Douleurs thoraciques : les Centres 15 à l'heure de l'urgence coronaire

Publié le 19/11/2001
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Les délais de prise en charge d'une douleur thoracique doivent être rapides. La vigilance des équipes d'intervention urgente (SAMU, SMUR) est donc extrême. « Au SAMU des Yvelines, la douleur thoracique constitue la pathologie numéro un prise en charge. Elle ne représente que 2 % des appels qui parviennent au 15, mais elle mobilise 18 % de l'activité du SMUR », déclare le Dr Yves Lambert (SAMU de Versailles). Soixante-cinq pour cent des appels pour douleur thoracique provoquent l'envoi d'un SMUR et 80 % d'entre eux sont effectivement diagnostiqués comme des syndromes coronaires aigus à l'arrivée de l'équipe médicale. Les patients bénéficient alors du réseau de prise en charge de l'urgence coronaire mis en place depuis quelques années, grâce à une politique de concertation entre les cardiologues, la Société française de cardiologie, la Fédération française de cardiologie et les médecins urgentistes. L'objet d'une telle organisation est d'améliorer les stratégies thérapeutiques et d'orientation des patients. Le troisième symposium thrombose Pitié-Salpêtrière a permis de faire le point sur ces stratégies et sur les nouvelles approches de la douleur thoracique en urgence.

Une régulation à domicile efficace

Des registres d'évaluation sont, par exemple, utilisés pour analyser les procédures de prise en charge de l'infarctus appliquées en préhospitalier. Le registre ESTIM est un recueil des paramètres fondamentaux de la prise de décision, dans les huit SAMU d'Ile-de-France et leurs 75 équipes SMUR. Les résultats à un an, sur 2 471 cas, montrent que l'infarctus touche le plus souvent des hommes (75 %), d'une moyenne d'âge de 58 ans (celle des femmes étant de 74 ans). Les équipes interviennent en moins de vingt minutes et prennent une décision de désobstruction dans 63 % des cas (39 % de TPH et 61 % d'angioplastie de première intention). Cette décision est plus fréquente lorsque les patients appellent avant la quatrième heure (75 %). Le délai médian de mise en œuvre de la thrombolyse préhospitalière (TPH) est de 2 heures, celui de l'angioplastie est de 3 heures 25. Cette étude montre donc qu'une régulation dès le domicile (80 % des interventions se font à domicile) est efficace. Mais elle révèle aussi l'extrême variabilité des décisions et des délais d'un département à l'autre. « Il faut donc travailler nos comportements et mettre en place des protocoles plus globaux », conclut le Dr Claude Lapandry (SAMU de Bobigny). De même est mise en exergue l'exigence d'une meilleure coopération de tous les intervenants. Car une angioplastie peut être retardée de cinquante-cinq minutes, si le patient n'accède pas directement à une salle de cathétérisme. Les stratégies d'orientation sont donc importantes et doivent avoir le souci de diriger le patient dans l'unité de soins intensifs la plus adaptée (avec ou sans plateau technique).

L'absence de sus-décalage de ST

En dehors de l'infarctus, les syndromes coronaires aigus posent des problèmes particuliers, surtout lorsqu'il n'existe pas de sus-décalage du segment ST (signe de gravité d'une évolution vers l'occlusion de l'artère coronaire). Ils sont, en effet, quatre fois plus nombreux et leur mortalité à un an n'est pas significativement différente de celle des syndrome avec sus-décalage de ST. Il s'agit, dans ces cas, de déterminer leur potentiel évolutif vers l'infarctus ou vers un décès. L'étude ISCHEMY, prospective et multicentrique (40 SMUR et 30 SAU), a tenté d'établir les facteurs de stratification du risque de survenue de ces événements graves. Elle a, pendant deux mois, analysé les données cliniques et électriques de 362 patients présentant un angor sans sus-décalage. Seule la persistance de la douleur, sa durée (supérieure à vingt minutes) et l'aspect électrique se sont révélées des facteurs pronostiques significatifs. Le type de douleur n'était pas déterminant, l'âge des patients non plus. Une stratification en quatre classes du risque d'infarctus a été proposée. Le risque le plus élevé (44 %) apparaît lorsqu'il existe un sous-décalage du segment ST (quelles que soient la durée et la persistance de la douleur). En l'absence de sous-décalage, mais avec d'autres anomalies à l'ECG associées à une douleur persistante, le risque est de 28 %. Il est de 11 % en cas d'ECG normal avec une douleur persistante et nul (0 %) si l'ECG est normal et la douleur non persistante.

Troponine et score TIMI

La valeur prédictive du dosage de marqueurs spécifiques de la thrombose coronaire, comme la troponine, est en cours d'évaluation, mais on sait qu'elle est très rarement augmentée dans les premières heures. La prise en compte de plusieurs variables facilement disponibles en pratique clinique est essentielle dans le cadre d'une stratification précoce et précise du risque : le TIMI Risk Score présente cet avantage et devrait être prochainement validé. L'évaluation du risque, dans ces angors instables qui se différencient de l'infarctus par l'absence d'efficacité des traitements thrombolytiques, peut aussi aider à déterminer les cas où de nouveaux traitements, tels que les antiglycoprotéiques (anti-GPIIb /IIIa), sont nécessaires. Des études ont montré que ces molécules, jusque-là réservées aux unités de soins cardiologiques, pouvaient s'exporter à l'urgence préhospitalière (études GUSTO V et ADMIRAL).

Seuls 50 % des douleurs thoraciques appellent le 15

Tout cela devrait permettre l'amélioration des algorithmes de décision et d'orientation de tous les patients présentant une douleur thoracique. Le renforcement des relations domicile/hôpital, hôpital/hôpital et une bonne connaissance des structures d'accueil dans chaque région sont le gage d'une réponse thérapeutique adaptée à chaque cas. Il reste qu'une large majorité des douleurs thoraciques (près de 50 %) échappe encore à ce réseau de prise en charge. Il faudrait donc « mieux informer les patients, produire des messages clairs et simples, promouvoir l'appel au 15 devant toute douleur thoracique inquiétante. Le 15 apparaît dès lors comme l'animateur naturel de ce réseau associant et intégrant dans une même volonté les médecins généralistes, les cardiologues et les urgentistes », conclut le Dr Patrick Goldstein (SAMU de Lille).

3e symposium thrombose, la Pitié-Salpêtrière 2001.
Session : « Vers une nouvelle approche de la douleur thoracique en urgence », présidée par le Pr Nicolas Danchin (hôpital européen Georges-Pompidou).
Intervenants : Drs Yves Lambert (SMUR, centre hospitalier de Versailles), Claude Lapandry (SMUR, hôpital Avicenne, Bobigny), Patrick Goldstein (SAMU régional de Lille), Philippe Asseman (CHRU hôpital cardiologique, Lille).

Dr Lydia ARCHIMEDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7013