ADOPTE en première lecture par l'Assemblée nationale le 14 octobre 2003, puis au Sénat le 19 janvier, le projet de loi sur la santé publique a fait l'objet d'un deuxième examen partiel au Palais-Bourbon les 7 et 8 avril. Dopée par ses récents succès électoraux, l'opposition s'est retrouvée face au successeur de Jean-François Mattei qui avait présenté le projet en première lecture. Prudent et pragmatique, Philippe Douste-Blazy a estimé que ce texte de 79 articles devait « permettre de franchir une étape importante dans l'histoire un peu chaotique de la santé publique dans notre pays ».
Psychothérapeutes : une formation préalable.
A l'initiative du Pr Jean-Michel Dubernard, rapporteur et président de la commission des Affaires sociales, les députés ont adopté un amendement selon lequel « la conduite des psychothérapies nécessite soit une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique, soit une formation reconnue par les associations de psychanalystes ». Compte tenu du risque d'infiltration du corps des psychothérapeutes par les sectes, le parlementaire UMP du Rhône juge indispensable que les personnes usant de ce titre aient « la formation requise ».
Mais le socialiste Claude Evin parle d'un « texte ni fait ni à faire », et le Dr Jacqueline Fraysse, communiste des Hauts-de-Seine, pense qu'il sera « juridiquement inapplicable ». En janvier, les sénateurs avaient décidé, en première lecture, que l'usage du titre de psychothérapeute serait réservé aux professionnels inscrits sur un registre national dressé par les préfets. Les docteurs en médecine, les psychologues titulaires d'un diplôme d'Etat et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations seraient dispensés de toute inscription.
Obésité des jeunes : les produits énergétiques sucrés.
Autre sujet qui divise : les mesures de lutte contre l'obésité des jeunes. Comme le souhaitait l'association UFC-Que Choisir, l'Assemblée a interdit les distributeurs automatiques de confiseries et de sodas dans les établissements scolaires. Rappelant que le nombre de jeunes obèses de 6 à 12 ans augmente depuis les années 1980, Philippe Douste-Blazy a fait approuver un amendement modifiant la procédure de réalisation des messages télévisées d'information nutritionnelle envisagés par les sénateurs afin de lutter contre la surconsommation de tels produits. Les publicitaires concernés financeront, après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, la conception d'annonces sanitaires qui seront diffusées aux mêmes heures que les publicités « susceptibles de nuire à la santé des enfants et des adolescents » dont ils sont les auteurs. Le ministre de la Santé, qui entend « tout faire pour éviter qu'il y ait, deux heures avant les repas, des publicités » pour des produits sucrés qui coupent l'appétit, présentera des dispositions à cet effet en deuxième lecture au Sénat. De l'avis des Verts, la formule choisie revient à confier aux fabricants de tabac la confection des messages contre le tabagisme.
Alcool : coup de pouce aux bouilleurs de cru, coup de frein aux « prémix ».
L'Assemblée a rétabli un dispositif en faveur des bouilleurs de cru, qu'elle avait retenu lors de l'examen du budget 2003, puis qui avait été supprimé par les sénateurs en janvier lors de l'examen en première lecture du projet de loi sur la santé publique. Les droits à payer des distillateurs familiaux devraient diminuer de moitié, dans la limite de 10 litres d'alcool pur par an. En contrepartie, le privilège historique accordé à certains au tout début des années 1950 s'éteindra le 31 décembre 2007.
François Vannson, député UMP des Vosges, à l'origine de la mesure en novembre 2002, estime qu'il n'était « pas convenable de prendre prétexte de la lutte contre l'alcoolisme » pour s'y opposer, sachant que la production des bouilleurs de cru ne représente que 0,15 % de la consommation française d'alcool. Tout en déclarant qu'il devrait « normalement » refuser la mesure, le Pr Philippe Douste-Blazy a fait remarquer qu'il y avait « des cultures et des traditions à respecter » et s'en est remis à « la sagesse de l'Assemblée ».
Assemblée qui s'est montrée unie pour voter deux amendements similaires, présentés par Yves Bur (UMP, Bas-Rhin) et le Dr Jean-Marie Le Guen (PS, Paris), visant à presque doubler la taxation des boissons dites « prémix ». La taxe a été fixée à 10 euros par décilitre d'alcool pur, contre 5,50 euros actuellement. En Allemagne, la consommation de ces mélanges d'alcool et de sodas sucrés a multiplié par quatre le nombre d'hospitalisations des adolescents. Mais le Dr Jean-Marie Le Guen, responsable des questions de santé au parti socialiste, n'est pas satisfait. Pour lui, la majorité ne fait preuve d' « aucun courage sur les orientations nécessaires pour surmonter les lobbies qui s'affirment contre la santé publique ».
Les deux premières parties de la future législation, qui définissent la nouvelle architecture de la politique de santé publique ont été votées sans correctif notable. La responsabilité de l'Etat est pleine et entière en la matière, et les objectifs à tenir seront fixés par le législateur tous les cinq ans. La mise en œuvre de la politique est confiée à des groupements régionaux de santé publique, présidés par les préfets. Le texte, qui crée un Institut national du cancer, tire également les leçons du drame de la canicule de l'été 2003 en renforçant les moyens mis à la disposition des pouvoirs publics afin de faire face à une crise sanitaire de même ampleur.
Au total, « le principe (de la loi) est d'instituer l'Etat comme le garant de la santé publique », dit le ministre. Et d'ajouter : « Il ne pourra pas y avoir de sauvegarde du système d'assurance-maladie s'il n'y a pas un pilotage de la santé publique au plus haut niveau de l'Etat. »
Les quatre séances fixées pour l'examen du projet de loi à l'Assemblée, les 7 et 8 avril, se sont révélées insuffisantes. Il reste encore aux députés à discuter 40 articles, portant principalement sur les recherches biomédicales, et 140 amendements sur plus de 350 déposés. La reprise de cette deuxième lecture pourrait intervenir dans le courant de la semaine, mais plus probablement après les vacances pascales parlementaires du 19 au 24 avril.
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