CONGRES HEBDO
Les douleurs articulaires naissent le plus souvent d'une activation, par des stimulus chimiques (inflammation) ou physiques (pression, chaleur) des terminaisons axonales fines, dites nociceptives. Plus de 80 % des fibres nerveuses articulaires sont amyéliniques, elles se répartissent entre des fibres C et des fibres végétatives sympathiques. Les fibres C sont présentes dans toutes les structures articulaires, à l'exception du cartilage. Cette absence de récepteurs de la douleur dans le cartilage est un point fondamental qui explique pourquoi il n'y a pas de corrélation entre l'intensité de la douleur articulaire et la destruction cartilagineuse.
Les peptides contenus dans ces fibres sont essentiellement la substance P, le Calcitonin Gene-Related Peptide (CGRP) et le neuropeptide Y (NPY). La substance P et le CGRP, associés dans les fibres fines C, fonctionnent de façon synergique sous le contrôle du Neuronal Growth Factor (NGF). Ainsi, le CGRP potentialise la libération médullaire de la substance P et retarde sa dégradation. Ces neuropeptides, libérés en grande quantité à la périphérie, ont une action locale vasodilatatrice et pro-inflammatoire à l'origine du phénomène d'inflammation neurogène. L'inflammation neurogène synoviale pourrait expliquer le rôle du système nerveux dans le développement et le passage à la chronicité de certaines atteintes articulaires, en particulier l'arthrite rhumatoïde se traduisant par une diminution des taux des neuropeptides dans la membrane synoviale et une augmentation dans le liquide synovial. La capsaïcine, qui induit une libération de substance P par les fibres C, a été utilisée pour le traitement local des douleurs articulaires arthrosiques ou inflammatoires. Actuellement, plusieurs antagonistes sélectifs de la substance P sont en cours de développement dans le traitement des douleurs articulaires.
L'autre contingent nerveux intra-articulaire est représenté par les fibres sympathiques qui contiennent le neuropeptide Y, la tyroxine hydroxylase et la dopamine-b-hydroxylase. Les fibres sympathiques pourraient avoir un rôle modulateur homéostasique dans l'inflammation articulaire bien que leur rôle dans la perception douloureuse articulaire soit controversé.
Douleurs osseuses dans l'arthrose, synoviales dans l'arthrite
L'analyse sémiologique de la douleur articulaire distingue habituellement deux grands types d'atteinte : les douleurs mécaniques et les douleurs inflammatoires, de physiopathologies encore mal élucidées.
La douleur mécanique articulaire, classiquement rencontrée dans l'arthrose des membres inférieurs, est liée aux mouvements et à la pression. Essentiellement diurne, elle est d'origine capsulo-ligamentaire et osseuse, par activation mécanique des récepteurs de type III et IV. D'une part, les mouvements de l'articulation distendent la capsule et les ligaments lésés, d'autre part, l'usure du cartilage induit une hyperpression dans l'os sous-chondral. La douleur d'origine osseuse est probablement l'élément majeur de la douleur arthrosique, liée à l'hyperpression osseuse et périostée rencontrée dans l'os sous-chondral arthrosique.
Les douleurs articulaires inflammatoires, observées dans les arthrites ou dans les poussées d'arthrose, seraient, en revanche, essentiellement d'origine synoviale. L'inflammation articulaire diminue le seuil d'activation des nocicepteurs par un phénomène de sensibilisation locale. La sensibilisation des nocicepteurs aboutit à une augmentation de leur activité spontanée, une diminution de leur seuil d'activation, une augmentation de la réponse aux stimulus et un recrutement des fibres nociceptives silencieuses. Les facteurs intra-articulaires pro-inflammatoires qui peuvent sensibiliser les nocicepteurs (Fig. 1) au cours de l'arthrite sont l'abaissement du pH, les cytokines pro-inflammatoires (IL1b, IL6), la bradykinine, la sérotonine et les prostaglandines PGE2 et PGI2. La pérennisation et l'exacerbation des douleurs sont également favorisées par le phénomène d'inflammation neurogène local induit par la substance P et le CGRP, ainsi que par les afférences sympathiques locales libérant le neuropeptide Y. A noter d'ailleurs que l'effet périphérique articulaire de la morphine pourrait être lié à une inhibition de la libération locale de substance P, mais aussi à une action directe sur des récepteurs morphiniques présents dans l'articulation.
La sensibilisation centrale
A coté des phénomènes articulaires, d'autres facteurs interviennent dans la physiopathologie de ces douleurs. Ainsi, les mécanismes centraux jouent un rôle majeur. Des modifications spinales et supraspinales observées dans les atteintes inflammatoires aboutissent à une sensibilisation centrale qui correspond à une augmentation de la réponse des neurones nociceptifs de la corne dorsale aux stimulations répétitives de fibres C. Lorsqu'une sensibilisation centrale est installée, les modifications ne régressent que lentement ; cette sensibilisation pourrait expliquer également l'hyperalgie et les fibromyalgies secondaires observées dans les structures périarticulaires au cours des rhumatismes inflammatoires chroniques .
« Enfin, souligne le Dr Perrot, la complexité de l'étude de la douleur, en particulier articulaire, est accentuée par les multiples influences environnementales, psychologiques ou constitutionnelles. »
On décrit ainsi l'impact des conditions climatiques ou des facteurs individuels tels que l'âge, le sexe ou l'articulation considérée.
La présence de désordres psychologiques chez les douloureux chroniques est un fait bien établi qui pose aussi le problème de la préexistence d'un terrain favorable à certaines douleurs articulaires chroniques.
D'après un entretien avec le Dr Serge Perrot, hôpital Cochin, Paris.
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