministre explique que, si on veut garder le système en l'état, si on veut qu'il demeure universel, avec l'accès de tous à des soins d'égale qualité, il faudra accroître la contribution des Français.
Pour des raisons politiques, le gouvernement reste donc arc-bouté sur cette conception sociale - chère aux Français - du système de santé. On admettra sans difficulté que les autres sytèmes n'ont pas fait la preuve de leur efficacité et qu'imiter un autre pays nous procurera certains avantages mais aussi beaucoup d'inconvénients. Personne ne peut nier cependant que la santé, en France, a un bel avenir, qu'elle crée des emplois et que, si elle n'est pas considérée comme une richesse nationale, c'est parce qu'elle est financée par les prélèvements, en clair, par l'impôt. Si on en venait à une conception plus assurantielle (et moins sociale) de l'assurance-maladie, le système pourrait s'épanouir.
Penser à un système mixte.
En d'autres termes, si le système des Etats-Unis souffre d'être trop « économique », celui de la France souffre d'être trop « social ». Mais la santé crée des richesses et des emplois (douze millions d'Américains qui en tirent leurs revenus). Pourquoi, dans ces conditions, ne pas créer un système mixte qui instituerait une franchise modeste pour les foyers aux revenus moyens ou élevés ? Le gouvernement a commencé à le faire avec l'euro non remboursable par acte. Il aurait été plus juste de demander deux euros à ceux qui en ont les moyens, et rien aux autres. Mais l'euro non remboursable est l'application du principe de franchise. Le gouvernement pourrait aussi déconnecter les soignants de la fiscalité nationale en créant un seul secteur pour tous les médecins (et pour tous les soignants), avec des tarifs libres, variables, soumis au jeu de l'offre et de la demande, mais avec des remboursements fixes, la différence étant à la charge des assurances complémentaires ou des patients.
Médecine inégalitaire ? Elle existe déjà, puisque tous les citoyens n'ont pas les moyens de s'offrir une complémentaire et qu'un euro par acte, qui n'est rien pour un salaire élevé, est lourd pour un RMI. Pourquoi ne pas rendre sa vitalité au système dès lors que les revenus les plus bas ne seront pas affectés au-dessous d'un certain seuil et que les ménages disposant de revenus plus élevés se contenteront de détourner vers leur santé une faible partie de leurs dépenses de consommation ?
On sait pourquoi. Le dire, c'est déclencher une révolte, et même une révolution. Le faire pas à pas, en catimini, par une réforme, puis par une autre, c'est exactement ce qui se passe en ce moment.
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