Fréquente et difficile à traiter, la douleur neuropathique résulte d'une lésion ou d'une dysfonction du système nerveux.
Les causes sont multiples. Les lésions des nerfs périphériques, comme dans la neuropathie diabétique ou le zona, entraînent de multiples changements physiopathologiques qui sont associés à une douleur persistante, une allodynie (douleur d'un stimulus habituellement anodin) et une hyperalgésie (réponse accrue à un stimulus douloureux).
Les traitements actuels n'apportent un soulagement que chez une fraction des patients, et l'efficacité de certains est limitée par de sérieux effets secondaires. Une nouvelle approche thérapeutique a été proposée : réparer les dégâts nerveux en favorisant la régénération des nerfs grâce à un facteur de croissance nerveux.
Une étude animale, évaluant l'administration systémique d'artémine, suggère pour la première fois l'efficacité prometteuse de cette approche. L'étude, conduite par des pharmacologues de l'université d'Arizona à Tucson et des chercheurs du Laboratoire Biogen (Cambridge, Massachusetts), est décrite dans « Nature Medicine ».
L'artémine (ou neublastine ou énovine)
L'artémine (aussi appelée neublastine ou énovine) est un facteur neurotrophique endogène qui appartient à la famille des GDNF (Glial cell line-Derived Neurotrophic Factor). « La capacité d'administrer l'artémine pour mener ces expériences représente vraiment une percée technologique qui a été réalisée en grande partie par les chercheurs de Biogen », explique au « Quotidien » le Dr Frank Porreca (université de Tucson) qui a dirigé l'étude animale. « L'artémine est une protéine compliquée qui doit être produite de manière à obtenir un pliage correct afin de conserver son activité. »
Les chercheurs ont examiné les effets de l'artémine sur une douleur neuropathique causée chez le rat par une lésion chirurgicale des nerfs rachidiens (L5, L6). Ces rats deviennent hypersensibles à la chaleur et à la pression. L'artémine, commencée après la manifestation de la douleur neuropathique, donnée en injection sous-cutanée un jour sur deux, soulage au bout de quelques jours cette hypersensibilité et normalise, partiellement ou complètement, de multiples conséquences morphologiques et neurochimiques de la lésion nerveuse dans le SNC et le système nerveux périphérique.
« Nos résultats indiquent que l'administration systémique d'artémine peut traiter avec succès les symptômes comportementaux des états douloureux neuropathiques, et peut normaliser, partiellement ou complètement, les changements morphologiques et neurochimiques associés », concluent les chercheurs.
L'investigation préclinique se poursuit
« L'artémine semble exercer des effets "modifiant la maladie", ce qui la distingue de tous les traitement prescrits actuellement pour la douleur neuropathique », souligne le Dr Porreca. « L'artémine a le pouvoir de modifier les manifestations sous-jacentes (les "bases mécanistiques") qui ont de fortes chances de produire et de prolonger la maladie chronique de la douleur neuropathique. »
Autre élément important, l'administration par voie systémique est intermittente, ce qui est « très prometteur pour une application clinique potentielle », ajoute-t-il. « De plus, l'artémine peut être administrée de façon répétée et produire un soulagement complet de la douleur sans perdre de son activité, c'est-à-dire sans entraîner de tolérance. »
Enfin, puisque l'artémine agit à travers un récepteur (GFR-3) dont l'expression est très restreinte - sur les neurones sensoriels nocicepteurs périphériques - les effets secondaires devraient être minimes. L'équipe poursuit l'investigation préclinique de l'artémine.
« Nature Medicine », du 6 octobre 2003, DOI : 10.1038/nm944
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