LE MESSAGE est passé. Après avoir reçu successivement, parfois au pas de charge, les délégations de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), du Syndicat des médecins libéraux (SML), de la Fédération des médecins de France (FMF), de MG-France et du syndicat Alliance, le nouveau ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, et son secrétaire d'Etat à l'Assurance-maladie, Xavier Bertrand, ont mesuré le désarroi d'une profession qui doute de son propre avenir mais aussi de celui du système de santé dans lequel elle exerce. Un pessimisme qu'illustre le sondage Ifop publié dans nos colonnes (« le Quotidien » du 21 avril), selon lequel 83 % des praticiens libéraux pensent que le système de santé va se dégrader dans les années à venir.
Avant d'accompagner ou même de « porter » la réforme , les responsables syndicaux ont appelé de leurs vœux le rétablissement d'un « climat de confiance » aujourd'hui fragilisé par l'absence de visibilité professionnelle (sur la nomenclature des actes techniques, la permanence des soins, la RCP (responsabilité civile professionnelle) ou la démographie, pour ne citer que les dossiers les plus sensibles), mais aussi par le durcissement des relations médecins-caisses dans certains départements, sur fond de guérilla tarifaire.
Crise existentielle.
« Pour s'engager dans une coresponsabilisation du système, il faut que les médecins retrouvent le moral ! », analyse le Dr Michel Chassang, président de la Csmf. Le Dr Dinorino Cabrera, président du SML, a précisé au ministre de la Santé que cette « crise existentielle » avait deux causes principales : une « surcharge d'activité » pour de nombreux praticiens qui compensent ainsi la « dévalorisation » des actes médicaux dans l'échelle des services ( « les médecins bossent comme des dingues pour maintenir leurs revenus ») et un discours gouvernemental qui a trop souvent « culpabilisé » les seuls libéraux .
Sur ce point, Philippe Douste-Blazy aurait donné des gages, prenant le contre-pied du plan Juppé. « Le gouvernement n'a pas l'intention de taper sur les médecins. Douste nous a dit d'emblée que nous n'étions pas responsables du trou de la Sécu », a affirmé le Dr Cabrera, à l'issue de son entretien.
Un propos que nuance le Dr Pierre Costes, président de MG-France. « Douste-Blazy ne fera pas une réforme pour telle ou telle catégorie. Il est obsédé par la catastrophe économique qui menace la survie même de notre système solidaire. » Les médecins attendent, de toute façon, davantage que de belles paroles. Le Dr Jean-Claude Régi, président de la Fédération des médecins de France (FMF), a longuement insisté sur le « malaise des médecins en milieu rural », que nourrit une démographie en déclin.
Plusieurs syndicats ont demandé à Philippe Douste-Blazy des « garanties » sur l'implication des collectivités territoriales dans la permanence des soins. La situation critique de la chirurgie française, qui va manquer de bras, faute de vocations, a été évoquée à plusieurs reprises. Sur ce dossier, les syndicats médicaux ont tous constaté la « préoccupation » du ministre de la Santé. Selon Alliance, organisation très attachée à la défense des plateaux techniques, une commission ministérielle pourrait être créée rapidement sur la chirurgie, l'obstétrique et l'anesthésie-réanimation en vue de mesures « ciblées ».
La place du spécialiste en débat.
Ce contexte morose étant posé, les médecins sont-ils prêts à prendre leur part de responsabilité dans la réforme ? Au cours de ces entretiens, plusieurs outils ont été mentionnés pour impliquer la profession dans une dynamique de maîtrise médicalisée, celle-là même que Philippe Douste-Blazy avait lancée en 1993-1994 (pour partie avec succès). Même si les modalités ne sont pas arrêtées, la mise en place du dossier médical partagé, géré par un médecin « traitant » (pas forcément un généraliste), semble acquise pour suivre le patient dans son parcours de soins, connaître ses antécédents et éviter les abus et gaspillages les plus criants. Ce dossier pourrait être mis en place rapidement pour les affections de longue durée, les plus coûteuses.
Dans le même registre, le ministre de la Santé aurait été « très attentif » aux diverses propositions syndicales visant à mieux définir les rôles respectifs du généraliste et du spécialiste libéral dans la chaîne de soins. Mécanismes de régulation de l'accès direct au spécialiste ( via le ticket modérateur), valorisation et meilleur remboursement des actes spécialisés de consultant, mise en place de protocoles médicalisés sur les pathologies lourdes : autant de pistes très souvent citées, mais pas tranchées. Selon le Dr Costes (MG-France), le ministre est conscient que le système de soins « doit être mieux balisé, mieux identifié, plus vertueux », pour proposer à l'ensemble de la population des garanties de délais, d'informations et de remboursement .
Les outils de promotion de la qualité médicale ont été au cœur de ces discussions. Plusieurs syndicats évoquent désormais « le retour des RMO », qui seraient toutefois « mieux ciblées », mais aussi la généralisation de « référentiels de pratique ». Le ministre aurait enfin demandé à la profession un engagement « déterminé » dans le suivi de FMC et dans l'évaluation des pratiques (EPP), qui ne touche actuellement que quelques centaines de médecins libéraux.
La plupart des syndicats estiment que les premières orientations gouvernementales interviendront le mois prochain, mais qu'elles seront encore « négociables ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature